Victor Chammaa

Victor Chammaa

Le CCFD-Terre solidaire a axé sa participation au Forum social mondial de Tunis autour de trois enjeux

Publié le 15.04.2013| Mis à jour le 08.12.2021

Trois des vingt-quatre partenaires présents au FSM témoignent de leur action sur chacun de ces aspects : la démocratie et le vivre ensemble, les migrations internationales et la question du modèle économique, social et écologique.

Charles Mutabazi – Afrique du Sud – Directeur d’Aresta

Sud africain et réfugié congolais

Charles Mutabazi a fui Goma au Nord-Kivu en 1996 alors qu’il était menacé pour avoir témoigné auprès d’une commission des Nations unies (dirigée par Roberto Garreton) sur les exactions commises par les rebelles de Laurent-Désiré Kabila et les troupes rwandaises contre les réfugiés rwandais.

En exil d’abord au Kenya, mais toujours pourchassé, il s’est installé au Cap en novembre 1998.

L’Afrique du Sud pays d’immigration

L’Afrique du Sud est devenu un pôle régional de migration en raison de sa stabilité politique et d’une relative prospérité économique. Elle attire un flot croissant d’une migration où il devient difficile de distinguer entre réfugiés et migrants et économiques. Notamment en provenance du Zimbabwe.

Le gouvernement a préféré restreindre l’accès au droit d’asile en fermant la plupart des centres d’accueil dans le pays et en les déplaçant aux frontières où les droits des demandeurs ne sont pas garantis. Le résultat, c’est une explosion de l’immigration clandestine qui crée des situations de non-Droit pour les migrants sans documents.

Réactions xénophobes

On observe beaucoup de réactions xénophobes. Le problème vient de ce que les Noirs sud-africains ont été pénalisés par l’apartheid et qu’ils sont moins qualifiés et moins compétitifs que les migrants. Le gouvernement tente de répondre à la question sociale, mais le pouvoir économique reste aux mains des blancs. L’ANC (le parti au pouvoir) a déçu beaucoup d’espoirs et les étrangers servent de boucs émissaires

Plaidoyer pour une politique migratoire adaptée

En plus des services que nous fournissons pour favoriser l’insertion sociale des migrants, nous plaidons pour que le gouvernement garantisse l’accès au droit d’asile. Nous demandons aussi une politique migratoire qui tienne compte des réalités, qui permette de gérer cette migration mixte sans engendrer de drames humains. Entre autres en permettant aux migrants de demander des visas aux frontières. L’Afrique du Sud doit aussi prendre la mesure de ses responsabilités régionales et participer aux efforts de paix et de développement de la région.

Dynamique de réseau

Depuis juin 2012, nous sommes engagés dans une dynamique de réseau avec la société civile nationale. Nous allons d’abord consolider les réseaux nationaux puis les mettre en réseau dans l’idée d’aboutir à une gouvernance régionale des migrations. Nous pouvons tirer partie de l’expérience de l’Amérique latine pour la création d’une citoyenneté régionale.

Coco Mbangu – République démocratique du Congo – Commission épiscopale pour les ressources naturelles

Des entreprises prédatrices

Les liens entre l’abondance des ressources naturelles et la guerre en République Démocratique du Congo sont connus. La Caritas et la Commission Justice et paix les ont décrits dans une étude de 2002. Mais les évêques congolais ont estimé qu’il ne suffisait plus de faire des études et des déclarations, mais qu’il fallait travailler sur ce sujet. Elaborer des solutions et faire du plaidoyer.

Les investisseurs des compagnies minières ont des effets néfastes sur la population qui est chassée de ses terres, souffre des conséquences écologiques des rejets de produits polluants, est mal payée quand elle est embauchée sur les sites. Les sociétés étrangères ne paient pas de taxes et rapatrient leurs bénéfices en contournant la loi.

