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En Afrique, l’histoire de Jean-Paul, qui défend une utilisation durable des ressources

Publié le 29.10.2020| Mis à jour le 08.12.2021

Jean-Paul Sikeli, de la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain, lutte pour un modèle agricole humain et durable, face à l’agrobusiness et aux monocultures OGM.


« L’agrobusiness ne mange pas. Il dévore les terres, ronge la santé de ceux qui la pratique, engloutit la biodiversité pour servir les intérêts financiers d’une minorité oligarchique. L’agrobusiness s’alimente de dividendes produits sur le dos des paysans, des États et des générations futures. Et elle n’est jamais rassasiée. » sikeli_copagen.jpgLe constat de Jean-Paul Sikeli, secrétaire exécutif de la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (Copagen), est sans appel.

La Copagen est un réseau d’associations et de syndicats ouest-africains qui défend une utilisation durable des ressources biologiques africaines. Il s’oppose à l’introduction des organismes génétiquement modifiés ou OGM sur le territoire africain et lutte contre l’accaparement des terres.

Au début des années 2000, les entreprises qui produisent des semences OGM assurent qu’elles sont une arme essentielle pour lutter contre la faim et la pauvreté en Afrique. A l’époque, Jean-Paul Sikeli est étudiant en droit. Ce sujet l’interpelle. Il découvre que ces cultures évoluent dans un vide juridique, et comportent des risques sanitaires, financiers, environnementaux, menacent les droits des communautés et les écosystèmes.

Pour mieux comprendre les impacts négatifs des OGM, Jean-Paul Sikeli décide de rejoindre la section « Biovigilance » de la Copagen en Côte d’Ivoire. Ces impacts sont nombreux. Tout d’abord la réduction de la biodiversité. La généralisation des monocultures OGM entraine une réduction du patrimoine génétique. Un phénomène qui risque, dans un futur proche, de causer la disparition des semences paysannes.

Il y a aussi des effets inattendus sur l’environnement suite aux croisements des gènes naturels avec des gènes modifiés sous l’effet de la pollinisation ou de la reproduction. Les sols sont aussi menacés par cette pollution génétique. Et aujourd’hui personne ne peut dire quelles seront les conséquences sur la terre, donc sur la santé des populations.

Quant à l’argument sur l’amélioration des revenus des producteurs africains, l’étude de la Copagen menée sur le coton BT transgénique de Monsanto prouve le contraire. En 2015-2016, les rendements et les revenus des producteurs ont été nettement inférieurs à ceux du coton conventionnel.

Alors si cette technologie ne profite pas aux États africains, encore moins à leurs populations et qu’elle constitue une bombe à retardement, qui a intérêt à essaimer ces cultures en Afrique ? Pour Jean-Paul, comme pour les autres membres de la Copagen, elles servent en priorité les intérêts mercantiles des grandes entreprises biotechnologiques et agricoles.

Mais comment interpeller et convaincre les gouvernements d’agir quand les seules études disponibles sont celles fournies par les multinationales et leur armada de scientifiques et de juristes ?

Pour la Copagen, il faut lutter avec les mêmes armes : réaliser ses propres études scientifiques, donner des chiffres, faire des comparatifs qui permettront d’apporter un autre éclairage et convaincre. Comme en 2017, lorsque le réseau publie « Le coton BT et nous – La vérité de nos champs ! » Ce rapport est le fruit d’une recherche paysanne de terrain de trois ans auprès de 203 producteurs cotonniers. Il dresse un constat accablant de la culture de ce coton génétiquement modifié.

Un an après, dans le cadre des Journées de résistance internationales contre les OGM, la Copagen dépose un mémorandum aux autorités pour les inciter à faire évoluer la réglementation.

En parallèle de ce travail de fourmi dans lequel se lancent les 28 membres de l’organisation et les nombreux bénévoles, la Copagen multiplie les actions de plaidoyer et organise des marches pour protester et sensibiliser les populations. Ces actions ont notamment permis d’entraver le déploiement du coton BT de Monsanto. BT pour Bacillus thuringiensis, une toxine qui permet d’éliminer le ver rose, un nuisible qui détruit les récoltes.

Lire / L’après « coton Monsanto » au Burkina

Petit à petit le message commence à se faire entendre.

Mais si les ambitions des grandes entreprises ont été freinées, elle ne sont pas pour autant enterrées. L’Afrique est un immense marché qui attise toutes les convoitises.

La preuve, alors qu’en Europe, l’usage du glyphosate est de moins en moins autorisé, herbicide déclaré cancérigène par l’OMS, les industriels s’empressent de vendre leurs stocks en Afrique, là où le débat sur les conséquences de ce produit toxique n’a pas encore eu lieu.

Pour Jean-Paul, il faut se tourner vers l’agroécologie et soutenir les agricultures familiales. Des modèles agricoles qui privilégient l’humain et non le capital.

C’est le combat de David contre Goliath. 28 membres contre la puissance de frappe des grandes entreprises. Mais pour Jean-Paul : « Nous avons notre cœur, notre force, notre vitalité, nos convictions et c’est ce qui fait toute la différence. Et comme le disait Blaise Pascal : un plus fort n’est pas le plus fort s’il n’a pas la loi et la justice de son côté. Nous allons tout faire pour avoir la loi et la justice avec nous. »

Pour cela, nous avons besoin de tout le monde. De tous ceux qui veulent préserver les bienfaits de cette terre car notre destin, à tous, est intimement lié au sien.

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