Des favelas à l’Amazonie, un même combat pour le respect des droits
Lutter au côté des habitants des favelas de Rio de Janeiro contre les expulsions, et accompagner les petits paysans pour les aider à défendre leurs droits en Amazonie. La Fédération d’Associations de Solidarité et d’Education (FASE), partenaire depuis plus de 50 ans du CCFD-Terre Solidaire au Brésil, accompagne les sans-droits d’une société brésilienne extrêmement inégalitaire.
La FASE œuvre surtout en amont des problématiques urbaines, en accompagnant notamment des initiatives pour un autre modèle de développement dans différentes parties du Brésil. Y compris au cœur de la forêt amazonienne.
Deux programmes dans six régions du Brésil
« Nous souhaitons contribuer à la construction d’une société démocratique à travers des alternatives de développement durable, explique Léticia Rangel Tura, Secrétaire Exécutive nationale. Cela passe par l’inclusion sociale dans la justice, le respect de l’environnement et l’universalisation des droits sociaux, économiques, culturels, environnementaux et politiques. » Concrètement, le travail de la FASE s’articule autour de deux programmes nationaux : le programme « Droit à la sécurité alimentaire, agro écologie et économie solidaire » et le programme « Droit à la ville : villes justes, démocratiques et solidaire ». « Ces deux programmes se concrétisent à travers des actions concrètes dans six régions différentes du Brésil et sont suivis par des équipes régionales qui, chacune, développent leurs propres initiatives, en accord avec les réalités locales et la politique définie au niveau national par la FASE », précise la Secrétaire Exécutive.
Défendre les droits des habitants des favelas…
A Rio de Janeiro, trois personnes de la FASE suivent ainsi le dossier des expulsions forcées dans les favelas (bidonvilles) de la 2ème ville du Brésil avec six millions d’habitants. « Depuis plusieurs décennies déjà, les favelas de Rio de Janeiro, où vivent 22 % de la population, sont l’objet de convoitises de la part des spéculateurs immobiliers, explique Aércio de Oliveira, coordinateur du dossier sur les expulsions forcées. Mais avec la désignation de la ville pour accueillir la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques, la spéculation immobilière est devenue encore plus importante. Résultat, des milliers de personnes ont été expulsées ou sont menacées de l’être, au détriment du respect des droits humains fondamentaux, en commençant par le droit au logement ».
Pour s’en convaincre, il suffit d’accompagner Rachel Barros, l’une des membres de la FASE, au Morro da Providencia, la plus ancienne favela de Rio de Janeiro. « Cette communauté a longtemps été ignorée, livrée à elle-même et aux trafiquants, assure-t-elle. Mais en 2009, la municipalité a lancé le projet « Port merveille »». Objectif « officiel » ? Réhabiliter les lieux. « En réalité, l’idée est d’accueillir des bateaux de croisière et le maire a décidé de construire un téléphérique qui mènera directement les touristes au sommet de la favela qui surplombe le port. Quitte à expulser sans ménagement des familles qui vivent ici depuis des générations ». Comme dans d’autres favelas, la FASE accompagne donc les habitants pour que leurs droits au logement soient respectés et pour mettre fin à des expulsions ayant déjà entrainé le déplacement de plus de 100 000 personnes depuis 2009, d’après la mairie de Rio.
… Et lutter contre l’avancée des monocultures en Amazonie
En Amazonie aussi, la FASE se mobilise. Mais cette fois, pour accompagner les petits agriculteurs de la région du Baixo Tocantins, dans l’état du Para, dans leur pratique « extractiviste », autrement dit : vivre de la forêt tout en la respectant. « Notre travail dans cette région est fondamental, assure Leticia Rangel Tura, car il s’agit de protéger la plus grande réserve de biodiversité de la planète. Le rôle de la FASE est, en tenant compte des réalités locales, de promouvoir un développement durable à travers le développement structuré de l’agriculture familiale ». Une mission vitale face à l’avancée des monocultures, responsables de la déforestation.
C’est le cas notamment dans la région du Baixo Tocantins, dans l’état du Para, au cœur de l’Amazonie brésilienne. Face à l’avancée inquiétante de la culture de la palme africaine destinée à la fabrication d’agrocarburants, des techniciens agronomes de la FASE accompagnent des centaines de petits paysans dans leur développement, apportant à la fois conseils techniques et propositions d’organisation économique. « Nous les incitons à développer des activités comme la récolte de graines qui seront commercialisés auprès de laboratoires cosmétiques ou de fruits dont la pulpe est très prisée par les industries alimentaires, explique Loureno Bezerra Lima, l’un des techniciens de la FASE. Nous les encourageons aussi à se regrouper en coopérative voire même à transformer leur production sur place ». Histoire de prouver que le modèle d’agriculture familiale et raisonnée, s’il est structuré, peut devenir plus rémunérateur que l’agro-industrie.
Monde urbain, monde rural : une même logique
Reste à savoir si pour la FASE, lutter sur des fronts aussi différents ne constitue pas un risque de dilution. « Au contraire ! souligne Yvonne Belaunde, chargée de mission Amérique latine au sein du CCFD-Terre Solidaire. La FASE a une approche très cohérente des problématiques de ce vaste pays où les mondes rural et urbain sont très interpénétrés. Car travailler sur le thème des favelas ou du développement rural relève au fond de la même logique : au Brésil, comme dans la plupart des autres pays du continent, la pression financière sur la terre et sur le foncier urbain entraîne en effet les mêmes problèmes de non-respect des droits et de l’appauvrissement des populations. »
Jean-Claude Gérez
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