Elections régionales : Pour une France qui croit à la force de la solidarité

Publié le 11.12.2015| Mis à jour le 08.12.2021

Ne désertons pas les valeurs de solidarité et d’accueil qui sont aux fondements de notre communauté européenne. Des êtres humains, des femmes et des enfants fuient la misère, la violence, la mort, abandonnent tout ce qu’ils possèdent, courent les plus grands risques et nous demandent asile. Les rejeter ferait de nous aux yeux de l’histoire les complices des criminels qu’ils fuient.


Communiqué de Presse interassociatif

Au-delà de la colère contre les auteurs des attentats du 13 novembre et de la compassion pour les victimes et leurs familles, il nous faut essayer de comprendre. On nous dit que la France est en guerre contre Daech, mouvance issue d’un islamisme sunnite apparu au lendemain de la guerre menée par les Américains contre le régime de Saddam Hussein. On nous présente les tueurs comme des égarés d’une révolte générationnelle fascinés par un nihilisme habillé d’un vocabulaire religieux superficiel et manipulés par des idéologues de Daech.

Il est probable que les terroristes islamistes cherchent à créer une fracture irrémédiable entre un monde inspiré par une conception imaginaire de l’islam et le reste du monde. Il est clair que les dirigeants de Daech ont en quelque sorte déclaré la guerre au monde musulman qui ne partage pas leur vision, à de nombreux pays, à l’Occident, à l’Amérique, à la France qui compte une forte minorité de confession musulmane, et qu’ils manipulent et sacrifient des jeunes en rupture pour satisfaire leur plan. Il est certain également que l’immense exode des migrants qui fuient les combats en Syrie illustre en partie l’échec d’une stratégie d’implantation de leur idéologie sur le terrain. De plus, en multipliant les actes de terrorisme, Daech provoque dans nos pays des réactions de peur et de rejet à l’encontre de ces migrants, de confession musulmane bien souvent.

Or, si nous n’y prenons garde, ces objectifs de Daech risquent d’être atteints.

Angéla Merkel avait, il y a quelques mois, tenu le discours que nous attendions de nos gouvernants en prônant la nécessaire solidarité des peuples européens face à la tragédie qui se jouait à leurs portes et en annonçant que l’Allemagne ne se déroberait pas à son devoir d’accueil. Elle avait pris à contrepied les xénophobes européens et s’était inscrite résolument dans la tradition et les principes européens de solidarité et d’accueil, même si ses engagements ne concernaient que des Syriens et qu’elle limitait l’accueil à 800 000 personnes. Aujourd’hui, par un amalgame scandaleux, les victimes de Daech qui fuient la barbarie et les combats sont quasiment assimilées à ces islamistes radicaux par une partie du personnel politique, au motif que certains djihadistes peuvent emprunter les mêmes chemins que les migrants. Nous ne pouvons tolérer un tel amalgame, pas plus que nous n’acceptons ce discours ignoble tenu par ces politiques, nombreux, sur les menaces que feraient courir à nos pays ces personnes courageuses qui ont tout quitté pour fuir la mort et les horreurs de la guerre. Où sont nos valeurs dans une telle posture ?

Les assassins des journalistes de Charlie Hebdo avaient en partie réussi à diviser une certaine opinion en ciblant leurs victimes, coupables à leurs yeux de blasphème. Ceux du 13 novembre ont assassiné à l’aveugle et de manière indifférenciée. Ils ont créé de ce fait un front quasi général de l’opinion contre eux. Il n’empêche que les discours radicaux de Daech au nom de leur vision de l’islam sont utilisés comme un prétexte par certains pour jeter l’opprobre sur les personnes de confession musulmane et les rendre suspectes aux yeux d’une population fragilisée et inquiète.

Nos mouvements sont quotidiennement au contact des plus pauvres, des plus exclus et des plus vulnérables. Et cette vulnérabilité n’est pas que matérielle, elle est culturelle, morale, sociale. Et nous voyons combien certains discours pèsent sur eux, comme d’ailleurs sur une large partie de la population, combien par la peur, l’insinuation et l’amalgame on peut entrainer facilement dans des positions souvent éloignées des principes démocratiques et républicains.

Ne désertons pas les valeurs de solidarité et d’accueil qui sont aux fondements de notre communauté européenne. Des êtres humains, des femmes et des enfants fuient la misère, la violence, la mort, abandonnent tout ce qu’ils possèdent, courent les plus grands risques et nous demandent asile. Les rejeter ferait de nous aux yeux de l’histoire les complices des criminels qu’ils fuient. La fermeture des frontières sera considérée comme un des plus grands scandales du 21ème siècle.

Enfin, notre communauté nationale s’est enrichie au fil des années de populations issues le plus souvent de pays que nous avions colonisés dans le passé. Si l’histoire ne se refait pas, elle créé des devoirs. La France doit aujourd’hui marquer sa solidarité avec sa communauté de confession musulmane malmenée par les discours xénophobes et faire la différence entre l’infime minorité des djihadistes dont les actes et les discours sont des atteintes à nos valeurs républicaines et la grande majorité des personnes de confession musulmane parfaitement en harmonie avec la laïcité républicaine.

Les élections régionales sont l’occasion de manifester clairement nos choix : voulons-nous d’une France étriquée, repliée sur la peur, n’ayant plus que l’égoïsme national comme idéal, ou bien d’une France qui, tout en mesurant la gravité de la situation et les impératifs de sécurité, n’en fait pas une fin en soi et n’y subordonne pas ses principes républicains, une France dont l’histoire témoigne de l’immense richesse permise par l’accueil de l’étranger, une France qui croit à la force de la Solidarité en deçà et au-delà de ses frontières ?

Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France
Françoise Sivignon, présidente de Médecins du Monde
Claire Hédon, Présidente d’ATD Quart Monde
Geneviève Jacques, Présidente de la CIMADE
Rachid Lahlou, président du Secours Islamique France
Guy Aurenche, Président du CCFD-Terre Solidaire

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