Exposition universelle : la visite de François Hollande laisse les ONG sur leur faim

Publié le 19.06.2015| Mis à jour le 08.12.2021

Ce dimanche 21 juin, François Hollande doit se rendre à l’Exposition Universelle de Milan (Italie), consacrée cette année à l’alimentation où 144 pays présentent leurs solutions pour « assurer à toute l’humanité une alimentation suffisante, de qualité, saine et durable ». L’occasion pour les ONG de dénoncer le double discours français en matière d’agriculture et de sécurité alimentaire au niveau mondial.


La France porte depuis de nombreuses années un discours en faveur des agricultures familiales. Pourtant dans les faits, elle est loin de soutenir ces acteurs en priorité, en particulier, dans les pays du Sud. Elle est par exemple engagée depuis 2012 dans une initiative du G8 appelée la « Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition » (NASAN) destinée à promouvoir les investissements dans l’agriculture dans 10 pays d’Afrique afin de lutter contre la faim et la pauvreté. Loin de mettre en avant les agricultures familiales, cette alliance repose à l’inverse sur les multinationales du secteur des semences et du trading de matière premières agricoles. Ces acteurs, plus spécialistes de la spéculation sur les marchés internationaux que de la production agricole, bénéficient de facilités fiscales, douanières et foncières qui créent une concurrence déloyale avec les paysans qui se voient aujourd’hui dépossédés de leurs terres et en grande partie, du soutien des pouvoirs publics [[Voir à ce sujet le bilan d’étape de la NASAN réalisée par ACF, le CCFD-Terre Solidaire et Oxfam France à l’occasion du G7.]].

De même, la France promeut officiellement le développement de pratiques agroécologiques, dans l’objectif de réduire les émissions du gaz à effet de serre du secteur agricole et de favoriser la résilience des agriculteurs du Sud. Pourtant, là encore, l’incohérence pointe quand on compare les discours et les soutiens politiques et financiers effectivement accordés par la France pour lutter à la fois contre la faim et les dérèglements climatiques. Ainsi, depuis septembre 2014, la France s’est engagée dans l’Alliance Globale pour l’Agriculture Intelligente face au Climat (GACSA). Loin de reposer sur une vision agroécologique du développement agricole et rural, cette GACSA se destine plutôt à promouvoir des pratiques dont les impacts négatifs sur la sécurité alimentaire et le climat ne sont plus à prouver (intrants chimiques, OGM,…) [[Voir notamment : Climate-Smart revolution… or a new era of green-washing?, CIDSE, Mai 2015]]. Dans les faits, la France serait plutôt porteuse d’une nouvelle révolution verte, basée sur le verdissement artificiel des pratiques de l’agrobusiness.

Enfin, dernier sujet révélateur de l’incohérence des engagements français, la sous-nutrition qui touche 1 enfant sur 10 dans le monde et qui est responsable de 3 millions de décès par an. Malgré l’ampleur du problème, les conséquences humaines de la sous-nutrition ne suffisent pas à convaincre la France d’investir dans la lutte contre ce fléau. Les investissements de la France restent très faibles avec 23 millions d’euros d’aide à la nutrition en 2013 [[Soit 0,47 % de l’APD française]]. Le nouvel engouement pour la « diplomatie économique » chère au Ministre des Affaires Etrangères Laurent Fabius, et les réductions du budget de l’Aide publique au développement (APD) française (moins 20 % depuis 2010) appellent à maximiser l’impact de chaque euro investi. Mais alors que le gouvernement a annoncé vouloir faire de la sous-nutrition « une des priorités de la politique de développement et de solidarité internationale » [[Selon la loi d’orientation parlementaire sur le développement et la solidarité internationale adoptée en juillet 2014]], la France n’a pris aucun engagement financier et ne s’est jusqu’à présent pas dotée d’un plan d’action qui concrétiserait sa stratégie en matière de lutte contre la sous-nutrition.

C’est pourquoi, Action contre la faim, le CCFD-Terre Solidaire et Oxfam France demandent à François Hollande de remettre en cohérence les discours français avec ses actions à l’international. Pour cela la France doit dès à présent quitter des initiatives comme la NASAN ou la GACSA qui appauvrissent et mettent en péril le droit à l’alimentation des populations au Sud. En tant que présidente de la COP21, la France doit également se montrer ambitieuse et mettre en place des politiques et financements en faveur des pratiques agroécologiques et de la lutte contre la sous nutrition. Alors qu’une personne sur 9 souffre toujours de la faim dans le monde, il y a urgence.

Contact médias :

Caroline Prak – Oxfam France : 06 30 46 66 04 / cprak@oxfamfrance.org / @carolineprak
Karine Appy – CCFD-Terre Solidaire : 06 66 12 33 02 – k.appy@ccfd-terresolidaire.org
Karima Zanifi – Action contre la Faim: 01 70 84 72 37 -kzanifi@actioncontrelafaim.org

* Pour en savoir plus sur le Pavillon français : http://alimentation.gouv.fr/la-france-a-milan

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