Le dur respect des droits des migrants
Coordinatrice du Réseau régional des organisations civiles pour les migrations (RROCM), Gilma Perez, basée au Salvador, déplore le faible nombre de pays ayant ratifié la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres leur famille. Un outil pourtant indispensable pour garantir le respect des droits de millions de personnes à travers le monde.
FDM : Quel est le rôle du Réseau international des organisations civiles pour les migrations ?
Gilma Perez : Le RROCM est un réseau d’organisations et d’institutions travaillant sur le thème des migrations dans onze pays de la région [[Canada, États-Unis, Mexique, Guatemala, Belize, Salvador, Honduras, Nicaragua, Costa Rica, Panama et République dominicaine.]]. Il est né entre 1996 et 2000, peu après le processus de Puebla [[Initiative née en 1996 destinée à rassembler les gouvernements d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale autour d’une approche régionale de la migration.]] et la Conférence régionale des migrations avec pour objectif de créer un front commun capable de dialoguer avec les États de la région. Dans chaque pays, une personne de référence est chargée de rassembler des informations sur la situation des migrants et sur le respect des politiques publiques mises en place. Elle se doit, par ailleurs, d’identifier le respect (ou non) des engagements juridiques et politiques des pays en termes de politiques migratoires.
Les axes de travail de ce réseau sont multiples. Cela comprend, par exemple, la résolution de conflits ou de problèmes rencontrés par des migrants, le plaidoyer dans les processus de discussions concernant les législations, l’évaluation des impacts des politiques publiques, l’aide à l’organisation des communautés migrantes ou encore l’appui aux structures consulaires. L’identification de groupes vulnérables entre également dans la définition de notre mission.
Quelles sont les principales caractéristiques de la situation des migrants aujourd’hui en Amérique centrale ?
L’Amérique centrale a toujours constitué une région d’origine des migrants et une zone de transit. La nouveauté, c’est la prise de conscience que cette région a désormais une vocation supplémentaire : l’accueil des migrants. Des populations toujours plus fragiles. D’après différentes institutions spécialisées dans l’aide aux plus démunis, il apparaît, depuis quelques années, une demande accrue de secours de la part de populations migrantes et des membres de leur famille. Enfin, la clandestinité est sans doute l’une des principales caractéristiques de cette migration régionale. Elle est d’ailleurs à l’origine des difficultés rencontrées par les migrants pour faire reconnaître leurs droits et figure comme le principal facteur de non-respect du droit du travail.
La signature de la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille est au centre des préoccupations de la société civile internationale. Pourquoi cette Convention est-elle si importante ?
Cette Convention du 18 décembre 1990 n’est pas le premier instrument qui reconnaît des droits en faveur des populations migrantes et des membres de leur famille. Mais c’est la première à offrir un catalogue large et clair de droits et d’obligations des migrants, en situation régulière ou pas. De surcroît, elle offre des mécanismes de protection aux travailleurs migrants et à leur famille. Outre l’adhésion des pays centraméricains à ce traité, le défi actuel est de faire en sorte que ceux-ci adoptent des mesures permettant d’harmoniser leurs normes et leurs pratiques respectives.
Cette Convention inclut la possibilité, pour un Comité indépendant, d’examiner les plaintes individuelles de personnes victimes de violations des droits des travailleurs migrants. Est-ce important ?
Absolument, car ce Comité permettrait de se prononcer concrètement sur la violation des droits figurant dans la Convention et permet, éventuellement, une réparation des dommages causés aux plaignant(e)s. Les recommandations et observations issues de l’examen des plaintes pourraient aussi faire jurisprudence. La mise en place de ce Comité permettrait d’alerter efficacement, dès les premières plaintes, la communauté internationale.
Mais pour que ce Comité soit effectif, il faut qu’au moins dix États ayant ratifié la Convention en reconnaissent la compétence. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Pourquoi ?
Le Comité ne constitue pour l’instant qu’un mécanisme consultatif pour les pays ayant ratifié la Convention [[Pays ayant ratifié la Convention (en janvier 2011) : Albanie, Algérie, Argentine, Azerbaïdjan, Belize, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Burkina Faso, Cap-Vert, Chili, Colombie, Égypte, Équateur, Ghana, Guatemala, Guyana, Guinée, Honduras, Kirghizistan, Lesotho, Libye, Mali, Maroc, Mexique, Nicaragua, Pérou, Philippines, Salvador, Sénégal, Seychelles, Sri Lanka, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Salvador, Syrie, Tadjikistan, Timor Oriental, Turquie, Ouganda et Uruguay.]]. C’est un défi, car un État qui reconnaît sa compétence s’engage à en respecter les décisions. L’autre motif probable de la non-adhésion à la Convention est le risque, pour les États, de devoir assumer leurs obligations à l’égard de populations qu’il est plus « convenable », politiquement et économiquement parlant, de maintenir dans une certaine « clandestinité », invisibles, exploitées et soumises. Reconnaître la compétence du Comité signifie, pour un État, s’exposer éventuellement à une procédure contradictoire, quasi-judiciaire, permettant de pointer, devant la communauté internationale, les éventuels non-respects des droits de l’homme.
La France n’a pas signé cette Convention. Or, dans le cadre de la campagne présidentielle de 2012, le CCFD-Terre Solidaire a décidé de faire des migrations un thème de plaidoyer. Qu’en pensez-vous ?
La coordination des efforts sur le thème des migrations est la clé de voûte du travail. D’abord, parce qu’elle donne un caractère international aux dynamiques migratoires. Mais surtout, parce qu’au-delà des efforts unilatéraux entrepris par chaque État, le thème de la migration nécessite une coopération entre pays d’origine, de transit et d’accueil des migrants.
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