Htoo Chit, Thaïlande

Publié le 11.12.2005| Mis à jour le 08.12.2021

Le cas des travailleurs immigrés birmans est l’un des aspects méconnus du tsunami.

Les travailleurs birmans, victimes cachées du tsunami

Paris, 11 décembre 2005

Connaît-on enfin le nombre de victimes birmanes du tsunami en Thaïlande ?
Nous n’avons toujours d’informations détaillées à ce sujet. D’après nos recherches sur le terrain, nous estimons entre mille et mille cinq cents le nombre de Birmans disparus lors du tsunami.
À ce chiffre s’ajoute désormais le millier de corps non-identifiés par les autorités thaïlandaises qui ont officiellement annoncé qu’il pourrait s’agir de ressortissants birmans. Mais le plus terrible, c’est que le gouvernement birman ne veut toujours pas entendre parler de ces victimes et ne fait rien pour aider ses ressortissants. Certains corps, pourtant identifiés grâce à leur ADN, n’ont ainsi pu être rendus à leur famille que parce que les autorités thaïlandaises n’ont pas attendu l’accord du gouvernement birman. Imaginez dans quel état se trouvaient ces familles !

Dans quelle situation se trouvent aujourd’hui les travailleurs birmans dans la zone touchée par le tsunami ?
Nous avons toujours besoin d’aide. Non seulement d’aide pour la réhabilitation de ces populations, mais encore d’aide d’urgence. Certains sont en effet toujours sans emploi, d’autres encore n’ont pu être payés parce que leur employeur thaïlandais a, lui aussi, tout perdu dans le tsunami. Et puis, nous devons également nous occuper de ceux qui reviennent et sont, eux aussi, des victimes oubliées du tsunami.
Pendant le tsunami, beaucoup de travailleurs birmans ont perdu leurs permis de travail ou leurs cartes de résidence et se sont retrouvés sans papiers. Nombre d’entre eux se sont faits arrêtés. Rien que dans notre région, à Khao Lak, plus de deux mille cinq cents Birmans se sont ainsi retrouvés sous les verrous avant d’être déportés en Birmanie.
Cela a provoqué un mouvement de panique chez les autres qui sont soit rentrés en Birmanie à titre individuel, soit partis se réfugier dans d’autres provinces de Thaïlande. Ils sont en train de revenir petit à petit, attirés par les promesses d’embauches, notamment dans le secteur de la construction. Mais rien n’est prêt pour les accueillir.

Quelles sont leurs conditions de travail ?
Si l’on s’en tient à certains critères en vigueur dans les Ong, on peut dire que les tâches confiées aux travailleurs birmans entrent le plus souvent dans la catégorie des « 3 D » : difficile, sale (« dirty » en anglais), dangereux. Et cette catégorie d’emplois ne concernent pas seulement ceux proposés dans les zones touchées par le tsunami, c’est pareil dans toute la Thaïlande.
Pour autant, même si ces conditions nous paraissent exécrables, il ne faut cependant pas oublier qu’elles sont cent fois meilleures à ce qu’ils pourraient vivre en Birmanie. Les émigrés birmans sont très heureux d’être ici. Et ce d’autant plus qu’ils ont le sentiment que leur situation s’est grandement améliorée depuis le tsunami.

Vous voulez dire que le tsunami aura eu des aspects positifs pour ces travailleurs birmans ?
Bien sûr. Et ce à plusieurs niveaux. Il faut bien comprendre qu’avant le tsunami, personne ne s’intéressait aux émigrés birmans. L’arrivée d’Ong locales ou internationales a sorti ces travailleurs de l’isolement, de l’oubli dans lesquels ils étaient. Maintenant, certaines organisations s’intéressent de manière concrète aux différentes problématiques les concernant. Il y a des projets très basiques, concernant, par exemple, l’hygiène, la santé ou l’éducation, la création de crèches ou de bibliothèques, voire la mise en place de projets générateurs de revenus. D’autres concentrent leur action sur l’aide juridique qui peut être apportée à ces émigrés, sur les notions de sécurité dans le travail ou encore la formation aux respect des droits de l’homme. En fait, nous découvrons chaque jour de nouveaux besoins.

Quelles sont vos relations avec les Thaïlandais ?
On ne peut faire de généralité. Tout dépend des personnes. Des travailleurs isolés se font volés leurs papiers ou leurs biens, il y a quelques cas de viols, certains commis par des Birmans, et parfois de la discrimination, mais il y a aussi des personnes qui se montrent très amicales et nous apportent leur aide. Nous portons d’ailleurs une attention particulière aux employeurs thaïlandais en essayant de les impliquer dans nos programmes. Après tout, disposer d’une population mieux éduquée, stabilisée localement et économiquement, plus « performante » dans son travail est tout à leur avantage.

Propos recueillis par Patrick Chesnet

Htoo Chit est le coordinateur du Tsunami Action group qui aident les travailleurs birmans en Thaïlande, affectés pas le tsunami.

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