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Le dialogue avec la société civile comme facteur de construction de la paix dans les pays en crise ou en transition

Publié le 03.05.2011| Mis à jour le 08.12.2021

Les sociétés civiles sont des acteurs incontournables dès lors qu’il s’agit d’encourager les transitions démocratiques.

La problématique

Depuis la fin de la guerre froide, la nature d’une grande partie des conflits a changé. Les situations de guerres interétatiques classiques n’existent quasiment plus. La conflictualité « latente », ou de faible intensité, qui met aux prises mouvements armés et forces de sécurité devient la forme prédominante de la violence collective. Dans les pays dits en « crise », qui ne sont plus régis par le droit mais par l’arbitraire du despote, les conflits non armés sont monnaie courante : grèves, flambées de violences, manifestations diverses, plus ou moins pacifiques.

La notion d’État fragile sert de clef d’analyse dans tous ces contextes plus ou moins conflictuels. Il n’en existe aucune définition internationalement partagée, mais on les reconnaît généralement à leur incapacité, totale ou partielle, à assurer un État de droit et une gouvernance efficace, à fournir à la population des services sociaux essentiels, à contrôler le territoire et garantir la sécurité des citoyens.

Les conflits modernes ne sont cependant pas l’apanage des États fragiles. Dans les pays démocratiques et économiquement développés peuvent aussi subsister des situations conflictuelles liées à la présence de minorités : les discriminations, les violences dont elles sont victimes sont souvent proportionnelles à leur pauvreté relative, à leur marginalité.

Les champs thématiques

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Les sociétés civiles sont des acteurs incontournables dès lors qu’il s’agit d’encourager les transitions démocratiques. Elles participent notamment de :

  • la refondation d’un contrat social qui comprend le dialogue intercommunautaire, la recherche de nouveaux liens de confiance entre différents segments sociaux – victimes et bourreaux, déplacés/réfugiés d’un conflit et populations restées sur place, jeunes orphe­lins et société – mais aussi, entre populations administrées et responsables politiques. Le dialogue interculturel et interreligieux, l’éducation à la paix (interprétation des faits, réflexion sur le cycle des vengeances) sont des méthodes que les sociétés civiles emploient fré quemment pour refonder le contrat social ;
  • la réforme sécuritaire : les sorties de crise s’accompagnent toujours de réformes politiques d’envergure : administration judiciaire, composition et organisation des armées (pro­cessus Désarmement, Démobilisation, Réin­sertion), création d’un nouveau corpus législatif dans des domaines tels que la nationalité, le foncier…. De nouvelles élections, sur de nouveaux modes de scrutin sont aussi organisées. Ces réformes se situent en général au cœur du programme des accords de paix et font partie du « processus de retour à la normalisation ». Il convient avant tout de s’intéresser à la manière dont les sociétés civiles alimentent les débats et interviennent dans les décisions ;
  • la construction d’un État de droit : dans les pays en crise les sociétés civiles ont un rôle important à jouer en matière de construction de contre-pouvoirs, de lutte contre la corruption. Elles participent aux réformes nécessaires des services publics essentiels, tels que l’éducation et la santé, et veillent à l’utilisation transparente des fonds publics, en particulier ceux issus de l’exploitation, par l’État, des ressources naturelles du pays.
  • le respect des Droits de l’Homme et la lutte contre l’impunité : la plupart des conflits s’accompagnent de violations graves des Droits de l’Homme. Le retour durable à la stabilité suppose la reconnaissance des droits bafoués et l’exercice de la justice. Lorsque des crimes ont été commis, les tribunaux nationaux et internationaux doivent pouvoir instruire, mener les procès, juger et veiller à l’application des peines en toute indépendance. Le droit coutumier peut également favoriser le retour à la paix entre les communautés et éviter ainsi le déclenchement d’un cycle de vengeances. Ces mécanismes sont souvent ignorés par les gouvernements et les médiateurs. La société civile, grâce à son ancrage auprès des communautés, peut être force de proposition dans ce domaine.
  • le droit des minorités : partout où des minorités sont victimes de discriminations, il est nécessaire de veiller au respect de leurs droits. La société civile s’y emploie, par le biais d’actions de plaidoyer en direction des autorités nationales, internationales, mais aussi de la collectivité nationale. Ce travail de plaidoyer porte sur la citoyenneté, la relation à l’autre, aux autres : cultures, coutumes, développement économique et social.
Démobilisation des Mai Mai au Nord Katanga
Démobilisation des Mai Mai au Nord Katanga

D’autres axes sont surtout d’ordre opérationnel avec les populations et concernent la reconstruction du capital social : actions humanitaires (secours alimentaire, accueil et suivi de déplacés, accès à l’eau) ; relance des activités génératrices de revenus avec les populations démunies.

Acteurs, structurationet enjeux clés

Les acteurs impliqués dans des processus de construction de la paix sont variés : militants des Droits de l’Homme, mouvements de femmes, ONG, syndicats, Églises, centres de recherche, autorités traditionnelles, organisations professionnelles (rarement paysannes), médias. De plus en plus de réseaux pluriacteurs (ou « comités nationaux » ou « platesformes ») se mettent en place afin de participer à la sortie de crise.

