Le G20 saura-t-il répondre au risque d’une crise alimentaire ?
Et c’est reparti ! Le Mozambique en septembre dernier, l’Algérie, la Tunisie et la Jordanie en ce début d’année ont connu de violentes manifestations, certes nourries par d’autres facteurs, mais dont le déclenchement a été motivé par la hausse des prix alimentaires. La Chine, comme d’autres pays, a dû réagir par une série de mesures sur les prix. Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies, prévenait le 11 janvier : « nous vivons aujourd’hui le début d’une crise alimentaire similaire à celle de 2008 »[[Conférence de presse du 11 janvier 2011]].
L’indice des prix alimentaires de la FAO vient d’atteindre un record[[Global food price monitor de la FAO, du 14 janvier 2011]], dépassant le niveau le plus élevé atteint lors de la dernière crise, en juin 2008. L’augmentation des prix depuis juin 2010 concerne surtout le blé (+50 %), le maïs (+50 %) et le soja (+34 %), et le riz commence à suivre. La facture d’importation alimentaire est proche du pic atteint en 2008 pour les pays importateurs, et les populations les plus pauvres restent extrêmement vulnérables. Compte-tenu du délai de transmission des prix mondiaux aux marchés locaux, les prix pour les consommateurs (urbains, mais aussi petits agriculteurs non auto-suffisants et éleveurs) pourraient encore augmenter dans les mois qui viennent. Les pays les plus vulnérables se situeraient au Sahel, dans la corne de l’Afrique, ainsi qu’en Asie centrale.
Dans ce contexte, la priorité donnée par la présidence française du G20 à la lutte contre la volatilité des prix est plus que jamais pertinente, mais constitue également un test de crédibilité et d’efficacité pour l’action du G20. Car jusqu’à présent, les réactions de la communauté internationale à la crise de 2008 n’ont pas donné lieu à des mesures structurelles de relance de l’agriculture ou de régulation des marchés. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le principal facteur de la « pause » dans la crise alimentaire de 2008 réside… dans le hasard des cieux, c’est-à-dire la succession exceptionnelle de trois excellentes récoltes au niveau mondial, principalement due à des conditions climatiques favorables.
Les envolées des prix du blé, suite aux incendies en Russie en août 2010, ou aux inondations en Australie en janvier dernier, révèlent à nouveau la scandaleuse réalité : des marchés agricoles livrés aux humeurs des spéculateurs, des stocks de régulation ou d’urgence quasi disparus, des règles commerciales qui ruinent des filières locales par la « libre-concurrence » avec des produits étrangers plus compétitifs ; enfin des pays en développement dépendant des marchés mondiaux à cause d’un sous-investissement dans leur appareil de production agricole.
Pourtant, cette menace d’une prochaine crise alimentaire pourrait paradoxalement faciliter les travaux engagés, et convaincre les pays ou organisations souvent rétifs à toute intervention ou régulation. Les prétentions des pays du G20 à constituer un lieu efficace de gouvernance économique vont être testées à leur capacité à apporter, au-delà de l’urgence, des mesures structurelles de long terme. Les populations les plus vulnérables devront-elles, comme au Moyen-âge, ne voir leur assiette se remplir qu’au gré de la météo ? Ou les pays riches du G20 auront-ils la volonté de venir à bout de la faim, ce qui est techniquement à portée de main ?
Ambroize Mazal,
Chargé de plaidoyer Souveraineté alimentaire au CCFD-Terre Solidaire
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