« La question du droit au logement est souvent utilisée comme moyen de troc politique »

Publié le 21.06.2012| Mis à jour le 07.12.2021

Crée en 1993, le Mouvement national de lutte pour l’habitat du Paraíba (MNLM-PB), défend le droit au logement pour tous, en formant et en mobilisant les populations locales, mais aussi en influant sur les décisions du gouvernement. Joel Soares, coordinateur du MNLM-PB, revient sur la situation dans cet État du nord-est du Brésil.


Quel est le contexte économique du Paraíba et de João Pessoa ?
L’État de Paraíba est l’un des plus pauvres du Brésil. En dehors de la capitale, João Pessoa, où sont concentrés les services, son économie repose sur l’agriculture, avec, d’un côté, une petite agriculture traditionnelle, et, de l’autre, de grandes exploitations pratiquant la monoculture de la canne à sucre, et des petites et moyennes entreprises. La production de ciment y est importante, ce qui entraine de graves problèmes de pollution liée aux résidus rejetés et, pour le reste, c’est plutôt des petites fabriques, chaussures, céramiques, et quelques ateliers de confection.

Qu’en est-il des problèmes liés au logement à João Pessoa ?
Il n’y a jamais vraiment eu de politique du logement en adéquation avec la demande. Ce qui a conduit à un déficit de 23 000 logements à João Pessoa, de 160 000 dans tout l’État. Quant à acheter une maison, il faut compter entre 30 et 40 000 réaux, ce qui n’est pas évident quand la majorité ne touche que le salaire minimum, soit 622 réaux par mois. Il n’est donc pas rare de voir deux ou trois familles partager la même habitation qui sont obligées de louer très cher leur logement. Les classes moyennes et supérieures habitent le centre ville et les plus pauvres, ceux qui viennent des campagnes pour chercher une vie meilleure en ville, se trouvent rejetés à la périphérie. Ils vivent dans des conditions bien en deçà de ce que l’on peut considérer comme « normales », avec très peu d’infrastructures, hospitalières, sanitaires, scolaires, et une présence du service public limitée.

L’arrivée au pouvoir de Lula n’a donc rien changé ?
Depuis l’arrivée au pouvoir de Lula et, maintenant, avec le gouvernement de Dilma, on constate qu’il y a des possibilités de dialogues et d’écoute sur toutes ces questions sociales comme l’accès à la nourriture, à la santé et au logement. Il y a une vraie conscience de ce que représente le mouvement social. La relation est plus proche, même si elle n’est pas toujours facile.

Comment intervient MLNM-PB ?
Nous intervenons à deux niveaux : national et local. Sur le plan national, nous participons, en tant que représentants de la société civile au conseil national qui s’occupe du statut de la ville et régit toute la politique du logement du Brésil. C’est de cette commission, qui réunit les pouvoirs publics, les représentants des entreprises et de la société civile, dont font partie les syndicats et les associations comme la nôtre, que sortent les décrets légaux qui vont décider des politiques d’urbanisation à mener. Son influence sur l’aménagement des villes est donc considérable. La présence de la société civile peut donc désormais faire pression, influencer sur ses décisions.
Au niveau local, notre organisation propose des formations pour les communautés et les familles des municipalités dans lesquelles elle est active. Nous faisons en sorte que ces communautés s’organisent, se fédèrent, arrivent à parler d’une seule voix et puissent monter des stratégies communes pour contrer le gouvernement qui, lui, essaie toujours d’instrumentaliser les plus mal organisés. Le deuxième axe de notre action, c’est celui de la mobilisation de la population autour des droits humains. L’article 7 de notre Constitution précise en effet très clairement que le droit au logement est un droit de tous les citoyens. Il faut donc que le gouvernement local et les municipalités le garantissent. Or cette question du droit au logement est souvent utilisée comme moyen de troc politique. C’est-à-dire qu’un représentant de la municipalité va, par exemple, dire : « Je te fais une faveur en t’attribuant cette maison, mais après, il faudra me remercier »… Enfin, nous soutenons et appuyons toutes les formes de discussions et de relations qui se créent entre les communautés et le gouvernement.

Les conditions s’améliorent-elles ?
Dans notre État, les autorités fédérales ont mis en place un programme pour aider ceux qui sont encore sans logis et, alors que, auparavant, on construisait n’importe comment, sans tenir compte des besoins en infrastructures, de la mixité sociale, aujourd’hui, ce gouvernement oblige les préfectures à construire de manière plus structurée. À inclure dans leurs projets des crèches, des centres de santé, des écoles, des logements sociaux.

Comment se manifeste le soutien du CCFD-Terre Solidaire ?
Le CCFD-Terre Solidaire appuie notre mouvement depuis 1993 et cela se traduit surtout au niveau de notre capacité à mobiliser et à fédérer toutes ces personnes, toutes ces communautés du mouvement. Il nous aide également à affiner, à élargir notre vision politique, en nous fournissant les outils nécessaires afin de mieux comprendre et appréhender les enjeux qui gravitent autour de cette question de la politique du logement.

Propos recueillis par Patrick Chesnet

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