De quoi parlons-nous ?
C’est une élite financière qui aujourd’hui se rue sur les terres arables, refuges pour les fonds de spéculation après la crise du crédit immobilier et des banques ou sous couvert d’insécurité alimentaire ou au nom de l’écologie avec les agro-carburants ou les crédits carbones, soutenus par les politiques du Nord et les institutions financières internationales.
Selon la Banque Mondiale, plus de 50 millions d’hectares, soit la superficie de la France ont fait ainsi l’objet de transactions définitives ou en cours de négociations depuis 2006, C’est une confiscation de territoires à l’échelle planète au bénéfice des nouvelles classes dirigeantes du capitalisme financier mondialisé ou d’Etat dépendants des importations alimentaires.
L’accaparement des terres est loin d’être nouveau et semble s’accélérer de manière exponentielle pour des raisons complexes et diverses mais qui ont les mêmes conséquences désastreuses sur la sécurité alimentaire des plus démunis : la perte de leur seul capital, la terre. L’exode rural, l’augmentation de l’insécurité alimentaire, la destruction de l’environnement ne pourrait être enrayé sans une véritable prise de conscience de l’étendu et des effets du phénomène de l’accaparement des terres agricoles, et sans une réelle volonté politique d’y apporter des solutions efficaces.
Au cours de la dernière décennie, d’immenses étendues de terres agricoles de la planète ont été concédées, vendues ou louées à des investisseurs privés ou publics.
Les acquéreurs sont des entreprises agro-industrielles, des états soucieux d’assurer la sécurité alimentaire de leur population, des opérateurs financiers ou des fonds d’investissement.
Les récentes crises – alimentaire, financière et climatique – en faisant de la terre et les denrées alimentaires des placements aux taux de rentabilité élevés, ont contribué à accélérer le phénomène.
En février 2011, plusieurs centaines d’organisations réunies à l’occasion du dernier Forum social mondial, ont tiré la sonnette d’alarme et signé l’Appel de Dakar contre l’accaparement des terres.
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De quoi parlons-nous ?
Les paradis fiscaux, judiciaires et réglementaires sont les trous noirs de la finance internationale. Ils ne se réduisent pas à quelques îles exotiques, puisque certains sont situés au cœur des grandes métropoles, dans les quartiers d’affaires.
Ces centres financiers offrent avant tout un fort degré d’opacité, notamment grâce au secret bancaire ou à la possibilité de créer des sociétés écrans qui préservent l’anonymat de leur propriétaire, et une fiscalité faible ou nulle pour les non-résidents.
De plus, la plupart n’appliquent pas les règles de prudence financière et ne coopèrent pas avec les contrôleurs des impôts ou les juges étrangers.
Concrètement, ces territoires abritent des activités pour des particuliers ou des entreprises qui souhaitent échapper à l’impôt, blanchir l’argent du crime et de la corruption ou contourner les règles internationales de prudence financière.
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De quoi parlons-nous ?
Il n’y a pas de définition officielle des biens mal acquis. Aussi avons-nous opéré des choix à l’heure de labourer ce vaste champ d’investigation. Voici ce dont nous ne traiterons pas, ou uniquement de façon incidente :
Les biens qui n’ont pas franchi la frontière. Nous avons choisi de nous consacrer pleinement aux avoirs et biens détournés placés à l’étranger. Il est certain qu’une partie des fonds détournés ont permis l’acquisition de biens à l’intérieur des pays ou qu’ils sont placés sur des comptes de banques nationales. Par exemple, Mobutu a transformé Gbadolite, son village natal au Zaïre, en un « Versailles de la jungle », avec une cinquantaine d’hôtels, un aéroport international qui pouvait accueillir le Concorde et plus de trois palais. Quant à Denis Sassou Nguesso, président en exercice au Congo Brazzaville, il détiendrait, avec sa famille, la moitié de l’économie du pays. Il serait nécessaire de dresser l’inventaire de ces fortunes d’origine illicite investies dans leur pays par les autocrates, mais l’exercice est encore plus difficile à documenter depuis l’étranger. Il appartient sans doute davantage aux parlements, à la justice et à la société civile des pays concernés de l’entreprendre.
L’argent de la drogue. Nous n’étudierons pas non plus les cas où l’argent provient d’activités criminelles comme les trafics de stupéfiants ou d’armes illégaux. Ces activités ont permis d’enrichir bon nombre de gouvernants mais, s’agissant d’opérations qui n’impliquaient pas en première ligne les finances publiques, et déjà étayées par une abondante littérature, nous avons choisi de ne pas les traiter ici.
Les biens mal acquis des démocraties. Bien entendu, le phénomène concerne aussi les démocraties, mais notre étude se focalisera essentiellement sur les fonds volés par des régimes autoritaires ou dictatoriaux. Nous considérons qu’il appartient aux démocraties de développer les ressources internes pour s’autoréguler, notamment par le développement des contre-pouvoirs. Dans les dictatures, ces détournements des fonds publics s’accompagnent le plus souvent de violations massives des droits de l’Homme et de privations de libertés. Cette étude nous permettra d’analyser certains des ressorts financiers qui permettent le maintien de ces régimes autoritaires et criminels. Nous prendrons comme référence le travail réalisé par Freedom House,qui publie chaque année un rapport à destination des Nations Unies sur la liberté dans le monde et classe ainsi les régimes que nous pourrons qualifier d’autoritaires et qui feront l’objet de notre étude. Nous avons choisi d’inclure dans notre sujet quelques exemples de gouvernants des pays du Sud encore au pouvoir, notamment pour montrer que les mécanismes d’enrichissement personnel que la communauté internationale stigmatise depuis quelques années fonctionnent encore, voire encore mieux… Précisons toutefois qu’il est plus difficile de rassembler des informations sur ces régimes encore au pouvoir.
