Le commerce équitable ne suffit pas

Publié le 01.05.2006

Le commerce équitable est dans l’air du temps. Le sondage réalisé pour le Ccfd et l’hebdomadaire Pèlerin le confirme : 42 % des personnes interrogées déclarent avoir acheté des produits du commerce équitable dans l’année, 65 % se disent prêtes à payer plus cher pour la qualité sociale et écologique. La demande d’éthique dans les biens de consommation est une tendance désormais bien enracinée dans l’opinion. Cela ne peut évidemment que nous réjouir.

Cet engouement croissant doit beaucoup au besoin de mettre nos actes et nos convictions en accord. De combien de quasi-esclaves, d’ateliers insalubres, de paysans ruinés ou soumis aux diktats de la grande distribution, de rivières polluées, de forêts arasées payons-nous notre recherche du moindre prix ? Le tourisme, devenu lui aussi un bien de consommation de masse, se prête aux mêmes interrogations.

Nous sentons bien que si les artisans de la fabuleuse croissance de l’économie chinoise sont sous-payés, travaillent dans des conditions que le mouvement social européen et américain a combattues à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, nous serons amenés à régresser.

Nous désapprouvons, mais nous ne savons pas très bien comment y remédier. Consommer nous relie à toutes ces dimensions de l’activité humaine, c’est donc par cet acte que nous voulons exprimer notre responsabilité et notre désir de changement.

Bien sûr le commerce équitable, le tourisme solidaire sont une manière de contribuer à transformer cet ordre des choses, mais il faut être clair : ce ne sera pas suffisant pour établir la justice sociale et la prise en compte des contraintes écologiques dans les relations économiques internationales.

L’engagement des politiques publiques, des instances de régulation multilatérales (telles que l’Organisation mondiale du commerce, l’Organisation internationale du travail…), la liberté d’association des acteurs les plus modestes de l’économie sont indispensables.

Renforcer la présence et la cohérence du commerce équitable est nécessaire. Le pire serait que l’éthique devienne un simple argument commercial. Le piège serait de nous croire quittes une fois le paquet de café équitable déposé dans notre panier. L’écueil serait de nous replier sur des épiceries solidaires, fréquentées par des convaincus.

La démarche du commerce équitable est avant tout le témoignage d’une exigence, la preuve qu’un autre type de relation économique est possible. C’est une utopie créatrice en marche, adossée à un travail en profondeur auprès des décideurs économiques et politiques, soutenue par l’ampleur d’une consommation différente, à la portée de chacun.

Joël Thomas
Président du CCFD

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