Sensibiliser les communautés

Nous travaillons à trois niveaux. D’abord aux niveaux des communautés, pour que les habitants connaissent leurs droits, et connaissent la loi foncière, la loi minière afin de pouvoir faire fasse aux compagnies qui viennent et les délogent sans aucune procédure, seulement leur apportant des cadeaux dérisoires pour que les gens abandonnent leurs terres. Ils n’ont pas conscience que c’est leur vie qu’ils bradent.

Renforcer le rôle de l’Etat

Ensuite nous travaillons au niveau de la législation. Nous fournissons des études pour appuyer le plaidoyer. Notamment pour que l’Etat ait de véritables politiques agricole, foncière, forestière, minière pour concilier l’exploitation des ressources et les besoins de la population. Pour l’instant l’Etat improvise, sous l’influence d’intérêts à court terme.

Les concessions sont accordées sur la base de cartes dans des bureaux à l’étranger, sans prendre en compte les populations et leurs besoins. Il faut que les entreprises soient obligées de fournir des études d’impact indépendantes, que l’Etat joue son rôle pour faire respecter les règles, faire respecter les droits des populations.

Plaidoyer international

Enfin nous travaillons au niveau international, en lien avec des partenaires étrangers pour mener des campagnes afin que les Etats d’origine des entreprises internationales imposent aussi des normes. Nous avons ainsi obtenu qu’aux Etats Unis, le Loi Dodd-Franck impose la transparence sur les achats de minerais en zone de conflit.

Victor Chammaa – Egypte – Association culturelle El Nahdha

Victor Chammaa
Victor Chammaa

La situation en Egypte

En Egypte, la situation politique est très tendue. Les rapports entre les Frères musulmans et l’opposition sont violents. Le pouvoir islamiste envisage un projet de Loi pour contrôler les ONG et leur optique du progrès social n’est pas de réformer l’économie pour la rendre plus juste. Mais les Frères musulmans au pouvoir comme les partis salafistes commencent à perdre du crédit auprès de la population qui réalise qu’ils sont corrompus, qu’ils s’insultent et que par leur radicalisme, ils donnent une image fausse de la religion. Les gens feront de plus en plus de différences entre l’islam et la politique.

Le rôle de la société civile

Les Frères musulmans ont accès à la population à travers la religion. Les associations, aussi puissantes soient-elles, n’ont pas ce pouvoir. Dans la ville de Miniah, dans la Haute Egypte, où quasiment toute la population bénéficie des services des ONG, l’immense majorité exprime un vote religieux.

Mais c’est aussi de la responsabilité de la société civile. Il ne suffit pas de fournir des services, d’accorder des micro-crédits, de proposer des structures éducatives… Il faut amener les populations à analyser les raisons de leurs difficultés, et c’est le rôle de la société civile.

En ce sens, nous devons nous inspirer de l’Amérique latine. Il faut identifier des leaders naturels dans les communautés pour que les gens prennent conscience de leurs droits.

Ce travail est plus facile aujourd’hui que les jeunes ont accès aux réseaux sociaux où ils peuvent s’exprimer qu’à l’époque où nous avions à faire à des paysans analphabètes.

Un art entre liberté et représentativité

Notre association est installée à Faggala, un quartier du Caire qui a historiquement une vocation culturelle, très mélangé socialement et confessionnellement. Il existe une vraie sociabilité interreligieuse. Ce mode de vie est menacé par les salafistes.
Nous contribuons à préserver le mode de vie du quartier et à stimuler l’esprit critique par la culture, en travaillant à deux niveaux. D’abord en offrant un espace de liberté à des expressions artistiques indépendantes. Ensuite, il est important dans notre perspective que l’art dans la rue représente aussi la population.

Nous soutenons des graffeurs. Nous dialoguons beaucoup avec tout le monde et nous faisons en sorte que les peintures expriment le vécu, les rêves de gens. Dans ces conditions, l’art est bien accepté dans un environnement où la religion joue un rôle important, mais où elle est d’abord une source pour mieux vivre avec les autres.

Thierry Brésillon

Chico Whitaker, l’un des fondateurs du FSM, partage quelques impressions après le Forum social mondial à Tunis from CCFD-TerreSolidaire on Vimeo.

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