G8 : Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition, vitrine ou miroir aux alouettes ?

Publié le 02.06.2014

Alors que la Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition (NASAN) ne figure pas cette année à l’agenda officiel du Sommet de Bruxelles, les membres du G7 pourraient tout de même renouveler leur soutien à cette initiative très critiquée dans leur communiqué final. Une manière habile de ne pas réellement ouvrir le débat sur les impacts de la NASAN, alors même que de nombreuses études de cas confirment que les risques dénoncés par la société civile internationale dès le lancement de la NASAN sont aujourd’hui des réalités ?

Lancée en grande pompe lors du G8 de Camp David en juin 2012, la NASAN était remise sur le devant de la scène lors d’un « Sommet contre la faim » au début de l’été 2013 à Londres. Elle est alors présentée comme le moyen d’éradiquer la faim et la malnutrition en «libérant le pouvoir du secteur privé» ; secteur privé reposant essentiellement sur les grandes multinationales de l’agroalimentaire et du trading de matières premières.

Pourtant, cette année, elle semble faire profil bas : aucun évènement particulier n’est prévu en marge du G7, et la NASAN ne sera pas officiellement à l’agenda du prochain sommet. Les remontées du terrain sur les impacts négatifs de la NASAN commencent-elles à inquiéter les Etats?

Les risques identifiés dès son lancement par les organisations de la société civile sont devenus aujourd’hui des réalités. Pourtant, d’après des informations que se sont procurées les ONG, les Etats du G7 pourraient renouveler leur soutien à cette initiative dans le communiqué final du Sommet du Bruxelles.
« Depuis le début nous cherchons en quoi la NASAN favorise la sécurité alimentaire et nutritionnelle» rappelle Peggy Pascal d’Action contre la Faim France. « Comme le souligne une enquête du Guardian, sur 209 investissements annoncés aujourd’hui, seuls 27 peuvent être considérés comme y étant favorables. Rien d’étonnant à cela, car ce n’est pas l’objectif des multinationales qui y participent. En effet, celles-ci suivent, par essence, une logique de diminution des coûts de production et de maximisation de leurs profits. La NASAN est finalement pour elles un moyen simple, efficace et non contraignant d’obtenir l’accès à de nouveaux marchés et d’accroître leur contrôle sur les ressources naturelles et en particulier les terres ».

Sur le terrain, c’est dans le domaine législatif que les évolutions se font le plus rapidement. En effet, en contrepartie de leur adhésion à cette initiative, les 10 Etats africains impliqués se sont engagés à mettre en place un « environnement favorable aux investissements », au détriment de la sécurité alimentaire.
Selon Clara Jamart d’Oxfam France, « les pays africains se sont engagés dans une série de réformes fiscales, tarifaires et douanières qui marginalisent les agricultures familiales et favorisent un modèle agricole de type industriel. Ces modifications législatives sont en train de déboucher sur la mise en place de systèmes agricoles dérégulés et libéralisés, voire de véritables paradis fiscaux agricoles. Et les indicateurs de réussite de cette NASAN ne font que confirmer ce sentiment en se concentrant sur le volume d’investissements privés dans l’agriculture et la « facilité des affaires » dans le pays. Est-ce là la solution miracle du G8 : moins les multinationales paient d’impôts, plus les Etats sont aptes à lutter contre la faim ? »

La France avait fait part l’année dernière de son désaccord sur cette initiative qui s’appuie sur le secteur privé, mais sa position est beaucoup moins claire aujourd’hui.
« A l’heure de la diplomatie économique, la NASAN ne semble plus être un problème pour la France, aujourd’hui très impliquée: politiquement (en tant que coordinatrice du projet au Burkina Faso), financièrement (comme 3ème contributeur pour près de 700 millions d’euros) et via la participation de 5 multinationales françaises » souligne Jeanne-Maureen Jorand du CCFD-Terre Solidaire. « Pourtant, et alors que se discute aux Nations Unies des principes d’investissement responsable dans l’agriculture, voici le meilleur exemple de ce qu’il ne faut pas permettre ! A commencer par l’exclusion des populations et le tapis rouge déroulé pour des multinationales étrangères plus intéressées à spéculer sur les marchés internationaux qu’à développer les potentialités locales ».

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