La COPAGEN, un réseau poil-à-gratter
Depuis huit ans, la Copagen, réseau de plaidoyer d’un genre nouveau, partenaire du CCFD-Terre Solidaire, se bat pour la préservation de la biodiversité et s’oppose à la poussée des transgéniques en Afrique de l’Ouest. Avec quelques beaux résultats, mais la bataille ne fait que commencer.
Animateurs paysans, biologistes, sociologues, anthropologues, communicateurs, juristes… depuis huit ans, ils sont les agitateurs de la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (Copagen), l’un des réseaux les plus originaux de l’Afrique de l’Ouest, actif dans neuf pays : Bénin,Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Guinée-Conakry, Mali, Niger, Sénégal et Togo. Peu de moyens, pas de secrétariat permanent, le mouvement s’appuie sur des Copagen nationales, coordonnées à Abidjan, et sur la motivation d’individus à forte personnalité, tous bénévoles. « Un réseau souple, mais très rigoureux dans ses prises de position, l’une de nos forces », souligne Francis Ngang, coordonnateur régional.
La Copagen naît en 2004, à l’instigation d’Inades-formation et d’Acord, ONG panafricaines, ainsi que du mouvement béninois Jinukun. « Les OGM préoccupaient les organisations de développement durable, des règlementations étaient en chantier, le public quêtait des informations », rapporte Francis Ngang.
Mode d’action : le plaidoyer, l’information, la sensibilisation. Grâce à la crédibilité de ses membres, impliqués de longue date dans les luttes pour la souveraineté alimentaire et l’agriculture durable, les collectifs Copagen ont rallié paysans, consommateurs, personnels de santé, artistes, chefferies, élus… Une légitimité qui les a imposés comme interlocuteurs incontournables auprès des autorités. Y compris en creux, au Burkina Faso, où les opposants aux transgéniques sont persona non grata dans les instances officielles. Si la Copagen n’y a entravé le déploiement du coton Bt qu’à la marge, sa guérilla maintient le cercle pro-OGM sur la défensive.
Une confrontation constructive
Ailleurs, la confrontation est plus constructive : les gouvernements ont souvent adopté de prudentes mesures conservatoires d’interdiction des OGM. La Copagen a obtenu un siège dans la plupart des forums nationaux de réflexion sur ces questions, pesant par ses études, enquêtes et contributions. Au Togo, la loi de biosécurité a été corédigée par un membre de la Copagen. Au Mali ou au Sénégal, les autorités retiennent des propositions du réseau.
Au Bénin, dès 2002, Jinukun a poussé le gouvernement à décréter un moratoire sur les OGM, prorogé jusqu’à fin 2012. « Et pour défendre notre vision, nous disposons d’une étude d’impact sur ces dix ans sans OGM », appuie le sociologue René Segbénou.
Cependant, les barrières légales contre les OGM restent souvent de papier, faute de moyens de contrôle.Aussi depuis 2006, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), qui regroupe huit pays – ceux que couvre la Copagen (la Guinée-Conakry en plus) –, a-t-elle entrepris la rédaction d’un cadre complet de régulation (procédures d’examen de demandes d’autorisation d’OGM, organes de contrôle, d’analyse…). Objectif : une règlementation harmonisée visant, dès 2013, à maîtriser les flux d’OGM au sein de l’Uemoa. Avec la bénédiction des firmes de biotechnologie, et initialement sans la société civile, écartée. Mais la Copagen a réussi à forcer la porte du processus en interpellant des financeurs européens de l’Uemoa, et plusieurs de ses amendements ont été pris en considération.
Aujourd’hui, le réseau est à une croisée des chemins. Financement, mobilisation, force de frappe, « il faut désormais mieux structurer le réseau, constate Francis Ngang. Et puis la stricte bataille du “non” aux OGM risque de nous isoler si la règlementation régionale est votée. Aussi avons-nous décidé d’élargir notre approche en cohérence avec notre mission ».
La Copagen soutenait déjà des actions de préservation de la biodiversité des cultures alimentaires : ce pôle sera renforcé. En effet, un peu partout, d’excellentes variétés paysannes – céréales, légumineuses, maraîchages –, disparaissent sous la pression de semences de marché rarement satisfaisantes. Et depuis peu, le réseau s’attaque au phénomène d’accaparement des terres, qui progresse furieusement dans la région : des investisseurs souvent désintéressés des cultures vivrières locales mettent la main sur des milliers d’hectares pour l’exploration minière, l’exportation de rations animales, la production d’agrocarburants, etc. « C’est un front clé pour l’avenir des paysans et de notre souveraineté alimentaire, où l’on retrouve… les firmes biotechnologiques, qui manœuvrent pour imposer leur modèle productiviste assis sur les OGM », analyse Ibrahim Ouédraogo, ancien coordonnateur régional de la Copagen.
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