Haïti : face à la crise politique, les partenaires du CCFD-Terre Solidaire s’expriment

Publié le 21.04.2016| Mis à jour le 02.01.2022

De retour d’Haïti à la rencontre des partenaires, Floriane Louvet, chargée de mission au CCFD-Terre Solidaire, évoque la situation du pays en pleine crise électorale.


Sur pression de la rue et de l’opposition – dénonçant irrégularités et nombreuses fraudes lors du premier tour le 25 octobre 2015 – le deuxième tour des élections présidentielles, législatives et municipales n’a pas eu lieu comme prévu le 24 janvier 2016.

L’ancien chef d’État Michel Martelly, dont le mandat s’est arrêté le 7 février dernier, n’a donc pas pu transmettre la banderole présidentielle à son successeur. Il faudra attendre le 14 février pour que Jocelerme Privert – sénateur depuis 2010 et à la tête de la Chambre haute depuis janvier 2016 – soit élu président provisoire par le Parlement. Une élection largement contestée par la société civile.

« Coup d’État parlementaire » ?

Dans un pays secoué depuis plusieurs semaines par de nombreuses manifestations et violences, l’association paysanne Tet Kole – partenaire du CCFD-Terre Solidaire – dénonce un « coup d’État parlementaire » . De fait, d’une part le pouvoir judiciaire n’a pas du tout été impliqué dans le processus, d’autre part la Constitution de 1987 stipulait que c’était au président de la Cour de cassation d’exercer la transition. En réalité ce sont les amendements que Martelly a fait introduire en 2011, réécrivant en grande partie la constitution, qui ont semé la confusion en ne prévoyant pas ce type de vacance.

Ce que souhaite l’organisation Tet Kole ? Faire annuler le résultat de toutes les élections depuis celles du 9 août 2015, et en réorganiser dans de meilleures conditions, plus démocratiques.

Chenet Jean-Baptiste, directeur de l’Institut de Technologie et d’Animation (ITECA) – association soutenue par le CCFD-Terre Solidaire – dénonce quant à lui le manque de capacité de concertation des partis politique et de la société civile. « Tout le monde veut être chef en Haïti ». Il faut d’ailleurs interroger la vraie nature de ces partis. La plupart ne possède aucune base sociale et se contente d’occuper massivement l’espace médiatique. Vociférer dans un micro serait donc la nouvelle façon de faire de la politique ou plutôt le moyen de ne pas en faire justement.

Jocelyne Colas, directrice de la commission épiscopale nationale Justice et Paix (JILAP) – également partenaire du CCFD-Terre Solidaire – insiste de son côté sur la responsabilité de la communauté internationale, qui a tenu à tout prix, à maintenir des élections décriées par tous les secteurs en Haïti : « C’est la vigilance du pays qui a permis que nous ne tombions pas dans une dictature déclarée, c’est-à-dire que tous les pouvoirs se retrouvent entre les mains d’une seule entité politique. »

Les débuts après Martelly

L’heure n’est pas encore aux bilans, mais les conséquences des échecs politiques de la période Martelly se font déjà sentir. Durement touchés par la sécheresse l’année dernière et en l’absence de programmes d’appui au secteur agricole, les paysans se retrouvent dans une situation d’urgence sans précédent. Quelques 3,6 millions d’Haïtiens souffrent de la faim, dont 1,5 million sont en situation d’insécurité alimentaire sévère, selon le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM).

Une ère post-séisme ?

Six ans après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, le pays est encore loin de pouvoir en parler au passé. D’abord, l’absence des 300 000 disparus est une plaie qui restera béante encore longtemps. Chaque famille a été touchée, de près ou de loin.

Et sur le plan matériel, de nombreux bâtiments n’ont toujours pas été reconstruits, tandis que des milliers de familles sont encore sans logement et que leur vie sous des tentes est devenue la normalité. Le rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) de mars 2015 fait état de plus de 16 000 familles vivant dans 66 camps en Haïti.

Quelles suites ?

La plupart des acteurs de la société civile prédit encore des mois de crise et de paralysie du pays. Ils sont certains que Jocelerme Privert ne respectera pas les 120 jours prévus de transition provisoire.

Jocelerme Privert s’est promis de faire pendant sa période d’exercice tout ce que Martelly n’a pas réussi à faire en cinq ans. A savoir, le renforcement de la sécurité intérieure par la refondation des liens sociaux et le dialogue permanent ; le rétablissement de l’État de droit et la consolidation des institutions républicaines. Et enfin, presque de manière anecdotique, la poursuite du processus électoral.

Après sa nomination, s’est engagée une ronde de négociations pour le choix et surtout l’approbation d’un gouvernement dont une liste de membres a été rendue publique le 8 mars 2016 par le président provisoire.

Jocelyne Colas, directrice de JILAP, reste tout de même optimiste face à la situtation et parie plus que jamais en la capacité de la société civile à exiger et impulser plus de transparence et de démocratie en Haiti : « Je ne suis pas fataliste. C’est une question de construction. Ce qui est arrivé dernièrement montre les nombreux efforts qui ont été faits. Et il y a une maturité politique au niveau de la population qu’il faut exploiter. »

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