La théologie latino-américaine, une source d’inspiration pour l’Europe

Publié le 29.11.2012| Mis à jour le 07.12.2021

Une délégation du CCFD-Terre Solidaire s’est rendue, en octobre, près de Porto Alegre, au Brésil, pour assister au Congrès Latino-américain de Théologie. L’occasion de constater que la Théologie de la Libération est encore bien vivace et qu’elle s’est adaptée à son temps grâce à de nouvelles figures. Au point de constituer une possible source d’inspiration pour une Europe secouée par la crise.


Qu’on se le dise : la théologie de la libération n’est pas morte ! Pour s’en convaincre, il suffisait d’assister, du 7 au 11 octobre dernier, au Congrès Continental de Théologie, qui s’est tenu à Sao Leopoldo, dans le sud du Brésil. 50 ans après Vatican II et 40 ans après la publication du livre de Gustavo Gutiérrez « Théologie de la libération », le réseau Amerindia, un partenaire du CCFD-Terre Solidaire regroupant de nombreux théologiens et responsables de mouvements sociaux du continent, a en effet organisé une rencontre « historique. » Un qualificatif qui a valu notamment par la présence des plus grandes figures de la Théologie de la Libération comme Gustavo Gutierrez, Leonardo Boff, Pablo Richard, Jon Sobrino ou Victor Codina.

Mais d’histoire, il en a également été question au moment d’évaluer l’héritage de Vatican II et des Conférences des Evêques latino-américains qui ont jalonnées ce demi-siècle. « Il était important d’examiner quelle a été l’évolution de la théologie de la libération dans un continent marqué tour à tour, par des régimes dictatoriaux, un ultralibéralisme forcené et l’arrivée de la gauche au sommet de la majorité des Etats, a ainsi rappelé le Père José Oscar Beozzo, historien de l’Eglise catholique latino-américaine et Coordinateur général du Centre Œcuménique des Services à l’Evangélisation et à l’Education Populaire (CESEEP), également partenaire du CCFD-Terre Solidaire. Et de voir quelle place a pris et compte prendre, dans l’avenir l’Eglise sur des thèmes comme l’Ecologie ou l’égalité femmes/hommes. »

Ecouter pour mieux dialoguer
Quels sont les visages de la théologie latino américaine aujourd’hui ? Quelles sont les perspectives de ce mouvement de pensée qui marque l’Eglise continentale depuis un demi-siècle ? Comment l’Europe peut-elle se nourrir des réflexions des acteurs d’une institution socialement très engagée pour répondre aux défis qui se présentent à elle aujourd’hui ? Voilà quelques-unes des questions qui ont poussé le CCFD-Terre Solidaire à envoyer trois de ses représentants à Sao Leopoldo. Avec un impératif. « Ecouter les témoignages des différentes sensibilités et générations de cette théologie, explique Yvonne Bellaunde, chargée de mission Amérique latine. Afin de mettre en dialogue l’expérience de la foi et de la spiritualité avec les réalités actuelles, qu’elles soient économiques, écologiques ou même liées aux valeurs morales de nos sociétés. »

C’est dans cet esprit d’échange que Sœur Eliane Loiseau, a pris part au voyage. Invitée par le CCFD-Terre Solidaire, cette religieuse de la Congrégation des Sœurs de Saint-Charles, à Angers, connaît bien l’Amérique latine pour avoir vécu dix ans au Nicaragua, dans les années 1980, au début de la révolution sandiniste. Un séjour qui a sonné comme une révélation. « Je suis née une deuxième fois à la vie chrétienne à cette époque en découvrant la théologie de la libération », affirme- t- elle. En suivant les débats et les ateliers, Sœur Eliane a d’ailleurs été marquée par « la fidélité à l’histoire de cette ligne pastorale que l’on a tendance à considérer de manière insignifiante depuis l’Europe. » Une erreur d’autant plus grande que, pour elle, « cette théologie a encore beaucoup de sens dans le contexte que nous vivons aujourd’hui. »

« Une source de motivation » pour les organisateurs
Rolande Jean, elle aussi, a été marquée par ce qu’elle a vu et entendu durant ce Congrès. Educatrice et animatrice en Pastorale dans un collège de Mende, en Lozère, cette bénévole du CCFD-Terre Solidaire, n’a d’ailleurs pas regretté son voyage. Et ce, même si elle a parfois entendu des choses bouleversantes. « Beaucoup de gens m’ont dit qu’ils se considéraient comme des survivants de dictatures ou de guerres civiles. » Des témoignages qui ont confirmé qu’il est important d’entendre et de réentendre le message transmis à l’époque par des théologiens de la libération. Histoire de nourrir sa propre conviction de chrétienne : « S’engager pour plus d’humanité, de justice et de paix, assure-t-elle, c’est le premier acte de foi que l’on peut accomplir. »

Du côté des organisateurs, cette écoute et cette implication ont été reçues avec beaucoup de reconnaissance. « C’est très satisfaisant que le CCFD-Terre Solidaire ait envoyé une délégation, a assuré José Oscar Beozzo. Ce ne sont pas tous les partenaires qui ont compris qu’il se passait aujourd’hui quelque chose d’important et de vivant en Américaine latine. » Un sentiment partagé par Socorro Martinez, responsable d’Amerindia. « La présence d’un partenaire européen est bien sûr gratifiante, assure-t-elle. Mais cela va au-delà, car il y a eu beaucoup de pression pendant très longtemps sur la Théologie de la libération. Donc lorsqu’une institution européenne affirme venir ici pour écouter et s’inspirer de notre travail afin de nourrir sa propre réflexion, nous prenons cela comme une source supplémentaire d’inspiration, de motivation et de légitimation de notre action. »

Jean-Claude Gerez

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