Contexte et analyse des migrations
Les migrations internationales connaissent depuis quelques années de fortes mutations. Le phénomène de la mondialisation, propre à nos sociétés contemporaines, n’est pas seulement un processus socio-économique, mais reflète également « une humanité de plus en plus interconnectée », dépassant les frontières géographiques et culturelles.
La mondialisation du phénomène des migrations
Conséquences souvent des forts déséquilibres du fonctionnement économique mondial, les migrations s’en trouvent ainsi accélérées. Le monde est devenu en peu de temps un espace interdépendant de mobilité mondiale. Plus aucun pays du monde n’échappe au phénomène. Tous sont devenus pays émetteurs, pays d’accueil ou pays de transit de migrants. Les Nations Unies ont recensé officiellement 214 millions de migrants [[PNUD, Rapport Mondial sur le développement humain 2009 Lever les barrières : Mobilité et développement humain, p.23]], dont une bonne part en situation régulière. Cela représente un doublement du nombre de migrants internationaux en 40 ans, mais, la population mondiale ayant également doublé dans le même temps, le taux reste stable : 3,1% des habitants de la planète ne résident pas dans leur pays de naissance. [[PNUD, Rapport Mondial sur le développement humain 2009 Lever les barrières : Mobilité et développement humain, p.23]]
Aujourd’hui, les migrations sont majoritairement des migrations Sud-Sud. Les chiffres en témoignent. Les expatriés issus des pays du Sud et installés dans les pays du Nord ne représentent que 37 % de ces 214 millions d’individus ; les migrations du Sud vers le Sud et du Nord vers le Nord concernent quant à elles 60 % des migrants internationaux, et l’installation des ressortissants du Nord dans les pays du Sud correspond aux 3 % restant [[Nicola Harrington, Directrice du bureau du PNUD à Bruxelles, dans « Cette France-là » rapport d’audit de la politique
d’immigration de Mr. Nicolas Sarkozy, 2009]]. « La mondialisation a ainsi ouvert de nouvelles voies aux migrations traditionnelles qui sont aujourd’hui moins dépendantes des passés coloniaux. Si tous les continents sont concernés, l’Asie centrale et orientale, l’Europe de l’Est et l’Afrique centrale sont devenues depuis vingt ans de nouvelles zones de mobilité majeures. » [[Catherine Withol de Wenden, Atlas des migrations dans le monde, réfugiés ou migrants volontaires, Collection Atlas/Monde, éditions Autrement, 2005, p. 6-9]]
A ce jour, il existe plusieurs types de parcours et de profils migratoires. Dans la majorité des espaces régionaux, la circulation des personnes et le droit à la mobilité sont devenues des réalités de fait.
Certains pays émergents deviennent de véritables pôles d’attraction des migrants. Pourtant, encore 18% des Etats du monde (notamment les pays européens, l’Australie, le Canada et les Etats-Unis d’Amérique) continuent d’entraver la libre-circulation des personnes. Des zones de fracture Nord-Sud se construisent et se consolident, favorisant les espaces de non-droit pour les migrants.
Qui sont ces migrants ?
Il existe des profils variés mais ce sont avant tout des hommes, des femmes, bien souvent des familles. Aujourd’hui, les femmes représentent 49,7% des personnes qui partent en émigration. Le profil des migrants évolue : « les jeunes hommes ruraux et peu qualifiés sont désormais rejoints par des jeunes hommes qualifiés voire très qualifiés des classes moyennes urbaines, des femmes isolées, qualifiées, aspirant à une indépendance, et même des mineurs ». Cf. Catherine Withol de Wenden, Atlas des migrations dans le monde, réfugiés ou migrants volontaires, Collection Atlas/Monde, éditions Autrement, 2005, p. 6-9.
Pourquoi migrent-ils ?
Les personnes migrent pour quatre motifs principaux :
– Pour travailler: c’est l’immigration dite «économique». (travailleurs saisonniers ou permanents)
- Pour vivre en famille: en France, on l’appelle le regroupement familial.
