Jocelyne Colas © Véronique de la Martinière/CCFD-Terre Solidaire

Jocelyne Colas © Véronique de la Martinière/CCFD-Terre Solidaire

En Haïti, Jocelyne Colas démêle les fils de la paix

Publié le 05.05.2021| Mis à jour le 20.12.2021

Dans une société Haïtienne frappée par la déliquescence, Jocelyne Colas fait partie de ces personnes qui n’ont pas baissé les bras. A la tête de la commission Justice et Paix d’Haïti, elle défend les prisonniers, lutte contre l’impunité et milite pour une justice forte et équitable. Elle nous explique pourquoi la paix, « ce n’est pas seulement vivre tranquillement ».

Jocelyne Colas © Véronique de la Martinière/CCFD-Terre Solidaire

Ce matin de fin avril 2021, Jocelyne Colas vient d’apprendre avec joie la libération des six derniers otages d’un groupe de dix religieux et laïcs enlevés quinze jours plus tôt.
L’insécurité fait partie du quotidien des Haïtiens. « Je suis obligée de prendre des précautions, de réduire mes fréquentations », explique la directrice nationale de la Commission Justice et Paix (JILAP).
« Nous savons que nous sommes ciblés ». Pas seulement par les groupes armés, mais aussi par « les autorités en place qui veulent retourner à la dictature dans le pays. Elles accaparent les institutions, réduisent l’activité des associations de défense des droits humains. Nous ne sommes pas épargnés. »

Le réseau Justice et Paix comprend 4 000 membres en Haïti

Jocelyne Colas milite à Justice et Paix depuis son année de philosophie au lycée, en 1994.
Elle faisait alors partie de la commission de la paroisse Saint Pierre de Petionville, l’agglomération accrochée aux montagnes, sur les hauteurs de Port au Prince.
C’est l’une des trois cents commissions du pays.
Aujourd’hui, Jocelyne est chargée d’animer ce réseau national de 4 000 membres, en tant que directrice générale.
« Comme je suis une femme, certains me demandent plus. Mais, ma nomination n’a pas été contestée, car je faisais partie de l’organisation depuis de nombreuses années », relève Jocelyne Colas.
Elle est issue d’une « famille modeste de quatre sœurs. Ma maman faisait le commerce et mon père de la maçonnerie. Je suis veuve depuis deux ans et avec mon mari nous n’avons pas eu d’enfants », confie-t-elle.

Aide aux détenus, comptage des tués par la violence

Au JILAP, elle travaille en confiance avec le Cardinal Chibly Langlois, président de l’institution. « C’est un espace où des laïcs œuvrent à la construction d’une société plus juste, plus équitable, où les gens pourraient vivre en paix ».
Justice et Paix fournit une aide juridique aux prisonniers sans avocats. « Chaque année, une centaine de prisonniers sont libérés grâce à notre appui. Chaque fois, c’est une vraie satisfaction », explique Jocelyne Colas.
Le JILAP publie aussi chaque trimestre une liste des victimes de la violence en Haïti, à partir des informations transmises par ses membres. 130 cas ont été recensés au premier trimestre de 2021.
Justice et Paix conduit un travail de plaidoyer pour la réforme de la justice. « Nous voulons qu’elle fonctionne mieux. C’est un travail de titan, face à la corruption, l’impunité, le manque de ressources humaines et d’indépendance face au pouvoir exécutif ».

Le JILAP fait également partie du collectif d’ONG « Ensemble contre la corruption » pour tenter de réduire ce phénomène endémique dans le pays.
« La paix demande un certain équilibre de la société. Il s’obtient avec l’assurance que les gens peuvent trouver de quoi vivre convenablement. Ce n’est pas le cas ici »>
Justice et Paix, tout au long de son parcours, a été soutenu par le CCFD-Terre Solidaire.
« Par exemple, cette aide a permis à des Haïtiens d’obtenir des actes de naissance, à des agriculteurs de légaliser la propriété de leurs terres, ou d’organiser le Congrès du cinquantième anniversaire de la Commission Justice et Paix », souligne Jocelyne Colas.
La paix est un état d’esprit que l’on atteint quand on vit convenablement.
Malgré tous les problèmes d’Haïti, Jocelyne Colas estime que « la situation n’est pas désespérée. J’ai de l’espoir. Il vient de ce que les gens sont beaucoup plus revendicatifs, plus éclairés. Leur exigence est bien plus importante face aux
autorités ».

Cet espoir donne de la force à la directrice de Justice et Paix. « La Paix, ce n’est pas seulement vivre dans la tranquillité. C’est aussi vivre comme un être humain. La paix est un état d’esprit, où l’on se sent mieux dès lors que l’on peut vivre convenablement », résume-t-elle.
En Haïti, cette paix n’est pas présente dans bien des vies. « La paix demande un certain équilibre de la société. Il s’obtient avec l’assurance que les gens peuvent trouver de quoi vivre convenablement. Ce n’est pas le cas ici ».

Pierre Cochez

Pour aller plus loin :

Haïti : Stop au silence et à la complicité internationale

Consultez le dossier Artisanes et artisans de paix

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