Les biens mal acquis des pays développés. L’accent mis sur les pays en développement répond essentiellement à la raison sociale de notre association, le CCFD-Terre Solidaire, dont toute l’action tend vers les pays du Sud et de l’Est. Précisons que ce choix ne vise en aucun cas à exonérer les dirigeants des pays du Nord. Les faits de corruption ou de détournements de fonds publics ne sont pas, loin s’en faut, l’apanage des pays du Sud. Rien qu’en France, les affaires Botton, Carignon ou Marcheron en sont l’illustration… sans même parler de l’affaire Elf ou de l’Angolagate. Nous nous cantonnerons donc à l’étude de cas dans des pays en développement ou en transition mais dans le même temps, nous essaierons de mettre en évidence le rôle qu’ont pu jouer les pays occidentaux et les institutions financières internationales (IFI). Comme le fait remarquer Raymond Baker, la Banque mondiale et le FMI ont, par exemple, continué à verser des aides entre 1970 à 2002 à l’Indonésie (232 milliards $), aux Philippines (94 milliards $) et au Zaïre/RDC (10 milliards $), pourtant des « kleptocraties » notoires à l’époque.
Les biens mal acquis de l’entourage des chefs d’Etat. Nous avons focalisé sur les chefs d’Etat et de gouvernement, car le champ des ministres ou parents soupçonnés ou convaincus de corruption est extrêmement large. D’autres ont d’ailleurs répertorié les procédures de restitution engagées concernant les avoirs détournés par des ministres. Dans les pages qui suivent, nous n’aborderons qu’incidemment les proches des dirigeants.
Les autres formes de pillage des pays en développement. Quoiqu’étroitement liée à différentes techniques de captation des richesses des pays du Sud, l’accumulation des biens mal acquis n’est que l’une des multiples facettes de ce pillage. S’y ajoutent le pillage environnemental, le pillage humain (avec la « fuite des cerveaux » du Sud vers les pays du Nord) et le pillage des ressources naturelles. Il y a aussi bien d’autres ponctions financières dont sont victimes les pays du Sud, au premier rang desquelles la fraude fiscale, qui coûte chaque année aux pays du Sud plus de 500 milliards de dollars, ainsi que le remboursement de la dette extérieure, pourtant souvent illégitime. Ces différents mécanismes sont parmi les principaux facteurs de l’appauvrissement de nombreux pays du Sud.
A l’origine des biens mal acquis
Nous limiterons donc notre étude au produit d’activités délictuelles ou criminelles placé à l’étranger, à des fins personnelles, par les dirigeants de régimes dictatoriaux dans les pays en développement. Il s’agit d’enrichissement illicite, c’est à dire de l’augmentation substantielle des biens d’un agent public, ou de toute autre personne, que celui-ci ne peut justifier au regard de ses revenus. Concrètement, le musée de chaussures d’Imelda Marcos aux Philippines, les nombreuses villas de Mobutu Sese Seko en France, en Belgique et en Suisse, les comptes en banque en Suisse et au Royaume-Uni de Sani Abacha, Pinochet et autres Fujimori : voilà quelques exemples de ce que nous appelons les « biens mal acquis ». Il y a principalement deux activités qui conduisent à leur détention :
- les détournements de fonds, les vols, les transferts illicites d’argent public entre les comptes nationaux et les comptes personnels. L’argent provient soit des recettes nationales (fonds publics), soit de l’aide publique au développement étrangère. Le détournement de biens publics serait, depuis 1991, considéré comme une violation des droits de l’Homme suite à une décision du Conseil Economique et Social des Nations unies.
- la corruption et l’octroi des rétro-commissions : les délits de corruption et de trafic d’influence désignent « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer », ou « le fait de proposer » à cette personne « directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques » pour qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction ou pour qu’elle fasse obtenir par son influence « des distinctions, des emplois, des marchés – ou toute autre décision favorable ». Par ce biais, certains gouvernants du Sud ont pu s’enrichir personnellement en touchant des rétro-commissions de sociétés étrangères ou de l’argent provenant du budget de l’Etat en octroyant des marchés publics ou en cédant des entreprises publiques à leurs proches ou à des compagnies étrangères. Les rétro-commissions concernent aussi des personnes morales (comme les partis politiques) ou physiques étrangères. Comme le confiait le chercheur Jean François Bayart au Monde en 1997, au sujet des fonds africains d’origine illicite en France, « tous les partis politiques y trouvent leur compte, notamment en matière de financement des campagnes électorales. » Par assimilation, nous incluons également ici l’abus de bien social, qui consiste pour un dirigeant à utiliser les biens ou le crédit d’une société – souvent des entreprises parapubliques – pour son intérêt personnel.
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