Haïti
Message du Comité exécutif de la Commission nationale Justice et Paix sur la cherté de la vie

Publié le 24.04.2008| Mis à jour le 08.12.2021

La Commission Nationale Justice et Paix réagit à l’augmentation du coût de la vie

Le 22 février 2008, le Comité Exécutif de la Commission Nationale Justice et Paix, composé des délégués des différents diocèses, s’est réuni. La question de l’augmentation du coût de la vie était au centre des débats.

Nous constatons que les prix des produits de première nécessité augmentent constamment, tandis que seulement une portion des salaires augmente ; le chômage fait des ravages. Ainsi la question de la cherté de la vie révèle des relations d’inégalité entre les groupes et les classes sociales dans le pays.

Quelques facteurs qui influencent la cherté de la vie

Nous ne sommes pas des spécialistes en économie, mais un nombre de facteurs sautent aux yeux.

  • La montée des prix du carburant sur le marché mondial et national.
  • L’absence de production locale dans notre pays, suite à la négligence systématique du secteur agricole par les gouvernements successifs.
  • L’absence d’encadrement du secteur agricole, qui bénéficie seulement de 4% du budget d’investissement de l’Etat pour 2007-08.
  • La corruption et les monopoles commerciaux encouragent la cherté de la vie.
  • Les transferts de la diaspora vers Haïti souffrent suite à la crise économique.

Une grande solidarité citoyenne est nécessaire pour répondre aux difficultés aujourd’hui. Mais il faut bien se rendre compte : la cherté de la vie frappe les couches pauvres du pays plus durement. Il faut également distinguer les différents niveaux de responsabilité dans la recherche des solutions.

Sur la question des responsabilités

Personne ne peut exiger l’impossible, mais chacun doit connaître ses responsabilités et les prendre pleinement au sérieux.

  • Au parlement de voter des lois et de créer les dispositions légales de la lutte contre la cherté de la vie.
  • De l’exécutif, on attend une vraie politique et stratégie de lutte contre la cherté de la vie, tenant compte des mauvaises conséquences des négligences du passé et des impositions étrangères.
  • Les citoyens, agissant en consommateurs responsables peuvent exercer une influence certaine sur l’économie.

Sur la protection des secteurs les plus faibles

La Commission Justice et Paix tient à rappeler quelques principes fondamentaux de la vie économique et sociale.

  • Tout système économique est et reste une création humaine. Si le marché ne répond pas à son objectif, il faut que les autorités interviennent pour protéger les couches vulnérables. Cela se fait dans chaque pays, même ceux qui prônent le marché libre.
  • Le Gouvernement doit intervenir dans la vie économique. Il est responsable pour fixer certaines règles. Des exemples :
    • Si la production locale et le secteur agricole qui occupe 60 % de la population sont importants, pourquoi seulement consacrer 4% du budget d’investissement de l’Etat à l’agriculture ? Pourquoi ne pas prévoir plus d’encadrement et de possibilités de crédit pour les paysans ?
    • Exercer un meilleur contrôle sur les activités des ONGs et les programmes d’urgence en milieu rural qui pourraient bien décourager le travail productif en milieu rural.
    • Intervenir dans la question foncière qui menace la sécurité des paysans sur leurs terres.
    • Introduire une gestion et aménagement réels du territoire national pour finalement freiner le gaspillage systématique de certaines ressources.
    • La crise de la maladie aviaire pourrait offrir des opportunités pour redémarrer la production nationale, par exemple par la création de fermes agricoles dans chaque département et la mise en valeur du domaine de l’Etat dans certaines régions.
    • Aux parlements de créer les instruments légaux nécessaires pour permettre à l’Etat d’intervenir de manière efficace en faveur du secteur agricole.
  • La question du salaire minimum : en ce moment, il monte à 70 gourdes par jour ou 1.750 gourdes pour un mois de travail de 25 jours. Une commission d’étude aurait recommandé, selon des commentaires, d’augmenter ce montant de 10 % : soit 7 gourdes par jour.
    • Le salaire minimum n’a pas été ajusté depuis près de 10 ans. Ce ne sont pas les petits salaires qui causent l’inflation. Au contraire, il est du devoir de l’Etat de protéger les plus vulnérables contre l’effet de l’inflation.
    • La Commission Justice et Paix propose la création d’un indexe des prix des produits de première nécessité et l’indexation automatique du salaire minimum.
    • La Commission rappelle ce que l’Eglise enseigne sur le salaire juste : « Compte tenu des fonctions et de la productivité de chacun, de la situation de l’entreprise et du bien commun, la rémunération du travail doit assurer à l’homme [la personne] des ressources qui lui permettent, à lui et à sa famille, une vie digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel. » (Gaudium et Spes # 67). L’Eglise d’Haïti a confirmé ce principe en 1990 (Charte de l’Eglise d’Haïti pour la promotion humaine # 29-34).
  • Les gens avaient mis beaucoup d’espoir dans le programme Petro-Caribe pour juguler la cherté de la vie. Le programme mérite, en dépit des efforts faits, plus d’explication. Surtout, on pourrait se demander comment l’Etat fait la gestion des fonds créés par le programme ? S’ils ne servent pas pour augmenter la production nationale, n’est-on pas en train de jeter les bases d’une nouvelle dette internationale dans un nombre d’années ?
  • S’il y a des sacrifices à faire, ceux qui disposent de plus de moyens devraient contribuer davantage. Ainsi le système des contributions et la taxation par l’Etat doit être juste et équitable ; il doit contribuer à une réelle redistribution des richesses dans le pays.

La Commission Justice et Paix n’a pas de pouvoir et de responsabilité politique. Nous sommes des citoyens et citoyennes qui animés par leurs convictions de foi chrétiennes prennent la défense des plus faibles dans notre société.

Nous exhortons les autorités à prendre des décisions politiques qui aident les plus vulnérables à répondre à leurs besoins. C’est la seule raison qui justifie l’autorité et le pouvoir politique dont ils disposent.

Les urgences sont connus de tous : la cherté de la vie et des produits de la consommation de base, la question des soins de santé dans des conditions acceptables pour les plus démunis, la question de scolarité et l’accès aux écoles pour tous les enfants, la sécurité sociale et l’accès à un habitat digne du nom dans des conditions acceptables. Il s’agit finalement de la satisfaction des droits fondamentaux des personnes.

Le pays ne pourra résoudre ce moment difficile sans la solidarité de tous et de toutes. Aux responsables politiques de partager équitablement les charges, parce qu’en ce moment ils pénalisent surtout les plus faibles.

Le Comité exécutif de la Commission nationale Justice et Paix

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