Mais toutes ces structures ne relèvent pas forcément d’une même tradition ou famille associative, et peuvent recouvrir des intérêts hétérogènes. Certaines choisissent naturellement le terrain du dialogue, d’autres celui de la contestation. La nécessité les réunit mais ces alliances inhabituelles sont complexes. Des brassages, éclatements et recompositions successives peuvent ainsi apparaître.

Néanmoins ces plates-formes représentent aujourd’hui un espoir énorme dans de nombreux pays en crise. La société civile y tient souvent lieu de canal d’expression de l’opinion publique, et, en partie, de représentation nationale, lorsques les voies classiques d’expression démocratique sont entravées.

L’implication du CCFD – Terre Solidaire

Le CCFD – Terre Solidaire agit notamment dans les domaines de :

  • la refondation d’un contrat social en soutenant depuis longtemps de nombreux programmes d’éducation à la paix ou de promotion du dialogue interculturel et interreligieux avec de nombreux acteurs. Il accompagne la structuration de plates-formes nationales engagées dans des sorties de crise (Guinée, Tchad, Madagascar). Il expérimente donc, aux côtés de ses partenaires « méta »-acteurs, l’engagement dans un champ complexe, longtemps chasse gardée des acteurs institutionnels et que peu de bailleurs veulent ou peuvent soutenir ;
  • la défense du droit des minorités, notamment des Indiens et Afro-amérindiens en Amérique latine, des Dalit en Inde et des Rom en Europe de l’Est ;
  • la reconstruction du capital social avec les populations victimes de conflits et plus particulièrement, la relance des activités génératrices de revenus ;
  • la construction d’un État de droit, champ relativement nouveau et très innovant, où les stratégies et méthodes sont encore à affiner. Le CCFD – Terre Solidaire s’y engage souvent en alliance avec d’autres organisations de solidarité internationale et notamment, dans le cadre des Programmes concertés pluri-acteurs.

Le point de vue de l’AFD : Jean-Bernard Véron, Responsable de la cellule prévention des crises et sortie de conflit

L’Agence considère qu’il existe une relation bijective entre sécurité et paix et développement. Environ 40 % des 70 pays où intervient l’AFD se trouvent en situation de guerre ou de sortie de guerre. L’AFD utilise deux types d’outils lorsqu’il s’agit de soutenir des projets dans des pays en crise. D’une part, les opérations duales visent simultanément à mettre en œuvre un projet économique et social et à traiter, dans le même temps, une cause de fragilité. Par exemple, la relance de la filière cotonnière en Afghanistan doit à la fois permettre un développement économique et offrir aux paysans une alternative à la culture du pavot. D’autre part, l’ancrage des revenus dans des activités économiques pérennes favorise la construction de la paix. L’AFD utilise à cette fin des outils de microfinance, d’appui à l’organisation et de formation professionnelle, en mettant l’accent sur le secteur informel, qui emploie la majeure partie de la population : la Côte d’Ivoire, pays le plus développé d’Afrique de l’Ouest, demeure une économie informelle à 93 %.

Le domaine d’intervention de l’AFD est étroitement ciblé, puisqu’il concerne le développement économique et social. L’Agence cherche, en outre, à prévenir l’apparition de crises violentes ou de guerres ; a minima, il s’agit de ne pas envenimer les situations par manque de connaissance du contexte.

Les limites de l’Agence sont de trois ordres. Tout d’abord, l’AFD se focalise très fortement sur les aspects techniques, financiers et économiques, ce qui entraîne une certaine myopie sociale, alors qu’une analyse à l’aide des sciences humaines serait également nécessaire. Par ailleurs, la taille des projets soutenus par l’AFD est beaucoup trop importante pour que certains détails puissent être pris en compte. L’Agence se montre aussi parfois trop pressée d’engager des projets au détriment des études et analyses préliminaires indispensables, même si certains, parmi ces projets, peuvent en définitive produire du capital social : un programme d’adduction d’eau potable dans les bidonvilles de Port-au-Prince, non seulement très pauvres mais marqués par la violence d’origine mafieuse, a entraîné une réduction des tensions entre groupes antagonistes. Dans le même ordre d’idée, les programmes d’hydraulique pastorale réalisés au Tchad permettent de retarder la descente des troupeaux nomades vers les terres agricoles, diminuant ainsi les tensions entre agriculteurs et éleveurs.

En cela, l’AFD a tout intérêt à travailler avec la société civile car celle-ci est source de capital social en plus du capital économique et humain ; dans certaines circonstances, elle permet un contournement de l’appareil d’État parfois incapable de mettre en place le projet souhaité. Ce qui incite d’autant l’Agence, aujourd’hui, à se rapprocher du CCFD – Terre Solidaire car celui-ci a une capacité d’analyse très fine des contextes, de compréhension des sociétés et de leurs dynamiques. L’Agence sur ce point est demandeuse.

Le CCFD – Terre Solidaire, dont le champ d’action englobe également modes de gouvernance et politique, a de nombreux contacts avec des associations des pays du Sud qui font souvent défaut à l’Agence et in fine, il fait montre d’une capacité à identifier les partenaires les plus intéressants, ce qui permettrait à l’AFD d’être mieux armée pour soutenir les projets les plus novateurs dans le champ de la résolution des conflits et de la construction de la paix.

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