– Au titre de l’asile : plus de 45 millions de personnes sont comptabilisées comme réfugiés, demandeurs d’asile ou déplacés internes. 15,4 millions étaient des réfugiés -dont 4,9 millions de Palestiniens-, 28,8 millions des déplacés internes et 937 000 des demandeurs d’asile.
– Pour étudier : plus de 3 millions à travers le monde.
Emergence de zones de « fractures » et externalisation des politiques migratoires du Nord
Les progrès de cette prise de conscience n’atténuent cependant pas les fortes réticences et la politique de fermeture que prônent certains Etats, comme ceux de l’Europe et des Etats-Unis, dont les nations se sont paradoxalement construites à partir de vagues successives de migrations.
L’établissement systématique de barrières juridiques et de périmètres physiques de dissuasion, parfois militairement défendus, favorisent la permanence de zones de fortes tensions et de pressions migratoires autour des frontières (la Méditerranée, le Nord Mexique/USA etc.) qui deviennent ainsi des zones de violences quotidiennes pour les candidats à la migration. Dans ces zones dites de « fractures », les migrants sont victimes, par dizaines de milliers, de violences et de traitements inhumains et dégradants, au mépris des règles élémentaires du droit international.
De pays de départ ou de transit, les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Libye, Tunisie) deviennent progressivement des pays d’accueil, ou du moins de « séjour prolongé » pour les migrants en provenance d’Afrique subsaharienne. Les gouvernements élaborent à la hâte des cadres législatifs et réglementaires ad hoc pour « contrôler » les flux de migrations. Et de fait, ils ne prennent du modèle européen que des aspects formels et surtout les plus sécuritaires qui laissent libre cours aux exactions policières, aux violations des droits humains fondamentaux et à l’abandon des populations migrantes sans aucune protection face aux brimades et aux comportements xénophobes.
« Beaucoup de migrants meurent chaque jour dans le désert, dans la mer, de faim, de soif. Le convoi de 50 personnes accueillies hier à la Maison du Migrant montre combien tous ont vécu des drames sur leurs parcours. Mais il faut savoir que c’est au nom de l’humanité, de notre humanité que nous sommes là réunis. Chacun de nous peut déjà constater qu’il n’est pas seul à agir. C’est un grand espoir pour les migrants » Frère Jan Heuft, Rencontre et Développement, Algérie, Rencontre régionale de Gao, octobre 2009
Les pays sahéliens (Mali, Sénégal, Mauritanie, Niger) traditionnellement marqués par de fortes migrations pendulaires Sud/Sud, sont aujourd’hui des zones de départ de migrations de plus en plus lointaines vers le Maghreb et l’Europe mais aussi des lieux de transit pour des émigrants et des réfugiés venus de pays d’Afrique côtière en situation de crise. L’impuissance endémique des gouvernements locaux à construire des perspectives viables d’insertion pour la jeunesse, conjuguées aux pressions de l’Union Européenne qui restructure ses besoins de main d’œuvre, sélectionne et restreint les nouveaux flux d’arrivée, jettent de plus en plus de jeunes désespérés sur les routes de l’exil. De fait, les zones de non-droit au milieu du Sahara se multiplient.
Comparativement à l’Europe, on assiste également à la frontière Nord-américaine à une forme d’externalisation de la politique migratoire des Etats-Unis vers le Mexique.
Les pays de la Méso-Amérique (Mexique, Guatemala, Costa Rica, Nicaragua, Salvador) constituent de plus en plus un corridor de passage vers les Etats-Unis, haut lieu de trafics en tous genres et de multiples brassages de flux de migrations, connu pour être contrôlé par les réseaux mafieux, où les droits humains sont fréquemment bafoués. C’est une zone en tension constante. Avec la crise financière internationale et la baisse de l’activité économique aux Etats-Unis, les travailleurs migrants latino-américains ont été parmi les premières victimes du chômage. Les politiques de répression se renforcent : le nombre d’expulsions, que ce soit des Etats-Unis ou du Mexique, augmente chaque jour. La vulnérabilité des migrants s’est profondément accrue. Ils subissent des discriminations et des violences et sont dans une situation d’extrême fragilité vis-à-vis des réseaux de trafics.
