© Ego Lemos

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Au Timor-Leste, une loi inédite pour promouvoir l’agroécologie dans les écoles

Publié le 13.05.2019| Mis à jour le 13.01.2022

L’association Permatil, au Timor Leste, est chargée d’installer des jardins cultivés en permaculture dans toutes les écoles. Dans ce jeune état, les enfants ne se contentent plus de s’asseoir sur les bancs des salles de classe. Ils découvrent aussi l’attention à la nature, à la nutrition, aux générations futures

 

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Estanislau Claudio Ximenes est responsable de programmes de l’association timoraise Permatil, soutenue par le CCFD-Terre Solidaire.
Très investie dans la formation de la population paysanne, l’association se consacre à la reconquête de la souveraineté alimentaire par la population majoritairement rurale et très jeune ce nouveau pays.
C’est ainsi que l’association a commencé à créer des jardins en permaculture dans les écoles.
Après plusieurs années d’expérimentations réussies, l’association décroche en 2015 un résultat spectaculaire : une loi nationale rend obligatoire l’implantation de potagers en permaculture dans les écoles primaires de Timor Leste.

« Des laboratoires de vie »

Pour Estanislau Claudio Ximenes, la mission éducative des jardins dans les écoles commence par la délocalisation de la classe hors des murs : « Nous ne considérons pas ces jardins comme de simples parcelles productives, mais comme des laboratoires de vie. »
Bien sûr les élèves consomment les légumes, et une partie est vendue, ce qui permet de financer la cantine.
Mais on y fait aussi des maths : connaissant les dimensions de la parcelle, combien de piments pourra-t-on récolter ? Et d’ailleurs, comment dit-on « piment » dans divers dialectes de l’île ?

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Nutrition, santé, environnement, la palette des enseignements est vaste. Et la dynamique profite à l’ensemble de la communauté.
De retour à la maison, les élèves transmettent au jardin familial les principes de la permaculture : l’attention à la nature, à la santé des personnes, aux générations futures, aux interdépendances entre l’air, l’eau, les sols, les semences.

Une éducation à la nature et aux enjeux de société

Pépinière © Ingrid LEDUC/CCFD-Terre Solidaire
Pépinière © Ingrid LEDUC/CCFD-Terre Solidaire

Permatil popularise ainsi à l’échelle des communautés rurales cette agriculture respectueuse de la nature dénommée permaculture.
Estanislau Claudio Ximenes explique : « Il ne s’agit pas simplement de produire durablement des aliments sains, mais d’induire un changement profond dans la société ».

Non seulement la permaculture bannit les intrants chimiques mais elle intègre plus largement des pratiques de préservation des ressources naturelles (terre, eau, semences…), de recyclage, de revalorisation de l’art et de la culture.
C’est le point de départ d’une démarche globale de transformation de la société timoraise, dans un contexte où celle-ci cherche à reconquérir son patrimoine naturel et culturel.

Au lendemain de l’indépendance, tout est à construire

Après 25 ans de lutte, ce tout jeune état a acquis chèrement son indépendance, en 1999. Avec la guerre, la population a été décimée au tiers, et les zones rurales ont beaucoup souffert.
Claudio raconte : « L’armée coupait les arbres, car les résistants timorais se dissimulaient dans les forêts. Ce déboisement a fortement affecté les sources et entrainé un desséchement de nombreuses zones. »
L’agriculture, qui était sous perfusion de l’occupant indonésien, ne parvient pas à nourrir la population :
« Il nous fallait réapprendre à gérer et préserver l’eau, les sols, les semences, à fabriquer des traitements naturels et du compost —autant d’enseignements scientifiques abordés dans les potagers ! Nous insistons aussi beaucoup sur la récupération des déchets : comment cultiver dans une bouteille en plastique, quand on a peu de terre à sa disposition, etc »

Fabrication du liquide de compostage/intrant biologique © Ego Lemos/Permatil/CCFD-Terre Solidaire
Fabrication du liquide de compostage/intrant biologique © Ego Lemos/Permatil/CCFD-Terre Solidaire

Fabrication du liquide de compostage/intrant biologique © Ego Lemos/Permatil/CCFD-Terre Solidaire

Les jardins scolaires sont un support pour reconstituer une somme de connaissances patrimoniales, y compris dans l’art et la culture, « balayées pendant l’occupation. »
Pour être comprises et acceptées, les étapes importantes de ce travail sont accompagnées de cérémonies traditionnelles menées par les anciens.

Plus de 150 écoles déjà équipées

A l’origine, l’association a commencé par implanter 8 potagers scolaires, avec l’appui du CCFD-Terre solidaire.
« Certes, le principe était déjà mis en œuvre par la FAO. Mais ça ne marchait pas bien. Ils utilisaient des intrants importés, les semences notamment. Et puis une fois les jardins installés, ils repartaient, et ça périclitait. Nous avons voulu montrer qu’il était possible de faire mieux en utilisant moins de moyens et de ressources naturelles. »
Après leur visite, le ministre de l’éducation est convaincu. Il organise alors un grand séminaire national de présentation du concept, où tous les responsables des écoles primaires sont invités.
Puis il propose une loi permettant de généraliser cette pratique à toutes les écoles.
Quand le projet démarre, toute la communauté est impliquée.
L’association prend contact avec les autorités et les leaders locaux, les professeurs mais aussi les parents d’élèves.
Des personnes sont formées à la conduite des potagers sur le long terme.
Les premiers jardins implantés ont fait l’objet d’une évaluation en 2018. Aujourd’hui, 151 écoles, sur un total de 1 108, en sont équipées, bénéficiant directement à 41 000 personnes.

Les élèves sont responsables de l'entretien du potager, sous la responsabilité d'un instituteur. © Ingrid LEDUC/CCFD-Terre Solidaire
Les élèves sont responsables de l’entretien du potager, sous la responsabilité d’un instituteur. © Ingrid LEDUC/CCFD-Terre Solidaire

L’agriculture, une part essentielle de la vie

« Les témoignages des élèves, des enseignants, des parents sont tout à fait encourageants, indique Estanislau Claudio Ximenes. Notamment venant des jeunes, qui envisagent souvent d’aller en ville pour trouver du travail, et considèrent que la terre, c’est une activité pour les vieux. Ce projet contribue à changer cette image, en montrant que l’agriculture n’est pas un travail dégradant : c’est une part essentielle de la vie, qui mérite que l’on s’implique dans les communautés rurales. C’est une ambition à long terme, pour les dix à vingt années à venir. »
Intégré dans la cadre du programme mondial de transition vers une agroécologie paysanne Tapsa, le projet se développe et des dizaines de jardins sont en cours de création dans les écoles.

Patrick Piro

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