fabia Tonini

Publié le 16.05.2007| Mis à jour le 08.12.2021

L’attrait pour les agrocarburants pose des problèmes de modèle agricole que l’on commence à percevoir sur le terrain.

L’agriculture familiale face aux agro-carburants

Fábia Tonini travaille, au sein de l’organisation d’appui à l’agriculture familial Assesoar, à l’accompagnement d’agriculteurs biologiques et au développement de leur réseau Ecovida.
Assesoar est partenaire du CCFD

Paris, le 17 mars 2007

Le président brésilien Lula et son homologue étasunien Georges W. Bush ont récemment signé un accord de partenariat pour le développement du bioéthanol. Depuis 2006, le pays est saisi par la fièvre des agro-carburants, présentés comme le pétrole vert et un atout formidable pour le Brésil. Il existe une demande extérieure très forte, ce qui n’est pas nécessairement une bonne chose pour nous.

Bien qu’elle ne soit pas productrice de canne à sucre, une des matières premières de l’éthanol, la région de Francisco Beltrão (État du Paraná, Sud) où je travaille est également concernée par des incitations à la culture des graines à huile comme le tournesol ou le soja, en vue de produire du biodiesel, l’autre filière des agro-carburants.

Les agriculteurs deviennent des sous-traitants

Le mouvement n’est pas encore très important, mais nous constatons qu’il s’agit d’un des avatars d’un modèle de production agro-industriel qui nous est imposé : l’intégration. À savoir : des firmes vendent aux petits paysans semences, engrais, pesticides, et lui achètent sa production. Il est en quelque sorte un sous-traitant généralement de grosses multinationales. Parmi les questions sans réponse actuellement : les producteurs auraient-ils la capacité d’extraire eux-mêmes l’huile dans de petites unités — avec un surcroît de valeur ajoutée —, ou bien ne seraient-ils, comme toujours, que de simples fournisseurs de matière première pour l’industrie des agro-carburants et ses grosses usines ?

Nous subissons actuellement avec le soja destiné à l’exportation pour l’alimentation animale tous les contrecoups de cette politique d’intégration, appuyée par le ministère de l’agriculture brésilien, et qui capte la majeure partie des subventions. Par exemple, les sécheresses de ces dernières années ont provoqué, dans le Sud, une déroute généralisée des petits producteurs qui s’étaient tous mis à cultiver du soja pour l’agro-industrie. Résultat, ce sont aujourd’hui de grands propriétaires, aux reins plus solides, qui ont pris le relais dans les plantations de soja. Voilà le genre de scénario que nous redoutons avec les agro-carburants. Le problème, c’est que les petits producteurs, qui ne parviennent que difficilement à survivre avec des productions vivrières comme le maïs ou le lait, sont tentés par l’aventure…

Propos recueillis par Patrick Piro

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