Pays émergents, pôles d’attraction
Dans cette nouvelle configuration de la géographie mondiale des migrations, apparaissent, à côté de ces zones dites de fractures, de nouveaux pôles économiques émergents, pôles d’attraction de migrations internes et internationale en provenance des pays frontaliers comme d’autres parties du monde.
En Afrique Australe, l’Afrique du Sud (3 à 4 millions de migrants sur une population totale de 45 millions d’habitants), qui se confirme comme pôle économique régional majeur, attire un très grand nombre de migrants et de réfugiés en provenance des pays voisins et des îles de l’Océan Indien, mais aussi de régions plus éloignées du continent.
Avec la chute de l’apartheid, le pays s’est doté d’une nouvelle constitution ouverte et progressiste, fondée sur la liberté et le respect des droits humains fondamentaux. Elle met en œuvre une politique d’asile accueillante pour les réfugiés et de larges secteurs de l’économie nationale recourent sans contraintes majeures à la main d’œuvre qualifiée venue de l’étranger. Ces choix ont eu pour conséquence la transformation de l’Afrique du Sud, en à peine vingt ans, en un véritable pays d’immigration.
Certes son système administratif, encore en construction, est souvent engorgé par le flot des demandes d’admission. Et la forte demande sociale non satisfaite de certaines franges de population noire défavorisée, en concurrence avec les migrants nouvellement arrivés demeure prégnante. Ces réalités conjuguées constituent des défis majeurs pour la réussite d’une vraie politique migratoire de long terme. Illustration des frustrations de la population noire Sud-africaine qui n’a guère vu sa
situation s’améliorer depuis 1994, les crises de xénophobie sont fréquentes et posent de vraies questions de vivre-ensemble.
En Amérique du Sud, le Brésil, autre géant de l’économie mondiale, est aujourd’hui un pôle important de migrations intracontinentales. Pays de brassages culturels anciens et de vieille tradition migratoire interne, il a construit ses riches pôles industriels en drainant d’importants flux de main d’œuvre paysanne du Nordeste et de l’Amazonie vers les villes et en constituant dans les faubourgs des grandes métropoles du Sud de fortes concentrations de migrants de l’intérieur mais aussi d’origine étrangère.
Pays émergent au plan international, sorti il y a seulement quelques décennies de la dictature militaire et de l’idéologie de la Sécurité nationale, le Brésil, comme les autres pays des BRIC [[Brésil – Russie – Inde – Chine – Afrique du Sud]], postule à la direction des affaires du monde et au rééquilibrage de la nouvelle gouvernance mondiale. D’où la forte empreinte dans les débats sociaux et nationaux de ce pays, de la question de la nouvelle citoyenneté démocratique et universelle, intégrant toutes les composantes culturelles et sociales constitutives de la Nation, que portent les différents acteurs de la Société Civile, face à un Etat fédéral de plus en plus engagé dans la poursuite de la démocratisation constitutionnelle et une meilleure répartition des bénéfices du progrès économique au profit de la majorité de la population.
La plus grande partie des migrants du Brésil vient aujourd’hui de Bolivie, puis du Paraguay et des autres pays de la région et se regroupent autour des pôles industriels, comme Sao Paulo (entre 400 et 500 000 migrants à Sao Paulo – rapport CDHIC Centro de Direitos Humanos de imigrante e cidadania, 2011). Les prémisses de politique publique en matière d’immigration s’inscrivent dans une approche d’ouverture et d’accueil des nouveaux arrivants (décrets successifs de régularisation collective). Cependant les conditions de vie et de travail de ces derniers sont encore déplorables. Le plus souvent sans statut de travail légal, ils sont sujets quotidiennement à des abus du patronat et à des difficultés d’accès aux droits sociaux pour une vraie intégration.
