Encyclique Laudato Si : le pape François nous appelle à agir
A travers l’encyclique Laudato Si, le pape Francois interpelle les consciences avec une force inédite face aux enjeux sociaux et environnementaux en cours et incite chacun à se mobiliser. En mettant en évidence les liens entre l’écologie et lutte contre la pauvreté, il souligne les responsabilités des Etats et des acteurs économiques. A travers sa critique de la culture du déchet et de notre société de consommation, il marque durablement les consciences bien au delà du monde catholique.
Par cette encyclique exceptionnelle, le pape nous invite à repenser notre lien et notre responsabilité vis à vis de la nature et de la création. Il met en avant le concept « d’écologie intégrale », qui articule les relations fondamentales de la personne, avec Dieu, avec elle-même, avec d’autres êtres humains et avec la création.
Tout au long de Laudato si’, le pape interpelle : Quel genre de monde voulons-nous laisser à nos enfants ?
« Et cette question ne concerne pas seulement l’environnement de manière isolée, parce qu’on ne peut pas poser la question de manière fragmentaire. Quand nous nous interrogeons sur le monde que nous voulons laisser, nous parlons surtout de son orientation générale, de son sens, de ses valeurs…
C’est pourquoi il ne suffit plus de dire que nous devons nous préoccuper des générations futures. Il est nécessaire de réaliser que ce qui est jeu, c’est notre propre dignité. »
Protection de l’environnement et lutte contre la pauvreté
Le pape François invite à une véritable « conversion écologique », et nous appelle à changer notre rapport à la nature, mais aussi à remettre au centre les plus pauvres, ceux qui ne sont pas responsables du changement climatique mais en subissent les conséquences en première ligne.
« Il est fondamental de chercher des solutions intégrales qui prennent en compte les interactions des systèmes naturels entre eux et avec les systèmes sociaux. Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale ».
Pour Bernard Pinaud, délégué général du CCFD-Terre Solidaire, l’encyclique représente ainsi
« un véritable encouragement pour tous ceux qui travaillent depuis des années à mettre en évidence le lien indissociable qui unit les enjeux de transformation sociale, de solidarité internationale et de développement avec les questions environnementales et climatiques. »
Dans son introduction, le pape présente les thèmes importants et toujours liés entre eux qu’il enrichit tout au long de Laudato si’, tels que :
- « l’intime relation entre les pauvres et la fragilité de la planète ;
- la conviction que tout est lié dans le monde ;
- la critique du nouveau paradigme et des formes de pouvoir qui dérivent de la technologie ;
- l’invitation à chercher d’autres façons de comprendre l’économie et le progrès ;
- la valeur propre de chaque créature ;
- le sens humain de l’écologie;
- la nécessité de débats sincères et honnêtes ;
- la grave responsabilité de la politique internationale et locale;
- la culture du déchet
- et la proposition d’un nouveau style de vie ».
L’urgence face au changement climatique
Le pape s’inquiète en particulier du changement climatique « un problème global aux graves répercussions environnementales, sociales, économiques, distributives et politiques ».
Préserver le climat, qui est un « bien commun », constitue « l’un des principaux défis actuels pour l’humanité » écrit-il.
« Le changement climatique affecte des populations entières et est l’une des causes de la migration. Mais beaucoup de ceux qui détiennent plus de ressources et de pouvoir économique ou politique semblent surtout s’évertuer à masquer les problèmes ou à occulter les symptômes, en essayant seulement de réduire certains impacts négatifs du changement climatique ».
Pendant ce temps,
« le manque de réactions face à ces drames de nos frères et sœurs est un signe de la perte de ce sens de responsabilité à l’égard de nos semblables, sur lequel se fonde toute société civile ».
Le pape n’hésite pas à pointer les menaces que font peser sur l’humanité la privatisation des ressources naturelles comme
- l’eau,
- la perte de la biodiversité,
- l’impact des monocultures,
- la destruction de zones essentielles telles que l’Amazonie,
- l’impact de l’exploitation destructrice des ressources minières,
- la question de la dette.
Autant de préoccupations qui rejoignent les campagnes de sensibilisation et de plaidoyer menées ces dernières années par le CCFD-Terre solidaire et ses partenaires autour de la responsabilité sociale des entreprises, de la transparence financière, ou de l’accaparement des terres. La parole du pape leur donne une nouvelle portée susceptible d’élargir la mobilisation.
Un levier de mobilisation
Stéphane Duclos, responsable au sein du service mobilisation citoyenne au CCFD-Terre Solidaire voit ainsi dans l’encyclique
« un formidable levier pour mobiliser davantage le monde catholique sur les enjeux liés à la destruction de l’environnement, et aux bouleversements climatiques. Elle rejoint notamment notre travail de mobilisation mené avec nos partenaires des pays du sud au sein de l’Onu autour la justice climatique et des enjeux de la COP 21».
Car au-delà d’un constat accablant, et d’une invitation à changer de mode de vie, le pape avertit que cela restera insuffisant si les hommes ne se rassemblent pas pour agir.
« Il faut reprendre conscience que nous avons besoin les uns des autres, que nous avons une responsabilité vis-à-vis des autres et du monde ». Or « L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune ».
Si François note avec un sens de la formule non dépourvu d’humour « un certain assoupissement et une joyeuse irresponsabilité », le pape appelle les Etats à jouer un rôle beaucoup plus important, et pointe les négociations internationales, comme celle de la COP 21, comme des rendez-vous capitaux.
« Il manque une culture et un leadership adéquat et la volonté de changer les modes de vie, de production et de consommation, alors que s’impose l’urgence de « créer un système normatif qui […] assure la protection des écosystèmes ».
Le pape s’adresse à tous
L’encyclique, grâce au style vivant et imagé du pape se lit très facilement. Pour Bernard Pinaud, nul doute qu’elle sera une « une source d’inspiration » précieuse qui viendra enrichir le travail de sensibilisation et de mobilisation mené par le CCFD-Terre Solidaire.
Pour répondre aux enjeux « de la sauvegarde de la maison commune », sous-titre de son encyclique, le pape s’adresse tous. Il trouve inspiration dans les textes bibliques bien sûr, mais aussi dans le travail de ses prédécesseurs, dans la pensée de Saint Thomas d’Aquin ou Sainte Thérèse de Lisieux. Il invite à redécouvrir le message de Saint François d’Assise, liant contemplation de la nature à l’attention aux plus pauvres.
Dans son souci de rassembler universellement autour de cet enjeu commun, le pape cite plus largement le patriarche orthodoxe Bartholomée, ou fait plus rare dans une encyclique, évoque aussi un maitre spirituel soufi Ali al Khawwac. L’encyclique se termine d’ailleurs par deux prières, l’une interreligieuse, et l’autre plus spécifiquement catholique, qui montrent à quel point cet enjeu d’agir et de communier ensemble est important.
Pour Guy Aurenche, président du CCFD-Terre Solidaire, le nom de l’encyclique Laudato Si, qui fait référence au cantique des créatures de Saint François d’Assise, magnifique hymne à la création écrit pourtant à la veille de sa mort, nous place dans une perspective de joie et d’espérance. Le pape le souligne :
« Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur, ou du pur exploiteur des ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. ».
Comme l’écrit sur son blog Guy Aurenche, il est temps, maintenant que le pape a délivré son message, « de proposer des alternatives et de nouvelles règles à nos sociétés ».
Anne-Isabelle Barthélémy
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