La ferme de Labouygues, dans le Cantal, produit des fromages bénéficiant de l’appellation AOP. Thi Thi Win, qui sensibilise et forme les paysans dans son pays, découvre avec beaucoup d'intérêt la façon dont s'organisent les producteurs.

La ferme de Labouygues, dans le Cantal, produit des fromages bénéficiant de l’appellation AOP. Thi Thi Win, qui sensibilise et forme les paysans dans son pays, découvre avec beaucoup d'intérêt la façon dont s'organisent les producteurs.

En Auvergne Limousin, une jeune birmane fait part de ses découvertes (diaporama)

Publié le 10.05.2017| Mis à jour le 08.12.2021

Quel regard porte Thi Thi Win, jeune Birmane de 33 ans, sur son séjour de trois semaines en Auvergne-Limousin ? La jeune femme était invitée à témoigner de l’action de sa Fondation à l’occasion de la campagne carême du CCFD-Terre Solidaire. Engagée en Birmanie dans l’agroécologie, elle est partie en France à la rencontre d’agriculteurs, d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, de jeunes et d’enfants.


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KMF développe l’engagement social des jeunes bouddhistes à travers des formations et des projets. Objectif : leur permettre de jouer un rôle actif dans le développement de leurs pays et au sein de la société civile birmane. KMF favorise également le dialogue inter ethnique et religieux dans un pays où des années de propagande et de guerres civiles ont créé de la distance entre les communautés.

Novembre 2016. Pyin Oo Lwin, au nord-est de la Birmanie.

Le responsable de la Kalyana Mitta Fondation (1) demande à Thi Thi Win, une jeune femme en charge de la promotion de l’agroécologie auprès des jeunes agriculteurs si elle est prête à venir en France pour participer à la Campagne de Carême du CCFD-Terre Solidaire. La jeune femme tombe des nues. Elle sait tout juste que le CCFD-Terre Solidaire fait partie des organisations qui les aident :

« L’Europe ? Je ne la connaissais qu’à travers la télé. Quant à la France, sa réputation culturelle était arrivée jusque chez nous. J’étais donc super heureuse et, en même temps, complètement paniquée. Seule ! Et si les gens ne me comprenaient pas ? Il paraît que les Français ne parlent pas bien anglais, mais est-ce que j’allais être au niveau, moi ? »

20 mars 2017. Aéroport de Paris – Roissy Charles-de-Gaulle. 7 h 30.

Thi Thi Win vient d’atterrir à Paris. Dans la voiture qui la conduit vers la capitale, son regard se fige soudain.

« Les arbres n’avaient pas de feuilles ! J’ai cru qu’ils étaient tous morts ».

La jeune femme, habituée à évoluer dans une nature plus « tropicale », « toujours verte » s’amuse rétrospectivement de ce premier contact.
Bienvenue en France!

9 avril. Ussel, en Corrèze.

« Mingalabar, bonjour, je m’appelle Thi Thi Win et je viens du Myanmar… »

Si le discours semble bien rodé, huilé par plusieurs soirées rencontre et/ou débat organisées par les bénévoles de la région Auvergne-Limousin, la jeune femme reste néanmoins nerveuse. Elle se souviendra longtemps de sa présentation devant la foule des paroissiens de l’église Saint-Martin venus assister à la messe de Rameaux.

« Il y avait des gens partout. De tous les âges. Mais tout s’est bien passé. Après la messe, certains sont venus me saluer et m’interroger sur nos actions concernant le dialogue inter religieux ou inter ethnique. Peut-être avaient-ils entendus parler des problèmes que nous connaissons au Myanmar (2) ? ».

Thi Thi Win ne cesse au long de son séjour de s’étonner que l’on s’intéresse à son pays.
Et des surprises, elle en aura d’autres au cours de ces deux semaines et demie passées à sillonner les routes de la région.
Comme lorsqu’elle rencontre des « petits » exploitants locaux.

« Ici, tu es un “petit agriculteur” quand tu possèdes entre 60 et 80 hectares. Mais chez nous, quand tu en as 2 ou 3, c’est déjà bien ».

Elle même est une fille de paysans dont le lopin de terre parental ne suffit pas à nourrir la famille.

La rencontre avec des éleveurs de limousines, des vaches « à viande », la laissera tout aussi perplexe. C’est que les bœufs et les buffles, dans son pays, « on ne les mange pas ». Dans une agriculture encore largement « traditionnelle », ils tirent la charrue. Pas question donc de grignoter, au sens propre du terme, son outil de travail. Et puis, ne servent-ils pas aussi de bas de laine en cas de coup dur ?