Dans la zone d’Asie du Sud-est, la Thaïlande (3 à 4 millions de migrants birmans sur 67 millions), avec un niveau de développement supérieur à celui de ses voisins, apparaît comme le principal pays d’accueil de la région, de migrants et de réfugiés venant de Birmanie, du Laos et du Cambodge. Il y aurait environ 4 millions de migrants birmans en Thaïlande. En 2008, les migrations en provenance de Birmanie se sont encore intensifiées avec le Cyclone Nargis et la politique de répression de la
junte. Leur situation en Thaïlande se dégrade. Ces migrants occupent des emplois précaires et sont le plus souvent considérés comme des « illégaux », donc n’ayant accès ni à l’éducation ni à une quelconque protection sociale. En outre, dans un contexte de crise permanente dans l’Etat voisin de Birmanie et de troubles intérieures, les migrants birmans subissent les revirements périodiques et les ambigüités de la politique migratoire de l’Etat thaï. Le racisme ambiant de la population thaïe et les discriminations envers les migrants birmans rendent encore plus difficile l’intégration de ces derniers dans la société.
« Nous avons été bouleversés par les inondations à Bangkok, mais nous avons eu la chance d’être recueillis dans un temple et de rencontrer d’autres birmans et ainsi de partager nos expériences. Grâce aux ONG de droit de l’homme que nous avons rencontré, nous avons pu être mieux informés sur nos droits. », Ouvrier birman dans la construction, vivant en Thaïlande, victime des inondations de novembre 2011.
En France
La France ne connait pas aujourd’hui une immigration massive. La France est un vieux pays d’immigration. La population immigrée s’est constituée progressivement avec des arrivées successives : des pays voisins (Belgique, Angleterre, Allemagne, Suisse) au 19ème siècle, puis après la première guerre mondiale, de Pologne, d’Italie, d’Espagne et, après la seconde guerre mondiale, du Portugal, du Maghreb, enfin plus récemment, d’Afrique subsaharienne, d’Asie et des pays d’Europe de l’Est. Les chiffres des arrivées sur le territoire sont parfaitement stables depuis plusieurs décennies. Le nombre d’immigrés présents en France était en 1988 de 5,7 millions, en 2000 de 6,3 millions et en 2010 de 6,7 millions. Sur ces 6,7 millions, « on estime entre 200 et 400.000 le nombre d’étrangers en situation irrégulière en France. 400.000 personnes, cela représente 0,6 % de la population française.» [[Joël OUDINET, « Cette France-là » (rapport d’audit de la politique d’immigration menée sous l’égide de Mr. Nicolas Sarkozy), 2009-2010, p.12]]
Malgré son histoire coloniale, ses liens proches avec certains pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, la France est loin d’être le pays le plus accueillant pour les immigrés. Lorsque l’on regarde le solde migratoire, la France figure parmi les pays développés qui ont accueilli la plus faible proportion d’immigrés. Le nombre d’immigrés représentait 10,9% de la population en 1980, 10,6% de la population en 2000, et 10,7% en 2010. En comparaison, la Suisse compte proportionnellement plus de migrants que la France (23%). Et de fait, en 2009, sur les 150 000 étrangers qui ont bénéficié du statut de réfugié politique, la majorité d’entre eux sont Asiatiques. Les migrants venant d’Afrique subsaharienne restent très minoritaires : 12% en 2004 alors que 35 % d’étrangers venaient de l’Union européenne, 31 % du Maghreb et 17 % d’Asie. [[, « Cette France-là » (rapport d’audit de la politique d’immigration menée sous l’égide de Mr. Nicolas Sarkozy), 2009- 2010, p.12, p.10]]
Cette politique de repli est d’autant plus incohérente que, de fait, la France a besoin des immigrés, tant au plan démographique qu’économique. Fernand Braudel expliquait déjà dans l’Identité de la France, « les immigrés installés chez nous depuis longtemps ont contribué à la croissance française, à l’embourgeoisement d’une partie de notre prolétariat, à l’augmentation du niveau de vie général ».
Le seuil de remplacement de la population étant de 2,1 alors que son taux de fécondité est de 1,8, il manque 100.000 naissances par an pour assurer le remplacement des générations. D’autant que les immigrés créent de la richesse au plan économique, «globalement la contribution au budget des administrations publiques des immigrés, en 2005, était positive et de l’ordre de 12 milliards d’euros. (…) Si on ramène ça par immigré, grosso modo la contribution nette d’un immigré, en 2005, était de 2250 euros alors que celle d’un natif était de 1500 euros» [[Xavier Chojnicki, Impact budgétaire de l’immigration en France, Revue économique 2011/3 (Vol. 62), Presse de Sciences-Po, P.531 à 543]].
