La baisse des prix est dangereuse pour le Sud
Catherine Gaudard, responsable du programme souveraineté alimentaire au CCFD
L’aviculture industrielle africaine sinistrée
L’aviculture africaine ne peut plus résister à l’explosion des importations de volailles de ces dernières années. Les pays du Sud ont été contraints d’ouvrir leurs frontières aux importations suite aux injonctions du Fmi. Ils ont baissé leurs tarifs douaniers afin de favoriser les importations d’intrants (aliments, produits phytosanitaires…) et de faciliter le développement d’une agriculture intensive, exportatrice, qui devait devenir source de devises. Cette politique a eu des conséquences catastrophiques dans le secteur de la volaille.
D’un côté, le prix des intrants importés n’a pas baissé mais au contraire augmenté du fait de la dévaluation du franc CFA (la valeur du franc CFA a été diminuée de moitié en 1994).
De l’autre, la baisse des tarifs douaniers a profité aux importations de volailles à bas prix qui, en dépit de la dévaluation du franc CFA, arrivaient à des prix plus bas que la production locale. Les céréaliers européens bénéficient d’aides qui permettent d’abaisser artificiellement les prix de l’alimentation pour les volailles et donc le coût de revient de la volaille industrielle. De plus, les groupes industriels qui maîtrisent l’ensemble de la filière avicole, rentabilisent leur production sur le marché européen et peuvent ainsi exporter les sous-produits à prix bradés sur les marchés africains.
Ce système est fatal pour l’aviculture industrielle d’Afrique de l’Ouest.
Les paysans sont affectés aussi
Les paysans qui avaient développé des élevages intermédiaires entre la production de subsistance et l’aviculture commerciale, n’ont pas non plus réussi à vendre leurs produits sur les marchés, concurrencés par les importations. Enfin, cette absence de débouchés pour les produits locaux a également pénalisé les petits paysans pauvres qui écoulaient quelques poulets sur les marchés locaux afin de bénéficier d’un complément de revenu. L’aviculture traditionnelle ne demande pas beaucoup d’investissement. Dans les pays du Sud, l’élevage de poulets est un peu considéré comme une épargne.
Les paysans puisent donc dans leur basse-cour en cas de nécessité pour dégager un revenu complémentaire.
L’ouverture des marchés appauvrit
L’ouverture des marchés a entraîné la destruction de nombreux emplois. Les populations qui avaient parié sur le développement de la production de volailles pour sortir de la pauvreté ou pour pallier la baisse des cours mondiaux des cultures d’exportation n’ont pas pu résister.
Cette politique, encouragée par les gouvernements qui voyaient dans l’arrivée de produits à bas prix un moyen de satisfaire les consommateurs urbains, a par ailleurs eu des conséquences sanitaires sur ces populations : une grande partie des produits importés étant de faible qualité nutritive ou impropres à la consommation. Sans ces importations, les produits auraient certes étaient plus chers mais en permettant à l’aviculture africaine de poursuivre son expansion, il y aurait eu un certain rééquilibrage.
Et puis, il n’est peut-être pas utile de consommer tous les jours de la viande pour être bien nourris ! Des quantités considérables de céréales sont utilisées pour nourrir les animaux alors qu’elles pourraient être utilisées pour nourrir les populations.
Les sommes dépensées dans l’achat de produits importés ou dans les intrants utilisés pour développer une agriculture industrielle auraient également pu être investies dans la transformation alimentaire afin de répondre aux attentes des consommateurs tout en développant l’économie lcoale ;
Cette politique d’ouverture des frontières a empêché le débat nécessaire sur le modèle de développement agricole.
Un modèle non durable
La libéralisation des échanges a permis à une poignée de pays du Sud comme le Brésil ou la Thaïlande de devenir à leur tour exportateurs de viandes de poulet… Mais il ne s’agit pas d’un modèle de développement durable. Au Brésil, de nombreux agriculteurs qui avaient des petits élevages de volailles sont devenus des sous-traitants, travaillant sous contrats pour de grandes firmes multinationales. Les conditions de travail se détériorent tandis que l’agriculture paysanne est en voie de disparition.
C’est exactement ce qui s’est passé dans les pays du Nord. Cette politique qui commence à être dénoncée au Nord, l’est aussi aujourd’hui dans les pays du Sud exportateurs dans la mesure où elle n’est pas viable à long terme.
En Thaïlande où de nombreux aviculteurs se sont endettés. La baisse des prix mondiaux ne leur permet plus de dégager des revenus suffisants et nombreux sont ceux qui ont dû cesser leur activité. Sans parler des nuisances de ces politiques sur l’environnement de la catastrophe sanitaire de la grippe aviaire.
Ce qui se passe va d’ailleurs au-delà de la seule aviculture : c’est la logique de prix toujours plus bas obtenus grâce à une intensification de la production qui est à revoir. Il faut interpeller l’ensemble des gouvernements de la planète et revenir à une politique qui redonne la priorité aux agricultures paysannes et permette aux paysans de vivre de leur activité au lieu de s’appuyer sur une politique qui privilégie sans arrêt la recherche de nouveaux débouchés, quels qu’en soit les coûts économiques, sociaux ou environnementaux.
Propos recueillis Laurence Estival
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