Le Népal, huit mois après

Publié le 07.01.2016| Mis à jour le 08.12.2021

En avril et mai 2015, Le Népal connait deux secousses sismiques. Des milliers de morts, des millions de sans-abris et huit mois après, la situation est loin de s’améliorer.


« La réalité, aujourd’hui, c’est que les gens vivent encore sous des toiles plastiques alors que l’hiver est là et qu’ils n’ont rien pour se chauffer ni à manger », déplore Balram Bansokta, le secrétaire général adjoint de la Fédération des paysans népalais, une organisation membre de La Via Campesina, partenaire du CCFD-Terre Solidaire.

Huit mois après les deux tremblement de terre qui, les 25 avril et le 12 mai 2015, ont ravagé [[Selon les chiffres du gouvernement népalais, ces tremblements de terre ont fait 8 979 morts, 22 326 blessés. Deux millions de personnes se sont retrouvées sans abri]] une bonne partie du pays, la situation reste en effet plus que préoccupante dans les régions concernées – quatorze districts sur les soixante-quinze que compte le Népal – où, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, près de 60 000 personnes sont toujours dans des camps d’accueil pendant que « 400 000 autres vivant en altitude ont besoin d’un abri et d’équipements ».

« Nous avons envoyés nos volontaires sur place, pour aider au déblayage, distribuer des semences, apporter une aide médicale et nous nous sommes engagés, avec l’appui du CCFD-Terre Solidaire, dans la construction d’abris temporaires. Nous avons aussi organisé des espaces où les gens peuvent venir nous trouver », continue Balram. « Mais il y a beaucoup à faire et la population est encore traumatisée. De nombreuses familles ont été disloquées, des personnes se retrouvent seules et ne savent plus quoi faire. »

Une détresse dont profitent hélas quelques individus mal intentionnés. « Certains débarquent dans les villages et appâtent les jeunes femmes isolées qui n’ont plus rien ni personne en leur promettant monts et merveilles à l’étranger. À Bombay, en Inde, dans les pays du Golfe, en Malaisie. En général, celles qui partent se retrouvent dans le milieu de la prostitution ».

D’autant plus énormes qu’à cette catastrophe naturelle de grande ampleur s’ajoute une crise politique avec son voisin indien.

La raison : le vote, le 16 septembre dernier, d’une nouvelle Constitution pour le Népal. Un texte « approuvé par 90 % des membres de l’Assemblée constituante, qui fait de notre pays une république fédérale et laïque », rappelle le leader paysan.

C’est ce dernier point qui a, semble-t-il, irrité le « Grand Frère » indien. « Modi [[Narendra Modi, Premier ministre de l’Inde depuis le 26 mai 2014, défend une politique nationaliste centrée autour des valeurs de l’hindouisme]], qui est un fondamentaliste hindou, a fait venir à Delhi les hommes politiques népalais pour leur demander de faire du Népal un “État hindou”, mais nos représentants en ont décidé autrement et cela ne lui a pas plu. » Le 23 septembre, trois jours après l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution népalaise, la frontière entre les deux pays se retrouvait de facto fermée en raison de troubles avec des ethnies locales apparentées aux populations indiennes voisines.

Une catastrophe pour le Népal, pays enclavé ne disposant d’aucun accès à la mer et largement dépendant de ses importations en provenance du sous-continent pour sa survie. « La nourriture, le pétrole, le gaz, les médicaments, tout ce dont nous avons besoin reste désormais bloqué à la frontière », se désole Baltram.

Résultat : c’est aujourd’hui tout le pays qui court à la catastrophe. Services de transports réduits au strict minimum, entreprises tournant au ralenti ou fermées, coupures d’électricité fréquentes… Privé des commodités de base nécessaire à son bon fonctionnement, l’économie népalaise, ou tout au moins ce qui en restait, est à son tour mise à terre, ajoutant des dizaines de milliers de nouvelles familles aux victimes des séismes toujours en détresse. La banque centrale népalaise évalue ainsi à « huit cent mille le nombre de personnes qui pourraient passer sous le seuil de pauvreté en raison du manque de pétrole » pendant que les chambres de commerce locales enregistrent quelque « deux cent vingt mille pertes d’emploi ». Et que l’Unicef annonce que la santé de « trois millions d’enfants » est en danger faute de vaccins et de médicaments.

Autant dire que les visites que doit prochainement faire le nouveau Premier ministre népalais, Khadga Prasad Oli, en Inde et en Chine, qui se dit prêt à assurer l’approvisionnement en pétrole du Népal à condition que le pays s’engage pour un contrat d’une durée de cinquante ans , seront de la plus haute importance. « Notre gouvernement va devoir jouer serré », prévient Baltram Bansokta. « Car si aucune solution n’est trouvée, le Népal risque une véritable crise humanitaire. »

Patrick Chesnet

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