Le CCFD-Terre Solidaire combat les préjugés et idées reçues sur la question et sur la présence des migrants en Europe, et notamment en France. Déjà thème central de mobilisation dans les années 80, c’est plus que jamais une priorité dans le contexte actuel.
Les Roms migrants, une minorité victime de discriminations
En 2004, avec l’élargissement à 25 pays de l’Union Européenne, les Roms sont devenus la première minorité de l’Union européenne. Après 2007, année qui marque l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne, la France a rapidement mis en place une politique répressive contre les Roms roumains et bulgares à travers des « encouragements au départ » s’adressant à tous les Roms vivant dans des bidonvilles en France. Plusieurs mesures ont été prises pour les décourager de s’installer sur le territoire : mesures transitoires limitant l’accès à l’emploi, tracas administratifs innombrables pour l’inscription des enfants à l’école, opacité dans l’obtention de l’accès à la santé gratuite (AME), obstacles pour l’accès au logement, pressions policières sur les lieux de vie, expulsions des terrains avec destructions des habitats, reconduites aux frontières… Enfin, depuis l’été 2010 (Discours de Grenoble de Mr Sarkozy, Président de la République), le gouvernement français a fait plusieurs déclarations stigmatisant les Roms tout en accentuant sa politique répressive. Les déclarations du Conseil de l’Europe, du Parlement européen, de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), de l’Agence européenne pour les droits fondamentaux et de la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) condamnant cette stigmatisation n’ont malheureusement entraîné aucune inflexion dans les politiques et les discours gouvernementaux. Le changement de majorité en 2012 a certes eu un effet positif en termes de discours, notamment dans la volonté de ne plus stigmatiser cette population. Cependant, dans les faits, il a débouché sur la mise en œuvre d’une politique double et contradictoire: d’un côté, la décision d’aborder la problématique de manière humaine et globale, non plus exclusivement sécuritaire, via la circulaire interministérielle du 26 août 2012 et la mission confiée au préfet Régnier dans le cadre de la DIHAL (Délégation Interministérielle à l’Hébergement et l’Accès au Logement); de l’autre la poursuite effective par le ministère de l’Intérieur des évacuations de campements sans solutions de relogement et le maintien des dispositions transitoires qui limitent l’accès au travail ainsi que des difficultés administratives dans l’accès aux droits fondamentaux que sont l’éducation et la santé.
Les acteurs de la migration
Les migrations étant un phénomène humain constitutif de nos sociétés, elles impliquent une pluralité d’acteurs portant des objectifs variés et intervenant à différents niveaux. A proprement parler les acteurs de la migration sont difficiles à définir : il s’agit en réalité de presque tous les acteurs de la scène publique, sociale et économique. On essaiera ici d’en retenir certains qui, à des degrés divers, partagent ou croisent l’action du CCFD-Terre Solidaire ou en sont des interlocuteurs majeurs sur les divers champs de l’action sociale et politique.
1- Les premiers acteurs sont bien évidemment les migrants eux-mêmes. Plus ou moins organisées, selon l’histoire de leur pays d’origine et de leur pays d’accueil, les diasporas de migrants sont en général les premiers soutiens et accueils, garants pour les migrants nouvellement arrivés, d’une intégration sociale et économique plus facile dans les sociétés d’accueil. Elles peuvent ainsi, dans certaines zones du monde, disposer de ressources sociales et économiques internes leur permettant de constituer des forces de pression capables, par l’action publique locale ou nationale, d’améliorer l’image de marque, la condition sociale des migrants et les politiques publiques. Si, dans certains pays, les migrants n’ont pas encore le droit d’association, ils s’organisent néanmoins pour répondre aux besoins de leurs ressortissants et favoriser le vivre-ensemble avec la population locale. A titre d’exemple, la diaspora birmane en Thaïlande s’est peu à peu constituée en diverses associations pour proposer un accès à l’éducation, à la santé, etc. aux migrants en situation de détresse. Beaucoup restent en lien avec leurs pays d’origine où ils développent des initiatives pour améliorer les conditions de vie des personnes restées sur place. En plus d’être acteurs de la migration, ils deviennent alors acteurs de développement. C’est le cas de nombreuses associations de ressortissants subsahariens installés en Europe.
