Edito : Pas de paix sans justice, ni développement

Publié le 09.06.2016| Mis à jour le 08.12.2021

Mars 1993, Colombie : en tant que nouveau responsable du service Amérique latine, je suis accueilli par des responsables des ONG Corpadec et Progresar,partenaires du CCFD-Terre Solidaire. Une rencontre comme il y en a beaucoup entre le CCFD-Terre Solidaire et ses partenaires. Sauf que les douze hommes et femmes qui m’entourent sont des ex-guérilleros de l’Armée pour la libération populaire et du Parti révolutionnaire des travailleurs qui ont décidé de rendre les armes. À l’époque, nous soutenions un programme de réinsertion de ces deux guérillas. Depuis lors, le processus de paix a subi échec sur échec.

Vingt-trois ans après, 2016 sera l’année de la signature des accords de paix entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Après 52 ans d’un conflit armé interne, le plus vieux du monde, qui a fait 160 000 morts et 6,6 millions de déplacés, le retour en arrière n’est plus possible !

L’impossible s’est réalisé parce que des hommes, des femmes, des organisations de la société civile, ont cru et œuvré pour la paix. L’Église a été très active. Des jésuites, au risque de leur vie, ont servi de médiateurs entre le gouvernement et certaines guérillas et ont contribué aux accords de démobilisation.

Durant toutes ces années, un partenaire du CCFD-Terre Solidaire a joué un rôle clé : le CiNEP/PPP[[ Centre de recherche et d’éducation populaire/Programme pour la paix.]] fondé par la Compagnie de Jésus, l’une des ONG les plus importantes de Colombie. Ces hommes, ces femmes ont oeuvré inlassablement au dialogue, à la réconciliation. Ce fut le cas du père Horacio Arango, directeur du Programme pour la paix et Provincial de la Compagnie de Jésus, un grand ami du CCFD-Terre Solidaire, mort en février dernier à l’âge de 69 ans. Il disait : « La paix véritable n’est pas l’absence de guerre, mais le fruit d’une relation fraternelle entre les hommes et pour cela, des transformations et des réformes radicales sont nécessaires. » Tu as raison, Horacio, la fin du conflit armé, ce n’est pas encore la paix. Car, il n’y a pas de paix véritable sans justice. Il n’y a pas de justice sans vérité. Il n’y a pas de paix durable sans développement.

Sur un autre continent, il y a trois ans et demi, la Centrafrique basculait dans la guerre civile entre milices chrétiennes et musulmanes. Aujourd’hui, le pays va mieux. Là encore, des hommes et des femmes courageux ont fait le choix de l’altérité et du dialogue. Des chrétiens ont accueilli des musulmans pourchassés et inversement. Des acteurs de la société civile ont inlassablement essayé d’apaiser les esprits, pour renouer des liens sociaux rompus : notamment les évêques, pasteurs et imams, et aussi les jeunes, à travers une plate-forme interconfessionnelle (réseau de dix-huit organisations de jeunesse). La venue du pape a renforcé l’appel à la réconciliation.

Ces artisans de paix nous impressionnent par leur courage, leur persévérance. Mais ils nous renvoient aussi à nous-mêmes. En effet, les attentats de janvier et novembre 2015, en France, ont mis à mal notre « vivre ensemble ». Les musulmans de France ont été et sont encore stigmatisés. Comment allons-nous à leur encontre et dialoguons-nous avec eux ? Nous aussi, chacun-e à notre mesure, sommes appelés à être artisan-e-s de paix, « raccommodeur » de tissu social.

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