La protection des marchés agricoles, un outils de développement.
La protection des marchés est aujourd’hui trop souvent présentée comme un instrument de « protectionnisme », de frilosité économique, qui découragerait les exportations, rendrait les producteurs moins efficaces, et qui favoriserait les intérêts « corporatistes » de la profession agricole au détriment de ceux des consommateurs pauvres.
Or la moitié de la population mondiale vit d’une agriculture familiale, et subit déjà de plein fouet l’ouverture croissante des marchés agricoles. Dans son précédent rapport « Agriculture : pour une régulation du commerce mondial » de décembre 2005, la Commission Agriculture et Alimentation de Coordination Sud a mis en lumière, à partir de plusieurs études de cas, les nombreux impacts négatifs d’une ouverture excessive et mal régulée des marchés, en particulier sur les populations les plus pauvres et les plus vulnérables. Un rapport qui souligne la dépendance alimentaire croissante de nombreux pays en développement, lesquels consacrent une proportion importante de leurs budgets à importer de quoi nourrir leur population. Ils négligent ainsi le potentiel de développement de leur propre agriculture, qui s’il était soutenu, permettrait d’améliorer les moyens de subsistance des populations rurales tout en approvisionnant les marchés locaux.
Face aux impacts négatifs d’une libéralisation excessive, un nombre croissant de pays en développement tente de préserver une marge de manoeuvre afin de protéger leur développement agricole, en particulier dans le cadre des négociations à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Leurs propositions, qu’il s’agisse d’identification de « produits spéciaux » écartés de la libéralisation, ou de mesures de sauvegarde spéciales permettant des protections temporaires, ont été confrontées à de nombreuses résistances et objections de la part des grands pays agro-exportateurs, qu’ils soient occidentaux ou en développement. La suspension actuelle des négociations à l’OMC fait craindre un repli protectionniste. Mais en réalité, elle n’a pas atténué la pression à l’ouverture des marchés agricoles : cette pression s’accentue même dans le cadre des accords de libre échange bilatéraux et régionaux. Ainsi, la négociation en cours d’Accords de Partenariat Économique (APE) entre l’Union Européenne (UE) et les pays Afrique Caraïbes Pacifique (ACP), censée se conclure fin 2007, va toujours plus loin dans les demandes d’ouverture, au risque de ne laisser qu’une très faible marge de manoeuvre pour protéger les marchés agricoles.
Paradoxalement, le dogme libéral est de plus en plus remis en question ou du moins nuancé dans le débat international sur les politiques de développement. Pour ne citer qu’un exemple récent, le dernier rapport de la CNUCED1 souligne la nécessité de protections pour le développement économique, assorties d’investissements publics. « À chaque pays, selon son niveau de développement, de protéger les secteurs jugés importants. Et de baisser les protections douanières, une fois les firmes nationales compétitives. La question de la gradation dans l’ouverture est la clé du parcours de développement. » C’est pourquoi Coordination SUD a souhaité étudier des exemples récents de protection des marchés pour des produits agricoles spécifiques, afin d’alimenter la réflexion sur la pertinence de préserver cet outil d’intervention publique. Cette étude constitue une étape dans un travail de plus longue haleine que Coordination SUD engage sur les outils de politique agricole nécessaires pour le développement : protection des marchés, régulation des prix, maîtrise de l’offre…
Notre travail, ancré dans l’expérience quotidienne des mouvements sociaux et ONG des pays en développement avec lesquels nous travaillons, vise à mettre en lumière une évidence trop souvent oubliée : le développement s’appuie sur une diversité de politiques, dont aucune ne peut marcher dans tous les pays, pour tous les produits et à tout moment. En particulier dans le domaine agricole, une approche nuancée et diversifiée s’impose, proche des réalités de chaque pays. Une palette d’instruments de politique publique est donc indispensable, et la protection des marchés doit pouvoir en faire partie.
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