2- Les pouvoirs publics restent des acteurs majeurs puisque ce sont eux qui définissent et appliquent les politiques publiques et les règles de circulation et d’établissement des migrants sur le territoire. Ils gardent aujourd’hui encore l’essentiel des prérogatives sur l’élaboration et la mise en œuvre par l’Administration des règles de la politique migratoire nationale. Ils constituent en cela des
interlocuteurs incontournables avec lesquels il faut chercher à agir et parfois se confronter. Des espaces régionaux tendent à se constituer et à se développer pour favoriser, par voie de conventions internationales, l’harmonisation progressive des conditions de circulation transfrontières et des protections sociales reconnues aux personnes en situation de mobilité (la CEDEAO en Afrique de l’ouest, la zone Sud-américaine de l’UNASUR, l’Espace Schengen pour les ressortissants européens, etc.), mais l’essentiel des politiques migratoires, notamment d’intégration, sont encore définies aujourd’hui dans le cadre national.
3- Cependant, malgré les réticences de beaucoup d’Etats dit du « Nord », des acteurs à dimension multilatérale commencent à se développer sur la problématique des migrations. L’Organisation Internationale des Migrations, agence intergouvernementale, met en place certains programmes à dimension nationale ou régionale. Des comités comme le Comité des Nations Unies pour la protection des travailleurs migrants a mandat d’analyser l’application de la Convention du même nom par les Etats signataires, dans les pays qui l’ont ratifié et pour le compte de leurs ressortissants établis dans des pays tiers. Peu à peu, la migration commence à dépasser le cadre national pour s’inscrire dans des politiques internationales. De plus en plus d’espaces de libre-circulation se créent et se consolident (CEDEAO, Espace Schengen, etc.) et la discussion sur la libre-mobilité se pose aux quatre coins du monde, de la SADC (Afrique Australe), à l’ASEAN (Asie) en passant par l’UNASUR (Amérique du Sud).
4- Enfin et surtout, de nombreux acteurs de société civile (associations multiformes, ONG, syndicats professionnels, réseaux confessionnels, etc.) se mobilisent dans de nombreuses zones du monde pour défendre les droits des migrants, aider au vivre-ensemble entre migrants et population locale et plaider pour l’amélioration des politiques.
Les acteurs d’Eglise, fortement mobilisés dans le champ du dialogue interculturel et interreligieux ont joué un rôle important en France pour une meilleure connaissance des autres religions et en particulier de l’Islam, deuxième religion de France. Les missions d’Eglise sont aussi fortement mobilisées dans les zones de forte tension migratoire (Mexique, Sahel, par exemple) pour remettre debout les migrants en déshérence sur les routes de la migration.
Les syndicats sont dans certains pays fortement mobilisés pour améliorer les politiques concernant les travailleurs migrants. Au Brésil par exemple, l’un des syndicats de travailleurs majoritaires participe à l’élaboration de la nouvelle loi en cours de rédaction et plaide pour le droit de vote des immigrés.
Dans de nombreuses zones du monde, les associations de développement et ONG de solidarité se mobilisent pour aider les migrants à accéder à leurs droits civiques et sociaux, à devenir des citoyens actifs dans une société d’accueil où ils seraient pleinement accueillis.
Des réseaux régionaux d’acteurs de société civile apparaissent progressivement pour favoriser des approches régionales de la migration (Mercosur, Mékong, Sahel) et des espaces comme les Forums Sociaux constituent des rendez-vous forts pour faire progresser des dynamiques de réseaux autour de la promotion d’une citoyenneté universelle et des formes alternatives de gouvernance des migrations.
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