Dix ans après la crise économique, sociale et politique

Publié le 15.11.2011| Mis à jour le 02.01.2022

Saladas en Argentine, le 2 novembre 2011

Ils sont venus de toute la province du Chaco, au nord de l’Argentine, pour participer à une session de formation de deux jours sur le thème « Repenser l’identité paysanne dans le contexte actuel. » Ils ont été invités par l’Institut de Culture Populaire (INCUPO), une association créé en 1970, partenaire du CCFD-Terre Solidaire. Massée dans une salle du complexe socioculturel de Saladas, une vingtaine d’hommes et de femmes représentent des milliers de petits agriculteurs d’une région menacée et fragilisée par la culture intensive de soja transgénique. Au programme, échanges d’expériences, débats thématiques, exercices de groupe et interventions de spécialistes. Cet après-midi, Carlos Chiarulli, animateur du Réseau Agro forestier Chaco Argentine (REDAF), est venu présenter une cartographie du monde rural argentin. « Le modèle exportateur agricole, implanté dans les années 1990 en Argentine a provoqué la disparition de plus de 150 000 unités productives, explique t-il. Ce modèle est basé sur la concentration de la terre. Tant qu’il n’existera pas de politiques pour corriger ce problème de fond, il n’y aura pas de changements, ni d’améliorations pour les familles rurales. »

« Nous organisons régulièrement ce type de réunions à travers tout le pays, explique Luis Nocenti, responsable de la communication au sein d’INCUPO. Suivant les réalités économiques et sociales locales, nous abordons des thèmes différents. Mais avec toujours la même philosophie : contribuer à un développement rural durable » Et ce, même si le contexte politique n’a semble t-il jamais été aussi favorable aux revendications des mouvements sociaux dans ce pays, déclaré en faillite en 2001. Car le 23 octobre dernier, en réélisant massivement Cristina Fernandez Kirchner à la tête du pays, les argentins ont approuvé une politique sociale et économique marquée par la création de près de 5 millions d’emplois et l’adoption de réformes sociales importantes (retraites, allocations familiales, etc…)… « S’il existe aujourd’hui une répartition plus égalitaire des richesses, le modèle économique de fond, basé sur les monocultures d’exportation n’a pas changé, martèle Carlos Chiarulli. Il est donc important de continuer à développer l’Education populaire et à former des leaders pour qu’ils puissent sensibiliser leurs communautés et tenter d’influer sur les politiques publiques. »

De la protestation à la proposition

C’est cette mission également que s’est fixée le Centro Nueva Tierra, un autre partenaire argentin du CCFD-Terre Solidaire, à travers les « Ecoles de Citoyenneté ». « Nous avons créées ces structures après la crise de 2001, explique Nestor Borri l’un des responsables du centro Nueva Tierra. A cette époque, les argentins rejetaient en bloc la politique et criaient : Qu’ils s’en aillent tous ! ». Les Ecoles de Citoyenneté se sont alors attachées à « activer le potentiel de millions d’argentins à exercer leurs capacités de participation politique. » En s’appuyant notamment sur la grande solidarité qui a uni les argentins dans ces moments difficiles. Avec une idée force : « transformer cette solidarité en initiatives citoyennes, explique Fabian Roja, animateur au sein de l’Ecole de Citoyenneté, créée en 2006 à Resistencia, également dans la province du Chaco. Et faire en sorte que, dix ans après la crise, nos interlocuteurs passent de la protestation à la proposition. »

L’exercice pourrait sembler quelque peu obsolète dans une Argentine qui a recommencé à croire et participer à la politique. « Au contraire ! assure Jorge Jorge Luis Migueles, l’un des responsables de l’Ecole de Citoyenneté de Resistencia. Plus que jamais les citoyens doivent s’impliquer dans la politique du pays ! » Un exemple ? Le thème de « l’industrialisation de la ruralité », annoncé par la présidente. Autrement dit, comment transformer sur place les matières premières agricoles pour en tirer plus de richesses. « Il faut que tout le monde s’interroge sur les conséquences possibles d’un tel projet pour les populations rurales, assure Jorge. En se demandant, par exemple, quel doit être le rôle des organisations représentatives de l’agriculture familiale. Ces questions, sur ce thème, comme sur de nombreux autres, doivent être au centre de notre mission d’Education Populaire. C’est ainsi que la construction de la démocratie va se poursuivre en Argentine. »

Propos recueillis par Jean-Claude Gérez

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