En Irak, la société civile appelle fermement au dialogue

Publié le 13.10.2017| Mis à jour le 08.12.2021

Des associations du Kurdistan, de Bagdad et d’autres régions en Irak s’inquiètent de voir monter les risques de guerre. Elles font entendre leur voix pour proposer une alternative pacifique. Le CCFD-Terre Solidaire relaie leur appel en français.

Un référendum unilatéral a eu lieu au Kurdistan irakien le 25 septembre 2017. Il donne un résultat écrasant en faveur de l’indépendance (92% oui avec 72% de participation). Depuis les tensions sont très fortes avec le gouvernement irakien de Bagdad qui a fermé les vols internationaux directs depuis et vers la région kurde. Les pays voisins, Turquie et Iran, ont également déployé des forces militaires aux frontières du Kurdistan. Malgré la violence des conflits en Irak, des associations du Kurdistan, de Bagdad et d’autres régions travaillent ensemble depuis plusieurs années pour la paix et la démocratie. Avec le soutien d’autres organisations internationales, elles lancent un appel aux autorités irakiennes et internationales :

NON A LA GUERRE, NON AUX SANCTIONS ECONOMIQUES, LE DIALOGUE EST L’UNIQUE SOLUTION!

Reconnaissant le rôle que joue la société civile en faveur de la paix, de la non-violence et du respect des droits de l’Homme, nous appelons au dialogue pour résoudre le conflit entre le gouvernement central irakien et le gouvernement régional kurde, à des efforts pour apaiser les tensions et à mettre fin aux interventions extérieures. La paix et le partenariat entre les citoyens irakiens de diverses origines, Arabes et Kurdes notamment, sont menacés en raison du conflit politique au lendemain du référendum du 25 septembre 2017 qui a exprimé un soutien écrasant pour une nation kurde indépendante. Les membres de la société civile sont extrêmement préoccupés par la situation, et doivent être maintenant inclus comme des partenaires dans les efforts pour l’apaisement du conflit. Tout échec dans l’ouverture du dialogue ne fera que permettre à un plus grand nombre de belligérants de se mobiliser pour la guerre et pour les sanctions économiques, qui causeraient de grandes souffrances pour tous les citoyens irakiens. Le 5 octobre, des représentants d’organisations d’Erbil, de Souleymanieh et de Bagdad, ainsi que des représentants de la société civile internationale, se sont réunis pour discuter de cette crise et ont établi d’un commun accord la déclaration ci-après. Nous vous invitons, organisations, associations, réseaux et groupes de volontaires, à vous joindre à cette initiative et à ajouter vos avis et commentaires.

1. Mettre fin à l’escalade des tensions  et du conflit :

Les responsables politiques de Bagdad et d’Erbil doivent entamer le dialogue par les points d’accord et non ceux de désaccord. Selon la société civile, les points d’accord les plus importants sont : a. le refus de la violence, de la guerre et de la militarisation comme moyen de résolution des conflits internes et le refus de la punition collective infligée aux civils du Kurdistan et de l’ensemble de l’Irak, y compris les sanctions économiques. b. le respect de la constitution irakienne comme base du dialogue pour la résolution du conflit, en veillant à ce que les droits de tous les citoyens irakiens soient également respectés et protégés. c. le respect du droit international et du droit international des droits de l’Homme dans tous les efforts pour résoudre le conflit. d. le règlement des litiges à l’interne – en acceptant la contribution d’experts en résolution de conflit venant de l’UE et des Nations Unies pour faciliter le dialogue – mais sans autoriser l’intervention de gouvernements étrangers qui pourrait entraîner un conflit régional plus important. e. l’implication de la société civile dans le processus de dialogue et de résolution du conflit en général, et pour la restauration de la confiance entre arabes, kurdes, turkmènes, assyriens et autres citoyens irakiens, en particulier.