Pour autant, malgré les différences, ces deux « mondes » se sont rapidement retrouvés. Thi Thi Win raconte :

« Ceux qui font de l’“industriel” disent que l’Europe leur donne des subventions mais leur met aussi la pression. Un agriculteur m’a même avoué que tout ce développement [du secteur agricole] avait été trop rapide et que ce n’était pas bon. Qu’ils le veuillent ou non, ils doivent continuer à acheter de plus en plus de matériel pour travailler et s’endetter pour vivre».

« Ce n’est peut-être pas à la même échelle, mais c’est comme chez nous. »

Malgré ces difficultés, elle s’étonne que l’enseignement agricole soit aussi développé.

« L’agriculture occupe 70 % de la population en Birmanie, mais il n’y a qu’une seule université qui dispense des diplômes professionnels. Ici, les agriculteurs représentent 3 % de la population, mais il y a des établissements partout ! »

Thi Thi Win est frappée parla motivation des jeunes qu’elle rencontre à l’École de l’horticulture et du paysage de Voutezac, en Corrèze.

Lorsque j’ai demandé aux jeunes étudiants pourquoi ils ont fait ce choix, ils m’ont répondu qu’ils voulaient « reprendre l’exploitation familiale », « faire du bio pour que les gens arrêtent de manger n’importe quoi », « remettre un peu d’humain dans le secteur »… C’est un vrai bonheur pour moi d’entendre cela.

Et d’expliquer que les jeunes qui entrent dans cette filière en Birmanie sont souvent « des gosses de riches ».

Leur diplôme en poche, ils iront pour la plupart rejoindre les grandes compagnies agroindustrielles locales ou étrangères pour toucher un bon salaire. Rares sont ceux qui s’intéressent vraiment à l’agriculture et veulent se lancer dans le métier ».

Si les jeunes l’épatent, les « anciens » ne sont pas en reste.

« En Birmanie, dès qu’ils passent le cap des 60 ans, bien peu de Birmans s’engagent bénévolement dans des activités sociales, ils se contentent juste d’aller de temps en temps à la pagode. Le bénévolat, c’est surtout les jeunes. Mais ici, à 60 ou 70 ans, ils sont tous plein d’énergie et font plein de choses ! ».

10 avril. Paris. L’heure du bilan a sonné pour Thi Thi Win.

Difficile de résumer en quelques mots, « et en anglais », ce qu’elle ressent tant les expériences, les rencontres ont été nombreuses, enrichissantes.

« Se retrouver dans un pays “développé” et s’entendre dire que le “développement” n’est pas toujours une bonne chose, ça ne peut que nous conforter dans les choix que nous avons faits », se rassure la jeune femme, dont l’organisation prône une agriculture familiale, biologique et respectueuse de l’environnement.

Mieux, certaines initiatives locales découvertes au cours du séjour lui ont donné des idées.

« Le fait que des exploitants se regroupent, inventent de nouveaux réseaux de distribution, partagent leurs techniques, se prennent en main, ce genre de façon de faire, ça devrait pouvoir s’appliquer chez nous ».

Elle est encore ébahie par le nombre de « collectifs » rencontrés, des GAEC, les groupements agricoles d’exploitation en commun, aux Amap.

Mais ce qu’elle voudrait vraiment emporter avec elle, c’est cette façon d’enseigner qu’elle a découvert dans les établissements français.

« Chez nous, le prof parle et les élèves se taisent, ne posent pas de question. On suit le curriculum et c’est tout. Il n’y a pas vraiment de dialogue. Ici, j’ai vu des enseignants qui aménageaient le temps scolaire en fonction de l’enfant, des jeunes plus épanouis, curieux, qui posent des questions et veulent tout savoir… Ils sont beaucoup moins timides que moi. »

Seule ombre au tableau pour Thi Thi Win : le programme. Un véritable marathon. Plus de 1 400 kilomètres effectués en voiture à travers le Puy-de-Dôme, le Cantal, la Corrèze, la Creuse. Une bonne douzaine d’interventions afin de présenter le travail de la KMF à assurer, le double de visites chez des acteurs ou des structures agricoles, dans des établissements d’enseignements scolaires, sans oublier les rencontres et repas avec les différents groupes de bénévoles départementaux… l’emploi du temps était en effet bien chargé.

Fatigue vite effacée cependant par la chaleur de l’accueil et le sens de l’hospitalité des bénévoles qui font que « l’on a toujours l’impression de faire partie de la famille ».

« Ces rencontres “en direct” permettent de confronter nos réalités et difficultés respectives. Surtout, ils renforcent, rendent encore plus concrets les liens qui unissent les gens d’ici et ceux de là-bas. »

Patrick Chesnet

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