Guatemala : « Nous voulons une économie de la vie et non de l’accumulation »
Au Guatemala, le droit à l’eau et la lutte contre la malnutrition sont toujours des enjeux cruciaux.
Dans ce pays où la terre et l’eau sont accaparées par une minorité, Vilma Judith Sot Chile, coordinatrice de projets pour l’association locale Serjus, raconte l’âpre lutte des communautés locales pour y avoir accès.
Vilma est coordinatrice du projet urbain et d’éducation populaire de Serjus.
Cette association Guatémaltèque, soutenue par le CCFD-Terre et la Fondation Terre Solidaire, travaille avec des communautés urbaines et rurales pour en faire des actrices de transformation sociale.
Elle raconte :
Le Guatemala est un pays agricole où les paysans travaillent pour de grandes exploitations de café, de bananes, de canne à sucre et de palme. Les grands exploitants ont dépossédé les communautés de leurs terres et même l’accès à l’eau est contrarié.
L’accès à l’eau, un enjeu majeur au Guatemala
L’enjeu de l’eau est crucial. Les grandes plantations, notamment de canne à sucre, et l’exploitation minière contaminent l’eau avec le déversement de produits chimiques. Les projets hydroélectriques, aussi, en déviant les rivières, privent les communautés de l’accès à l’eau.
Les communautés ne peuvent plus produire de quoi se nourrir. Les conséquences sanitaires sont graves. Nous avons un modèle économique qui accapare les richesses, les terres et même l’eau essentielle à la vie.
Garantir le droit à l’eau
Depuis de nombreuses années, à Serjus, aux côtés d’autres organisations, nous tentons de faire voter une loi pour garantir de droit humain à l’eau.
Pour nous, ce n’est pas une nouvelle notion. Dans la cosmovision maya, l’eau est considérée comme un être vivant qui a des droits en tant que tel. Il en est de même pour la terre et la forêt.
Mais le parcours est semé d’embûches. Face à nous, les pressions sont très fortes pour privatiser l’eau. Ce qui dans les faits est souvent déjà le cas. Cette proposition de loi, fruit d’un travail collectif de nombreuses communautés, porte directement atteinte aux privilèges et intérêts des grandes entreprises… Le Congrès a réceptionné le texte mais ne l’a jamais inscrit au débat. Nous en sommes là !
Et comme le processus législatif au Congrès est dans une impasse, la société civile a présenté le texte il y a quelques mois devant la Cour constitutionnelle.
Si les avancées sont difficiles au niveau national, elles peuvent se faire au niveau local
Au niveau national, nos espoirs sont maigres… Mais j’ai une grande confiance dans nos communautés de base. Elles sont sages ! Elles trouvent toujours d’autres voies. Par exemple, de nombreux accords municipaux ont été trouvés. Si les avancées sont bloquées à l’échelon national, elles se font localement grâce à l’autonomie des municipalités. Certaines politiques locales et territoriales ont entériné le droit humain à l’eau.
Par exemple, à Ixcan, toutes les communautés indigènes ont leurs propres normes non seulement en matière de gestion, d’accès et de protection de l’eau mais aussi pour prévenir beaucoup d’autres problèmes qui affectent le bien-vivre de la communauté.
Former les communautés à être force de changement
Notre rôle est de former les communautés à devenir actrices de transformations sociales grâce à l’éducation populaire. Ainsi, les personnes gagnent en esprit critique et posent un autre regard sur le monde. Nos écoles de formation aident les communautés à formuler des propositions concrètes de changements au niveau local. Nous formons essentiellement de futurs leaders communautaires qui interviendront ensuite au niveau local ou national sur des enjeux aussi divers que la défense de l’accès à l’eau, la protection de la forêt, la préservation des semences ou la revendication des droits des peuples indigènes. Nous nous adaptons aux besoins de communautés.
Les écoles œuvrent à une convergence entre toutes les luttes. Ainsi les paysans et les défenseurs des droits des femmes par exemple, bien que leurs luttes soient différentes, pourront dialoguer et construire un projet politique commun.
La société civile au Guatemala se rassemble autour d’un projet global de changement
Transformer en profondeur le système capitaliste, patriarcal et colonialiste : voici le projet politique commun qui aujourd’hui réunit toutes les luttes au Guatemala ! Obtenir une vraie souveraineté alimentaire en fait partie intégrante car les inégalités sont criantes dans notre pays. La concentration de la terre et des richesses fait subir de graves problèmes de malnutrition à certaines communautés.
La promotion de l’agroécologie est l’une des solutions pour lutter contre les dégâts de l’agroindustrie. Nous remettons ainsi au goût du jour des pratiques ancestrales. Et nous nous battons pour la protection de la biodiversité. Notre objectif est de construire une économie pour la vie et non une économie de l’accumulation. Car le système capitaliste d’accumulation au Guatemala a laissé sur son passage la mort et la destruction.
Nous le vivons au quotidien : notre produit intérieur brut croît alors que les conditions de vie des personnes sont de plus en plus précaires. »
Vilma Judith Sot Chile
Propos recueillis par Violaine Plagnol
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