Delia Pinto Melgarejo, Bolivie

Publié le 27.03.2006

Le programme Nina a joué un rôle important dans l’émergence du mouvement indigène.

Le programme Nina a préparé le succès d’Evo Morales

Paris, 27 mars 2006

J’ai 33 ans et je suis originaire d’une famille indienne pauvre de 11 enfants. Lorsque mon père, journalier, ne trouvait pas à s’employer comme ouvrier agricole ou aide maçon, nous n’avions pour tout repas qu’un peu de pain et de légumes. Mes frères et sœurs ont dû abandonner tôt l’école pour ramener de l’argent à la maison. J’ai eu seule la chance de pouvoir continuer mes études et je suis licenciée en communication sociale.
Depuis un an et demi, je suis coordinatrice du programme Nina dans « l’Oriente », les départements de Santa Cruz et du Pando. Ce programme de formation de leaders paysans et indigènes a réellement fait bouger les choses. Auparavant, peu d’hommes et encore moins de femmes osaient s’exprimer. Ils étaient complexés par leur manque d’éducation. Grâce à Nina, ils ont appris à débattre entre eux de leurs réalités quotidiennes, puis à interpeller les pouvoirs locaux et même à se présenter aux scrutins municipaux. Le chemin parcouru depuis 1990 est spectaculaire.
Outre notre président – Evo Morales – et des ministres, comme David Choquehuanca aux Affaires étrangères, une quinzaine d’anciens « élèves » ou cadres de Nina ont été élus députés ou sénateurs lors des dernières élections de décembre 2005.
C’est un mouvement historique. Les indigènes, longtemps marginalisés bien qu’ils représentent près des deux tiers de la population, accèdent enfin aux leviers de commande.

Peur d’être insultés
Même dans « l’Oriente » , le parti d’Evo Morales s’est imposé comme seconde force politique. Là, les clivages sont forts entre les tenants du pouvoir économique et les migrants, paysans descendus de l’Altiplano en quête de terre et de travail. Ainsi, le Comité civique de Santa Cruz, appuyé par des groupes de jeunes, a mené une violente campagne sécessionniste et raciste : que l’Oriente prenne son autonomie ; Non à l’accession à la présidence d’un indien « cocalero » et bloqueur de routes ! J’ai rencontré des adolescents qui évitaient de parler quechua ou aymara de peur d’être insultés.
Malgré ce climat d’intimidation, le mouvement social s’est organisé. Ceux du Pando, complètement isolés dans leur village lors de la saison des pluies, ont réclamé la construction de pistes carrossables. Ceux de Santa Cruz, frustrés de l’absence de gaz dans leur foyer alors que des pipe-lines passent à proximité et exportent les hydrocarbures vers le Brésil, ont élevé la voix.
Partout, l’accès à la terre figure en tête des revendications : la région compte de nombreuses « haciendas » de plusieurs dizaines de milliers d’hectares dédiées à l’élevage ou à l’exploitation forestière, voire laissées en jachère. Les propriétaires utilisent ces domaines comme une hypothèque afin d’obtenir des prêts et se lancer dans de lucratives affaires, par exemple l’importation en contrebande de produits d’Argentine ou du Brésil.
Autant dire que les attentes sont immenses. La population est contente de constater qu’à présent les ministres se rendent sur le terrain pour écouter les doléances. Tous savent que la tâche d’Evo et de son gouvernement ne s’annonce pas facile. Mais la trêve sociale n’est que provisoire. Les communautés paysannes et indiennes attendent des changements concrets d’ici à la fin 2006.

Propos recueillis par Yves Hardy

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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