Le G20 peut-il publier une liste exhaustive des paradis fiscaux ?
La réponse est simple : non.
Blacklister des pays est une opération éminemment politique. Au début de l’année 2011, la présidence française affichait la volonté de publier à l’occasion du G20 de Cannes, une nouvelle liste sur la base des rapports du Forum fiscal mondial. Elle y a renoncé. Exercice prématuré, paraît-il.
Au-delà des problèmes de délai, les contradictions internes au G20 rendent illusoire toute ambition de liste objective, donc exhaustive, des paradis fiscaux. Pour la simple et bonne raison que les États membres représentent à eux seuls 39 % de l’opacité internationale, et 88 % si on y ajoute les autres pays de l’Union européenne et les territoires sous son influence.
Pour preuve, l’accouchement au forceps de la liste des 42 territoires « non coopératifs » lors du sommet de Londres en 2009 et les traitements de faveur réservés à certains territoires connectés politiquement aux États du G20.
Comment expliquer autrement la disparition subite des îles anglo-normandes ou des îles vierges américaines de la liste grise à la veille du sommet de Londres ?
Comment justifier encore le traitement de faveur réservé à Hong-Kong et Macao si ce n’est par les intérêts diplomatiques du G20 à l’égard de la Chine ?
Comment, simplement, imaginer que soient un jour listés par le G20 l’État du Delaware ou la City de Londres, qui figurent pourtant parmi les centres financiers les plus nocifs de la planète selon le Tax Justice Network ?
Une liste exhaustive exigerait une approche globale des paradis fiscaux, judiciaires et prudentiels. Le G20 n’a pas su dépasser la vision cloisonnée qui prévalait depuis 10 ans.
À l’approche du sommet de Londres, Barack Obama et Nicolas Sarkozy en appelaient pourtant à articuler les efforts entre la lutte contre le blanchiment (GAFI), la lutte contre l’évasion fiscale (OCDE) et la régulation financière (FSF). Ils ne l’ont pas emporté. D’abord soucieux de colmater les fuites dans leurs budgets en proie à la crise financière, les pays du G20 ont privilégié l’approche strictement fiscale du problème, portée par l’OCDE. La liste du GAFI est finalement sortie en février 2010 (réactualisée en 2011 – voir question 9) et celle du Conseil de stabilité financière, dont la publication a été maintes fois reportée, devrait sortir juste en amont du sommet de Cannes. En avril 2009, seule l’OCDE était prête à dégainer ses listes, nous a-t-on expliqué.
Aujourd’hui il n’y a bien que le Tax Justice network, réseau international pour la justice fiscale – dont le CCFD-Terre Solidaire est membre –, pour tenter d’avoir une approche objective et globale du problème : en mesurant le degré d’opacité des territoires dans son classement, publié pour la première fois en 2009 et réactualisé cette année, il s’attaque au cœur du problème, car ce sont les mêmes instruments d’opacité qui protègent spéculateurs effrénés, fraudeurs du fisc et réseaux criminels. Le nouveau classement d’octobre 2011 concerne désormais 73 territoires (contre 60 sur la liste de 2009). Le score d’opacité de chaque territoire est mesuré à partir de 15 critères (secret bancaire, disponibilité de l’information quant aux bénéficiaires réels des trusts, qualité de la coopération fiscale, qualité de la coopération judiciaire, effectivité du travail de l’administration fiscale etc…). En combinant ce score d’opacité avec le poids respectif des centres financiers offshore, on obtient une idée de la nocivité des territoires évalués. Ainsi, parmi les premiers pourvoyeurs d’opacité, dans lesquels afflue l’argent sale (produit de l’évasion fiscale, de la corruption ou d’activités criminelles), on trouve le Luxembourg, les États-Unis, la Suisse, les îles Caïmans et Hong Kong.
Autant de pays épargnés par les toutes dernières listes de l’OCDE et du GAFI. Peut-on vraiment imaginer la communauté internationale pratiquer un jour le « name and shame » (stigmatisation) envers pareilles puissances ?
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