Echange transparence contre marchés publics
Les fleurons de notre économie sont les principaux utilisateurs des paradis fiscaux. Pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, il faut exiger des entreprises et des banques une transparence financière pays par pays. Et l’État doit montrer l’exemple.
Suite à la publication des bénéfices des entreprises du Cac 40 (74 milliards d’euros en 2011), le sujet de la fiscalité des multinationales s’invite enfin dans le débat électoral.
Selon un rapport parlementaire de 2011, le taux réel d’imposition des plus grands groupes français, à l’exception de ceux dans lesquels l’État a une participation[[EDF, GDF, France Telecom et Renault ont payé à elles seules 40 % du montant d’impôts sur les sociétés payés par les entreprises du Cac 40.]], se situerait autour de 3,3 %, contre 22 % pour le PME. Comment expliquer un tel écart ? Principalement, par l’utilisation massive des niches fiscales. De là à parler des pratiques d’évasion fiscale, il y a un pas que les candidats à l’élection présidentielle peinent pourtant à franchir.
Quand le sujet n’est pas carrément absent des programmes, les solutions prônées sont souvent simplistes, comme s’il suffi sait de décréter la suppression des paradis fiscaux. Les prétendants ne précisent jamais ce qu’ils entendent par paradis fiscal et s’ils comptent revoir les contours de la liste française qui épargne tous les pays de l’Union européenne et n’épingle que dix-huit petits territoires insignifiants dans le monde de la finance offshore. Rencontre après rencontre, les équipes de campagne des candidats ont expliqué au CCFD-Terre Solidaire que les efforts accomplis au sein du G20 n’avaient pas permis d’enrayer le phénomène et que rien ne pouvait être entrepris sans un consensus planétaire ou, a minima, européen. Les candidats à la présidence de la cinquième économie mondiale semblent donc s’être résignés à l’impuissance face à ces territoires opaques et à leurs clients, qui font la loi en matière de fiscalité et de régulation financière internationale. Et ce, malgré les appels répétés de la société civile et de certains dirigeants des pays en développement.
Les associations proposent un moyen concret d’action : la transparence pays par pays pour lutter contre la fraude[[La fraude fiscale internationale prive la France de 20 milliards d’euros par an de recettes.]] et l’évasion fiscales des entreprises. Une mesure qui aiderait aussi les administrations fiscales des pays du Sud à récupérer une partie des 125 milliards d’euros de recettes qui leur échappent chaque année, du fait de l’évasion fiscale des multinationales.
N’oublions pas que les principaux utilisateurs des paradis fiscaux ne sont autres que les fleurons de notre économie : tous les membres du Cac 40 utilisent ces territoires. Et il ne s’agit pas là d’une spécificité française, car les cinquante premières entreprises européennes y ont implanté en moyenne 21 % de leurs filiales, voire un quart pour les banques[[L’économie déboussolée, de J. Merckaert et C. Nelh. CCFD-Terre Solidaire, décembre 2010.]].
Pour l’heure, on ne connaît même pas la liste exhaustive des filiales des entreprises multinationales. Ainsi, Total ne communique que sur 30 % de ses filiales. Alors que le groupe vient d’annoncer un bénéfice net de près de 12 milliards d’euros pour 2011, il est impossible de savoir exactement dans quels territoires ces richesses sont créées et si les pays reçoivent une juste contribution fiscale en contrepartie de l’exploitation de leurs richesses naturelles. Après plusieurs années de déficit en France, l’entreprise annonce qu’elle est redevable de seulement 300 millions d’impôts sur les bénéfices mais qu’elle paye beaucoup d’impôts partout ailleurs. Autant d’affirmations impossibles à vérifier en France, mais aussi pour les organisations de la société civile birmane ou congolaise, en l’absence de transparence financière pays par pays. Sous la pression des bénévoles du CCFD-Terre Solidaire et d’autres associations, des collectivités françaises ont choisi d’explorer une piste prometteuse [[Dix-sept régions se sont engagées dans la lutte contre les paradis fiscaux. Neuf d’entre elles ont introduit une exigence de reporting pays par pays. Des villes et conseils généraux emboîtent le pas]]. Soucieuses de ne pas travailler avec des banques qui utilisent les paradis fiscaux à des fi ns d’évasion fiscale, elles exigent désormais de tous leurs partenaires financiers qu’ils publient des informations sur leurs activités pays par pays (liste des filiales, nombre d’employés, résultat d’exercice et impôts payés).
L’État français se doit d’être exemplaire
Un amendement a été déposé à plusieurs reprises au Sénat pour demander à l’État français de dupliquer cette mesure. Il a même les moyens d’aller plus loin en étendant cette exigence de transparence pays par pays à toutes les entreprises qui bénéficient de marchés, d’aides ou des garanties publics. Au-delà de son effet dissuasif, cette mesure, promue par le CCFD-Terre Solidaire, permettra aux États, ainsi qu’à l’ensemble des parties concernées (investisseurs, salariés, consommateurs et populations locales) de mettre fin à des pratiques délétères et d’assurer une meilleure redistribution des richesses créées.
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