Le faux nez vert de TotalEnergies #StopCompensation

Publié le 06.10.2021| Mis à jour le 14.12.2021

Changement de nom, stratégie climat, plan de « neutralité carbone », le pétrolier multiplie les annonces pour convaincre de sa transition écologique… tout en développant ses projets d’exploitation d’hydrocarbures dans le monde.

Le printemps est une saison propice pour parler regain végétal. Mi-mars, Total annonçait la signature d’un accord avec le gouvernement du Congo pour planter une vaste forêt d’acacias de 40 000 hectares (environ deux fois le massif de Fontainebleau) sur les plateaux Batéké.

Objectif : créer un « puits » d’absorption de CO2 atmosphérique, en compensation d’une partie des émissions générées par l’activité du pétrolier français. La croissance des arbres devrait en séquestrer 10 millions de tonnes sur vingt ans. Recours à une agroforesterie bénéficiant aux populations locales, accroissement de la biodiversité, production de bois d’œuvre par des coupes sélectives : la présentation du projet est bien ripolinée.

Deux mois plus tard, lors de son assemblée générale annuelle, le pétrolier devient TotalEnergies pour affirmer son ambition de devenir un acteur majeur des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, biomasse…) et présente à ses actionnaires son plan visant la « neutralité carbone » en 2050 Il recueille plus de 90 % des votes.

Total va rester un acteur majeur des énergies fossiles

Voilà pour la communication verte. Que les organisations écologistes et de solidarité internationale se sont empressées de démonter. « Le pétrolier tient un double langage, résume Myrto Tilianaki, chargée de mission souveraineté alimentaire et climat au CCFD-Terre Solidaire.

Car, en dépit de ses annonces, il entend poursuivre significativement sa production d’hydrocarbures. TotalEnergies va rester un acteur majeur des énergies fossiles. »

Première émettrice de CO 2 du panel du CAC40, et produisant à ce jour 447 fois plus d’énergies fossiles que renouvelables, l’entreprise est bien loin du compte, et son plan de neutralité carbone semble conçu pour noyer le poisson.

Pour l’étape intermédiaire cruciale de 2030, il vise une réduction de 40 % du CO 2 émis par ses activités (exploitation, raffinage, transport…) «  Mais ce périmètre ne représente que de 10 % des émissions de l’entreprise, décrypte Henri Her, de l’association Reclaim Finance[1]. Le reste, 90 %, provient de la combustion des hydrocarbures vendus par le pétrolier. »

Un segment où l’entreprise limite son engagement à une baisse de 30 % des émissions pour l’Europe seule. En référence aux calculs du cabinet Carbone 4, l’engagement de TotalEnergies ne correspond qu’à environ 25 % de l’effort nécessaire pour agir en cohérence avec l’accord de Paris, qui vise à contenir le réchauffement planétaire à 2 °C d’augmentation maximum, voire 1,5 °C d’ici à 2050.

Pour faire bonne mesure, le pétrolier veut recourir massivement aux pratiques de compensations controversées (voir p. 17) du captage et stockage de CO2 , avec l’important projet Northern Light en cours en Norvège, et la plantation de forêts dans les pays du Sud. « Le moyen aujourd’hui le plus efficace pour éliminer le carbone, pour moins de dix dollars la tonne », vantait, en 2019, Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies. Surtout s’il s’agit de mono-culture de variétés à croissance rapide, comme l’acacia au Congo.

De multiples questions surgissent dans le grand flou qui entoure le projet congolais, écrit un rapport endossé par près de 80 organisations[2]. Ainsi, une grande partie de ces terres abriteraient des groupes de Pygmées autochtones Aka et des communautés paysannes bantous, dont il faut imaginer l’expulsion. TotalEnergies parle de compensations et de création d’emplois, sans plus de précisions. Aucun détail ni cartographie précise, pas plus que d’éléments sur d’éventuelles discussions avec ces populations locales.

