Et si on écoutait les paysans ?

Publié le 25.04.2008| Mis à jour le 08.12.2021

Le Sedelan, Service d’éditions en langue nationale, basée au Burkina Faso. Il propose un dossier sur la crise alimentaire.

L’introduction de Maurice Oudet, Président du SEDELAN.

« La hausse des denrées de première nécessité obéissent à des raisons extérieures au pays. Mais elles sont aussi la conséquence de vingt années de mauvaises politiques dans le pays. » Cette affirmation n’émane pas d’un des manifestants, mais du président René Préval de Haïti le 9 avril 2008. Mais elle décrit tout autant la situation des pays de l’Afrique de l’ouest qui ont vu des manifestations « contre la vie chère ». Je me propose de montrer comment ce jugement s’applique autant au Burkina Faso qu’à Haïti. Nous porterons principalement notre regard sur le riz.

Les raisons extérieures de la hausse des prix des aliments de base sont bien connues.

En voici quelques unes.

1. La croissance de la population mondiale, accentuée par le phénomène de l’urbanisation. En effet, au Burkina par exemple, le riz est surtout consommé en ville.

2. La réduction des stocks de riz, et la réaction de grands pays exportateurs comme l’Egypte, le Viet-Nam et l’Inde, qui pour préserver leur population, ont interdit toute exportation de riz.

3. La vague des agrocarburants qui, en 2007, a détourné 100 millions de tonnes de céréales de leur usage alimentaire.

4. Sans oublier la hausse des prix du pétrole : le mercredi 15 avril, le prix du baril de pétrole a atteint 115 dollars US. Et donc, avec elle, la hausse du prix du fret.

5. Les médias occidentaux imputent une responsabilité importante à la Chine et à l’Inde du fait de la forte hausse de leur consommation alimentaire liée à leur forte croissance économique. En fait la responsabilité principale repose sur les Etats Unis et l’UE. A ce sujet, lire l’analyse de Jacques Berthelot.

Que dire, maintenant, des mauvaises politiques ?

Pour l’Afrique de l’Ouest je suis tenté de parler d’absence de politique, ou tout au moins d’absence de politique agricole digne de ce nom. Et cela depuis plus de vingt ans ! Dans les années 70, j’ai eu à interroger un candidat à la députation nationale. Je lui ai demandé quel était le programme de son parti envers les paysans ? Il m’a répondu : « 0h ! Les paysans, on ne les craint pas ! ». Par contre, nous voyons aujourd’hui combien les gouvernements craignent les débordements des manifestations urbaines. Cela explique, en partie, pourquoi la politique de nombreux états africains se résume à : « Nourrir la ville au moindre coût ! » Mais comment peut-on prétendre développer un pays dont la population est à 80 % urbaine, en laissant entrer tous les déchets du monde, comme du riz de mauvaise qualité à prix cassé, au risque de décourager ses propres producteurs. Ou encore, en bradant sur le marché du riz américain (qu’il soit offert par le Japon ou par le Secours Catholique Américain)? C’est ce qui s’est passé pour le riz.

Et le résultat, le voici :

Rendez-vous dans la plaine rizicole du Sourou, où l’état burkinabè à dépensé des milliards pour irriguer des centaines d’hectares destinés à produire du riz. Vous verrez qu’une grande partie n’est même pas exploitée. Que la plupart des paysans ont préféré faire des oignons… mais qu’ils n’arrivent pas à vendre leur production à un prix rémunérateur ! Et pendant ce temps, le riz est introuvable à Ouagadougou ! Quel gachis !

Pour un pays comme le Burkina Faso, pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, dont la grande majorité de la population est composée d’éleveurs et de paysans, avoir pour seule politique (politique non dite, mais bien réelle) : « Nourrir la ville au moindre coût », conduit aux situations suivantes :

• soit, par exemple, celle de 2003, où le prix du riz était très bas sur le marché mondial : les associations de producteurs de riz n’arrivaient pas à vendre leur riz à un prix rémunérateur : leurs magasins étaient pleins, mais ils ne trouvaient pas d’acheteurs.

• Soit celle d’aujourd’hui : les producteurs de riz, découragés par la situation antérieure, ont quitté leur terre, ou se sont tournés vers d’autres productions. Les acheteurs sont là. Ils sont prêts à offrir un prix rémunérateur, mais les magasins de riz sont vides.

> Voir le dossier du Sedelan

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