En Argentine, Latindadd dénonce l’attaque des « fonds vautours »

Publié le 10.09.2014| Mis à jour le 08.12.2021

Les organisations membres du réseau LATINDADD (Réseau Latino-Américain sur la Dette, le Développement et les Droits), partenaire du CCFD-Terre Solidaire, accusent l’assaut des fonds spéculatifs dits «fonds vautours» mené contre le gouvernement et le peuple argentin.


 » Nous rejetons les pressions exercées à l’encontre de l’Argentine sur la question des « fonds vautours » qui, soutenus par la justice américaine, ont la prétention d’ignorer la législation nationale de l’Argentine, de soumettre le pays et ses institutions à des exigences usurières et de violer les droits à la souveraineté juridique et à la dignité de la nation. Ainsi affectent-ils l’ensemble des droits fondamentaux du peuple argentin, et ce sur plusieurs générations.

L’heure est à l’action et à la mobilisation conjointe et régionale, car nous ne pouvons permettre que des ajustements régressifs soient imposés aux peuples, ni accepter un « chacun pour soi » qui divise notre région.

Dans le milieu financier et politique international ont émergé deux mesures capitales qui visent à surmonter le comportement spéculatif arbitraire et insoutenable des fonds vautours et des systèmes judiciaires, lesquels sont contraires au droit international, entraînant une instabilité financière et portant atteinte à la souveraineté des Etats.

D’une part, l’Association Internationale des Marchés de Capitaux (ICMA est un organisme composé des 450 plus grandes banques et des principaux courtiers obligataires du monde) vient de publier des clauses d’action collective revues et actualisées, ainsi qu’une nouvelle clause sur l’égalité de traitement des détenteurs de titres de dette. L’utilisation de ces nouveaux termes dans les obligations d’État est destinée à faciliter les futures restructurations de dette souveraine.

D’autre part, les 130 pays membres du groupe majoritaire de l’ONU, connu sous le nom de « G77 + Chine », ont convenu à l’unanimité de soutenir l’initiative de l’Argentine. Ils se sont engagés à soumettre à la prochaine assemblée des Nations Unies, prévue le 9 Septembre, le projet de rédaction d’une nouvelle convention internationale sur les règles du processus de restructuration de la dette souveraine « pour trouver une solution juste et équitable basée sur les résolutions de tous les états membres des Nations Unies et non plus sous la menace d’un système établi par un juge ou un pays ».

De manière évidente, ces deux décisions historiques révèlent la volonté politique des principaux acteurs privés et de plusieurs gouvernements de mettre fin au détournement du droit légitime d’un pays à restructurer sa dette en mettant en avant l’intérêt de son peuple. Elles révèlent d’autre part la nécessité politique de modifier les règles de l’ancien système financier postcolonial qui n’a jamais été en faveur de la société et qui n’est pas davantage favorable à la plupart des acteurs privés et publics. C’est une menace d’aggraver plus encore l’injustice mondiale et l’instabilité politique.

Nous, organisations de la société civile, voulons agir face aux actions des spéculateurs professionnels du système financier. Il est impératif de ne pas confondre « sécurité juridique » et cession de souveraineté. Aucun avantage fiscal ou financier ne doit être accordé à des investisseurs qui compromettent nos possibilités de développement et de promotion de politiques publiques destinées à l’inclusion sociale, et qui enfreignent les cadres juridiques de nos pays.

Nous demandons par conséquent à nos gouvernements de lancer immédiatement des initiatives concrètes qui renforcent l’unité latino-américaine et la protection régionale. L’heure est à l’action et non aux simples paroles.

Nos propositions :

  • Vu la partialité manifeste des tribunaux des pays centraux lorsqu’ils se prononcent en faveur de leurs intérêts et de ceux des multinationales, et contre nos Etats, de dénoncer tous les contrats impliquant une cession de juridiction, en réaffirmant le droit inaliénable à la pleine souveraineté juridique nationale qui soit non transférable.
  • De discuter et de créer d’urgence de nouvelles instances indépendantes régionales et internationales, dédiées au traitement juridique de la dette souveraine, qui puissent mettre en place des tribunaux aptes à intervenir dans les situations de conflit qui pourraient survenir.
  • Nous saluons les nouvelles initiatives en cours qui peuvent être un moyen efficace de contrecarrer les actions des fonds vautours en matière de restructuration de la dette souveraine.
  • De réaffirmer la nécessité de mettre en place de nouvelles institutions pour une nouvelle Architecture Financière Régionale, el Banco del Sur en particulier dont la création est primordiale dans le contexte actuel, ainsi qu’un fonds commun de réserves devant permettre de réaliser des « swaps » de réassurance permanente entre les banques centrales régionales. Nous pensons également qu’il est important de développer et de renforcer l’échange commercial compensé par l’utilisation de devises locales et/ou d’unités de compte (comme le SUCRE).
  • De travailler à l’articulation des politiques budgétaires entre nos pays, afin de mettre fin à l’extorsion d’investissements par le biais de négociations d’exonérations fiscales unilatérales qui désolidarisent les économies de la région, et d’assurer le paiement des impôts générés par les activités commerciales et financières qui se font en Amérique latine et dans les Caraïbes.

La construction de l’intégration régionale et la réaffirmation de la souveraineté et de l’indépendance de nos pays nous font entrer dans une nouvelle phase de lutte et d’engagement. Nous, les organisations de la société civile du continent, en tant qu’émanations actives et engagées de nos peuples, réaffirmons que nos engagements citoyens, fondés sur le respect des droits humains et la défense des démocraties, nous conduisent à avoir une position claire sur le système financier qui prétend vouloir placer sa logique et ses intérêts au-dessus de ceux des peuples. Mais c’est la vie et les droits humains qui sont prioritaires, ainsi que les principes démocratiques de gouvernance. Tout autre intérêt doit leur être infailliblement subordonné. »

Latindadd, Buenos Aires, 29 août 2014

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