Comble de duplicité, le pétrolier prévoit qu’en 2030 les sources renouvelables ne représenteront que 15 % du volume d’énergie qu’il délivrera, alors que 80 % de ses investissements iront encore à des projets d’hydrocarbures, misant en particulier une augmentation de 30 % de sa production de gaz fossile au cours de la prochaine décennie.

En mai dernier, l’Agence internationale de l’énergie (AIE), boussole constante des acteurs dominants de l’énergie depuis des décennies, poursuivait un revirement guidé par sa prise de conscience de l’urgence climatique en préconisant qu’aucune nouvelle réserve pétrolière ou gazière ne soit désormais mise en exploitation.

Un message opportunément décrété trop « radical » par la direction de TotalEnergies.

En Ouganda près de de 100 000 personnes seraient affectées

Première émettrice de CO2 du panel du CAC40, et produisant à ce jour 447 fois plus d’énergies fossiles que renouvelables, l’entreprise est bien loin du compte.

On comprend pourquoi : peu encombré par ses minces habits verts, le pétrolier se prépare à forer comme au bon vieux temps. En Arctique bientôt, où la manne représente 5,6 % des réserves gazières. Plus actuel, le mégaprojet pétrolier Tilenga (400 puits en Ouganda) engagé en 2019, avec 1 445 km d’oléoduc (Eacop) jusqu’à la côte tanzanienne. Près de 100 000 personnes seraient affectées, avec un lot – hélas classique ! – de spoliations et de violations de droits déjà documentées, estiment les Amis de la Terre.

« Outre la facture climatique de cette production d’énergie fossile, il faut s’attendre à des catastrophes écologiques – pollution potentielle des lacs proches, destruction de biodiversité, conséquence des risques sismiques locaux », redoute Léa Kulinowski, juriste de l’association. Une étude du cabinet étasunien E-Tech International sanctionne : les techniques retenues par TotalEnergies sont les moins coûteuses et avec le plus fort impact socio-environnemental. « L’itinéraire semble dessiné dans le but de mettre en danger le plus grand nombre d’animaux possible », s’offusque l’écologiste américain Bill McKibben, fondateur de l’association 350.org. Un signe : la BNP, le Crédit agricole et la Société générale, les trois grandes banques françaises pourtant si friandes de ce genre d’investissements, n’ont pas souhaité financer Tilenga-Eacop.

Au nord du Mozambique, le pétrolier français fait aussi parler de lui « à l’ancienne ». Dans les années 2000, de gigantesques réserves de gaz naturel ont été découvertes au large de la province de Cabo Delgado, et TotalEnergies pilote un consortium d’acteurs pour la construction d’un énorme complexe de liquéfaction du gaz naturel (GNL), pour son exportation par des navires spécialisés.

Environ 550 personnes ont été déplacées dans des conditions déplorables, témoigne l’association mozambicaine Justiça Ambiental, partenaire du CCFD-Terre Solidaire. Et l’insurrection armée de groupes djihadistes locaux aurait déjà causé 2 600 morts. « Leur conflit historique envers le pouvoir central a été attisé par cette prédation de ressources naturelles, soutenue sans réserve par le gouvernement », rapporte Anna-Lena Rebaud, chargée de campagne climat et transition juste aux Amis de la Terre.

En avril dernier, alors que des attaques ont ciblé la ville de Palma, centre névralgique de la fièvre gazière, TotalEnergies gèle le projet qui devait livrer ses premières cargaisons de GNL en 2024. Un abandon en règle ? Plutôt une pause dans l’attente d’un retour au calme : chiffré à 20 milliards de dollars, et financé, ce projet est le plus important investissement africain à date.

Et la manne annuelle fournirait l’équivalent du tiers des importations de gaz naturel de l’Europe !

[1] Voir notamment son rapport conjoint avec Greenpeace « Total fait du sale : la finance complice ? », reclaimfinance.org

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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