Le droit à l’alimentation fait partie intégrante des droits de l’homme

Publié le 20.01.2012| Mis à jour le 07.12.2021

Paris, le 20 janvier 2012

Observatrice privilégiée des violations des Droits de l’Homme en Asie, l’Asian Human Rights Commission, ONG basée à Hongkong, s’est, depuis 2006, lancée dans un programme de surveillance du respect du droit pour les populations de voir leurs besoins alimentaires satisfaits, fondant notamment son action sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Un Droit à l’alimentation qui, sur le sous-continent indien, est loin d’être toujours acquis. Wong Kai Shing, directeur exécutif de l’AHRC, revient sur ce programme qui reçoit le soutien du CCFD-Terre Solidaire depuis 2010.

Le continent asiatique connaît aujourd’hui une croissance que beaucoup lui envient mais, paradoxalement, de plus en plus de gens y souffrent de la faim ?
Tout ce développement s’est fait en sacrifiant sur l’autel de la croissance économique les secteurs les plus vulnérables de la société, tout particulièrement l’industrie basée sur les emplois de main d’œuvre faiblement qualifiée et le monde rural. Dans les centres urbains, l’arrivée massive de migrants ruraux à la recherche de travail s’est traduite par la création de nombreux bidonvilles où les conditions de vie sont de plus en plus difficiles. Et, dans les campagnes, l’exploitation outrancière des ressources naturelles et l’inadaptation des politiques agricoles ont conduit à des déplacements de population ainsi qu’à une diminution de la production agricole. Lorsque l’on parle du Droit à l’alimentation, on ne parle pas seulement de famine, mais aussi du fait que, dans ces pays, la malnutrition est devenue paradoxalement, avec le développement économique, l’un des problèmes majeurs des populations locales ! La richesse est bien là, mais elle n’est pas équitablement redistribuée et la majorité a tout juste de quoi garder la tête hors de l’eau.

Quelles réponses apporte l’AHRC à ces questions ?
Nous ne sommes pas une association humanitaire, mais une organisation de défense des Droits de l’homme et cette question du Droit à l’alimentation fait partie intégrante de ces droits. Tout État se trouve en effet dans l’obligation de faire respecter ce droit et doit donc faire en sorte que les ressources alimentaires nécessaires à la bonne santé de la population soient disponibles. Notre travail consiste à recenser et à documenter les cas de malnutrition dans les pays, à comprendre les raisons qui y ont conduit les dysfonctionnements administratifs, parfois, comme en Inde, la corruption ou la discrimination, qui ont entrainé ces manquements aux devoirs de l’État. Nous publions aussi des appels urgents et communiqués de presse pour attirer l’attention des autorités sur des cas spécifiques de non respect des engagements des Etats. Nos rapports sont ensuite présentés aux autorités locales, mais aussi sur la Toile, à des journalistes, des ONG, des agences internationales, comme celles des Nations unies (notamment via le rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation), afin de faire pression sur ces mêmes autorités. Les gouvernements semblent en effet beaucoup plus sensibles à leur image internationale qu’aux seules voix locales. Nous agissons comme des « faiseurs d’opinion » et relayons les informations des groupes locaux auprès des autorités concernées.

Avec quels résultats ?
Nous avons récemment eu un cas impliquant le Bangladesh et la Banque mondiale. La Banque Mondiale avait accordé un prêt à ce pays afin qu’il puisse faciliter les distributions de nourriture aux populations locales dans le besoin. Notre suivi sur le terrain a cependant montré que ceux à qui ces distributions devaient profiter ne recevaient rien. Nous avons alors interpellé la Banque mondiale sur le sujet et ses responsables se sont ensuite retournés vers les autorité bangladaises. Lesquelles ont, depuis, affirmé qu’elles allaient enquêter. Dans un autre cas, il s’agissait, au Népal, de résoudre un conflit entre une communauté de Dalits (intouchables) qui se voyait brutalement privée des champs qu’elle cultivait, mais dont elle n’était pas propriétaire, et la catégorie sociale majoritaire, qui voulait récupérer les terres en question pour en faire une forêt communale. Notre intervention a permis l’ouverture d’un dialogue entre la communauté dalit et les autorités locales népalaise. Résultat : Les Dalits peuvent à nouveau cultiver leurs champs, pour lesquels certains ont d’ailleurs reçu des titres de propriétés, et d’autres parcelles de terrain ont été attribuées pour la forêt communale. Le programme a ainsi permis l’intervention sur 58 cas en Asie, essentiellement en Inde. Il s’étend désormais à d’autres pays d’Asie (Philippines, Indonésie, Pakistan). Ce travail de terrain a permis notamment d’identifier que le déni d’accès au droit à l’alimentation est particulièrement important vis-à-vis des femmes et filles asiatiques.

Comment se matérialise l’aide du CCFD-Terre Solidaire ?
Le CCFD-Terre Solidaire est avec nous sur ce projet depuis maintenant deux années et ce soutien est très important. Avant cela, nous n’avions pas de ligne budgétaire particulière affectée à ce programme du Droit à la nourriture et nous ne devions compter que sur nos propres ressources pour faire avancer le projet. Nous coordonnons aussi notre action avec la Direction du plaidoyer en lien avec les actions de défense de la souveraineté alimentaire. L’apport du CCFD-Terre Solidaire nous a donc permis de développer notre travail et nous donne la possibilité de nous étendre et mieux planifier notre action dans différents pays de la région.

Propos recueillis par Patrick Chesnet

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