Des communautés péruviennes menacées par l’industrie minière et les changements climatiques

Publié le 20.05.2015| Mis à jour le 02.01.2022

Le CCFD-Terre Solidaire soutient l’association CooperAccion, basée à Lima qui appuie les communautés dans les zones d’extraction minière. L’activité extractive est l’un des secteurs clés de l’économie péruvienne : 20 % des investissements, 25 % des recettes fiscales. Le Pérou est notamment le cinquième producteur d’or de la planète. Mais le coût en termes écologiques — pollution des eaux, destructions des écosystèmes… – est important.


Marco Zeisser est l’un des animateurs du programme « droits collectifs et activités extractives ». Engagé auprès des populations affectées par les activités minières, il est témoin de la pression croissante qu’elles exercent sur leurs droits. Dans des environnements fragilisés, les conséquences du changement climatique s’annonce désastreuses.

En quoi consiste le travail de CooperAccion ?

Marco Zeisser : Depuis 1997 CooperAccion travaille sur trois axes :
l’information du public paysan sur les contrats miniers et les conditions dans lesquels ils sont conclus, sur les conséquences environnementales, sur les retombées fiscales et leur redistribution.
la formation des élus, des fonctionnaires pour qu’ils puissent appréhender les implications de l’installation des mines
le plaidoyer sur le cadre législatif péruvien, l’alerte des médias concernant les abus des sociétés minières et les violences, et l’accompagnement des revendications des communautés.

Quels sont les conflits qui opposent les populations aux sociétés minières ?

Marco Zeisser : Il y a deux types de conflits autour des mines. Les conflits d’opposition à un projet et les conflits de co-existence avec une mine en activité.
Le cas typique du conflit d’opposition, c’est le refus de l’installation d’une mine en amont d’un bassin versant, par crainte des contaminations par le cyanure et le mercure employés pour l’extraction. L’utilisation de l’eau par les mines affecte aussi la disponibilité en aval, au détriment des activités agricoles et pastorales, et perturbe toute l’économie de la région.
Le cas le plus emblématique c’est le cas du projet Conga, dans la région de Cajamarca, dans le Nord du Pérou, auquel les associations locales s’opposent depuis quatre ans. Il s’agit d’ouvrir la plus grande mine d’or du pays, en rasant littéralement une montagne, tout en prélevant d’énormes quantité d’eau.
Le projet a suscité une très grande mobilisation régionale, conduite par les collectivités locales. En avril 2012, le recours à une expertise internationale proposée par le PNUD a démontré l’ampleur de l’impact sur l’agriculture et sur toute l’économie régionale. Le projet a été suspendu, mais ce n’est pas gagné. L’entreprise reviendra probablement à la charge avec d’autres propositions et parie sur l’usure de la mobilisation et sur les intimidations.
Les conflits de co-existence sont plus complexes, parce qu’ils ne sont jamais terminés. Nous accompagnons une mobilisation dans le Sud, dont l’objectif est à la fois d’éviter les risques de contamination de l’eau et de la terre, et d’obtenir des retombées économiques pour la région.
Une convention-cadre a été signée en 2003 qui prévoit notamment que 3 % des bénéfices alimentent un fonds d’appui. Mais les conditions d’application de cette convention ne cessent de se dégrader. Il faut régulièrement retourner aux négociations pour mettre en place des mécanismes de contrôle. Les entreprises sont prisonnières de leur logique de profit et ne voient pas qu’il serait plus profitable de pacifier la situation au lieu d’alimenter les tensions.

L’Etat et la législation jouent-ils leur rôle dans la régulation des activités minières ?

Marco Zeisser : Les entreprises bénéficient de la connivence de l’Etat et de l’administration de manière de plus en plus flagrante. Il existe un cadre juridique pour la protection de l’environnement. Mais le gouvernement démantèle l’appareil de contrôle. L’application des lois et le fonctionnement des organismes est entravée. Par exemple, pour les études d’impact, qui peuvent être des documents de 7 à 8000 pages, l’administration ne dispose plus que d’un délai de 45 jours maximum pour les examiner et rendre ses conclusions, après c’est la règle du silence administratif qui s’applique. Autant dire, que la loi organise les conditions d’un consentement tacite.
Il existe un organisme de contrôle environnemental, l’OEFA. Mais les entreprises sont parvenues à le saborder en obtenant de ne pas avoir à payer leur contribution financière.
En 2011, nous avons obtenu l’adoption d’une loi rendant la consultation des populations locales obligatoire (en accord avec la convention 169 de l’OIT sur les respects des droits populations indigènes). Il lui a fallu trois ans pour se mettre en place. Elle n’inclut pas le détail de la mise en pratique des projets miniers. Ce qui a vidé la loi de son sens.

Le Pérou avait accueilli en 2014, la négociation sur le climat, la COP20. Dans quelle mesure le pays est-il concerné par le changement climatique ?

Marco Zeisser : Le Pérou représente 0,4 % des émissions. Mais comme il se situe dans une zone tropicale, il est très vulnérable et l’impact sera considérable.
Le changement climatique en soit ne crée pas une rupture de système. Mais il va affecter des écosystèmes déjà fragilisés par l’exploitation minière. Pour ces régions, c’est une bombe atomique.
La zone de maïs va passer au delà de 3 500 mètres d’altitude. L’agriculture de montagne est déjà un écosystème fragile. La présence humaine assure la protection des sols, l’irrigation, l’aménagement du territoire. Mais les paysans appauvris ont de moins en moins intérêt à rester. Une perturbation supplémentaire peut provoquer un effondrement de tout l’environnement, – érosion des terres, pénurie d’eau… – et de toute la société qui en dépend.
Le Pérou a aussi 3000 Km de côtes poissonneuses. On ne sait pas ce que la modification des courants marins aura comme conséquence.

Thierry Brésillon

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