2. Prendre en compte le référendum

a. Ne pas considérer de punition ou de représailles, surtout à l’encontre des civils, qu’ils aient voté ou boycotté le référendum. b. Nous demandons au Gouvernement Régional du Kurdistan et au Gouvernement Irakien de s’abstenir de toute déclaration sur le référendum et sur l’indépendance qui entraverait un dialogue constructif.

3. La question-clé : les territoires disputés

Toutes ces zones sont dévastées. Plutôt que de les plonger dans un nouveau conflit, les territoires disputés devraient être gérés selon les principes suivants : a. donner priorité à la construction de la paix, au retour volontaire ou à la recherche de solutions alternatives durables pour les personnes déplacées, et à la reconstruction des zones affectées. b. refuser l’escalade des tensions ethniques et réfléchir à des solutions internes aux problèmes des territoires disputés. c. les citoyens vivant dans et issus de ces territoires doivent être associés à toutes les décisions sur l’avenir de ces zones. d. confier exclusivement à la police locale la tâche de maintenir la sécurité intérieure, rappeler toutes les autres forces armées à leurs bases. Retirer immédiatement les armes lourdes de ces zones. e. Assurer la représentation de la population locale de manière à ce que la coexistence, la sécurité, le retour et la reconstruction soient les priorités majeures et des conditions préalables à des élections. f. La justice transitionnelle est essentielle à la paix durable. Nous appelons à respecter l’état de droit pour promouvoir la justice, la réconciliation, la recherche de la vérité, les compensations et la commémoration parmi les différents habitants de ces territoires.

4. Aéroports, points de passage et frontières :

Nous demandons l’ouverture d’une discussion technique par des experts sur les meilleurs moyens de gérer toutes les frontières, points de passage, ports et aéroports du nord au sud de l’Irak, en particulier ceux situés à l’intérieur de la région kurde. Cette discussion devrait inclure des experts des ministères concernés, des représentants des gouvernements provinciaux et des provinces concernées, et respecter les principes suivants : a. Le premier objectif est de prévenir tout conflit ou toute action militaire dans ces lieux. b. Réguler et faciliter une circulation efficace des biens et des personnes et garantir une gestion claire et transparence des importations et des exportations. c. Soutenir une bonne administration des ports et des aéroports en fournissant les outils et les formations nécessaires (par des experts étrangers si besoin) afin de promouvoir une gestion transparente et de combattre la corruption.

5. La société civile internationale, les Nations unies, l’Union européenne et les pays riverains :

a. doivent appuyer cette initiative et s’efforcer d’inciter tous les gouvernements à s’unir pour établir une paix humaine et durable et la solidarité internationale. b. les citoyens étrangers, résidant au Kurdistan ou dans les autres régions d’Irak, doivent être exclus de toute forme de conflit et ne pas servir de moyens de pression sur l’une des parties du conflit. c. Les employés des organisations internationales ainsi que les militants pour la paix et pour la solidarité internationale doivent pouvoir obtenir des visas aux aéroports en reconnaissance du rôle important qu’ils jouent pour aider l’Irak à se relever des crises de conflit et de déplacements de personnes qu’il a subis. Ceci concerne tous ceux qui souhaitent travailler dans la région du Kurdistan et en Irak en général. d. La communauté internationale doit soutenir les Défenseurs des Droits Humains qui peuvent être amenés à mettre leur vie en danger dans le but de promouvoir une paix juste. Des mécanismes de protection doivent être mis en place pour prévenir et faire face aux menaces et attaques contre les Défenseurs des Droits Humains, et non pas pour simplement les aider à s’installer ailleurs quand leur vie est menacée. Le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme de l’Onu ou l’Union européenne doit indiquer un point de contact ou un bureau où signaler les menaces et attaques envers les défenseurs, dans la région du Kurdistan comme dans le reste de l’Irak. Si vous représentez une association ou une organisation de la société civile, un syndicat et si vous êtes d’accord avec cet appel, vous pouvez rejoindre l’appel (disponible en Arabe, en Kurde et en Anglais)

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