En Colombie, les femmes se transmettent le virus de la solidarité
Si le Covid-19 a jusqu’ici fait peu de victimes en Colombie, la population subit déjà ses effets socio-économiques. En particulier les femmes qui affichent pourtant, à la ville comme à la campagne, résistance et solidarité.
C’est comme une pandémie dans la pandémie. Depuis le début de la crise sanitaire en Colombie, des tâches rouges ont fait leur apparition puis se sont largement répandues dans les quartiers populaires des principales villes du pays.
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La Colombie vit depuis le 25 mars un confinement général strict et obligatoire. Une heure maximum de sortie par jour, un jour sur deux. Les mesures contraignantes, dont le respect est assuré par quelques 60 000 policiers et militaires, ont donné jusqu’ici des résultats sanitaires plutôt probants : 43 682 personnes contaminées et « seulement » 1 433 morts au 10 juin 2020, pour une population de 48 millions d’habitants.
Mais ces mesures ont également des effets négatifs sur le plan économique, notamment pour les populations les plus modestes. « Dans un pays où 6 personnes sur 10 travaillent dans le secteur informel, l’impossibilité de sortir chaque jour pour aller travailler a des conséquences dramatiques, explique Patricia Luli, directrice de Vamos Mujer, une association féministe, partenaire du CCFD-Terre Solidaire. C’est encore plus vrai pour les femmes vivant en zone urbaine, qui constituent une large part de ces emplois informels ».
Plus facile à la campagne
Ce constat s’appuie notamment sur une enquête téléphonique menée par Vamos Mujer en avril. « Nous avons interrogé 350 femmes vivant à Medellin et dans 15 autres municipalités d’Antioquia, y compris dans les zones rurales », détaille Patricia Luli. L’initiative permet de maintenir le lien avec des femmes leaders communautaires et de renforcer des réseaux de solidarité. Elle a abouti à plusieurs constats récurrents. « Outre la situation économique précaire liée au travail informel, les femmes se sont dit affectées psychologiquement par l’absence de vie sociale, a noté la responsable. Beaucoup évoquent aussi une surcharge de travail domestique ».
Clara Ines Tavares Acevedo, fait partie de ces femmes-là. Cette agricultrice de 53 ans cultive avec son époux un lopin de terre dans le village de Bolivar, à 200 kilomètres au nord de Medellin. « Avec la fermeture pendant la pandémie du marché d’Anorí, la ville la plus proche, nous ne pouvons plus vendre nos produits, explique cette femme de 53 ans qui possède également une quinzaine de ruches. Mais au moins, nous avons de quoi nous nourrir et faisons de la vente et du troc entre voisins ».
La situation est plus inquiétante pour l’éducation des enfants. « Comme les établissements scolaires sont fermés, les cours sont censés être donnés à distance, via internet. Sauf qu’ici il n’y pas de connexion, donc ils prennent du retard ».
Pour Ligia Castañeda Palacio, qui possède une ferme à la sortie d’Anorí, c’est différent. « Nous n’avons pas de voisins pour vendre nos produits ou faire du troc. Économiquement c’est dur, d’autant que mon mari, journalier dans des grandes fermes ou sur des exploitations minières, n’a plus d’activité ». De quoi tendre aussi les relations à la maison.
Fatiguées mais solidaires
« Depuis le début du confinement, nous enregistrons trois fois plus de témoignages de violences domestiques dans la région, assure Julie Mercela Galiano Garcia, la présidente de l’Association municipale des femmes d’Anorí (Ammuan), qui travaille avec Vamos Mujer. Alors même qu’Antioquia est déjà le département le plus impacté du pays – après la capitale, Bogota – en termes de violences domestiques, avec 1 927 cas sur les 15 440 recensés dans le pays en 2019 ».
« Avec le confinement, de nombreuses femmes se retrouvent aujourd’hui dans des situations d’urgence car tout manque, appuie Patricia Lulli. Et ce ne sont pas les quelques mesures d’aides financières et les actions humanitaires pour la fourniture de denrées, initiées aux niveaux national et local, qui changent la donne ».
D’où l’importance de conserver le lien, même virtuel. « Que ce soit à travers les réseaux sociaux ou l’organisation de visioconférences, sentir le soutien d’autres femmes donne de la force », se réjouit la directrice de Vamos Mujer, pour qui ces outils de communication resteront utiles après la pandémie. « C’est un vecteur de solidarité et c’est cette solidarité qui permettra aux femmes, après cette crise sanitaire, de continuer à construire une société où elles ont toute leur place ».
Par Jean Claude Gerez
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