Le pétrole en RDC : un enjeu d’avenir
Muanda : Son soleil, ses paysages de savanes à perte de vue, ses plages paradisiaques, ses populations accueillantes…
Et ses puits de pétrole omniprésents, parfois presque devant les cases des habitants, la silhouette des plateformes à l’horizon, ses torchères qui rejettent dans l’air un poison invisible, ses pipelines dans les champs et devant les habitations, qui fuient à l’occasion en répandant le brut dans les rivières, sur les plants de manioc. Les fuites au large de la côte qui tuent les poissons et que seuls les petits pêcheurs dénoncent sans être entendus. Ici, les habitants voient passer tous les jours les 4×4 blancs de l’opulente filiale locale de l’entreprise franco-britannico-bahamienne exploitante : la Perenco Rep.
Une vision de contraste : la richesse jaillit du sous-sol mais elle ne bénéficie visiblement qu’à quelques-uns au détriment du plus grand nombre… Car, Muanda, assise sur l’or noir, est potentiellement riche, très riche, mais la misère y est aussi noire que l’huile extraite de ses sous-sols. « Muanda, la cité pétrolière la plus pauvre du monde » disent les habitants. Difficile à vérifier… Mais ce qui est certain c’est que plus de 30 ans d’exploitation pétrolière du bassin sédimentaire côtier congolais n’ont pas apporté le développement pourtant proclamé par les entreprises pétrolières (Chevron d’abord puis la Perenco Rep), les autorités locales et les tenants du « tout pétrole ». C’est au contraire les déversements et fuites constantes de brut dans l’espace de vie des populations (maisons, rivières, champs agricoles…), le brûlage de gaz au moyen des torchères à proximité, le mauvais traitement des déchets toxiques qui ponctuent la vie quotidienne des habitants de Muanda.
Le pétrole en RDC : un enjeu d’avenir
Muanda est-elle en passe de devenir pour les Congolais le symbole des ravages d’une exploitation qui se passe « hors-cadre », dans un pays où l’État est faible, où une élite prévaricatrice spolie les richesses au mépris du bien-commun et des droits élémentaires de son peuple ? Est-ce aussi et surtout la terrible bande annonce de ce qui peut se passer à plus grande échelle, si les compagnies pétrolières se jettent sur les énormes réserves du pays ?
Car si les ressources minières faisaient jusqu’ici de l’ombre au pétrole (dont l’exploitation se cantonne jusqu’à présent à Muanda), ce dernier fait aujourd’hui l’objet de toutes les convoitises. A l’ouest, au centre et à l’est du pays, des concessions sont dessinées, des compagnies explorent en vue d’exploiter et ce, alors que le cadre juridique et les règles d’encadrement sont lacunaires.
Éprouvés par des années de conflits et d’une violence qui se nourrit de l’exploitation des ressources naturelles, les Congolais développent une phobie de l’exploitation minière et pétrolière. L’est du pays a connu une violence extrême liée à l’exploitation des ressources minières, avec massacres, viols, et travail esclave. Mais dans tout le pays, l’exploitation des ressources, y compris du pétrole, est associée aux violations des droits de l’Homme, à l’opacité financière, à la corruption et finalement au maintien du pays dans le sous-développement.
A l’heure où la République démocratique du Congo découvre son potentiel pétrolier, attirant de plus en plus d’investisseurs étrangers, Muanda est une illustration tragique d’un droit archaïque incapable de protéger les populations du Sud face aux multinationales qui, multipliant les implantations dans des territoires opaques, se jouent des frontières et jouissent d’une impunité illimitée.
Un plaidoyer Nord-Sud
Pour faire entendre la voix des congolais, la CERN (Commission épiscopale ad-hoc pour les ressources naturelles, partenaire du CCFD-Terre Solidaire) et ADEV (Action pour les Droits, l’Environnement et la Vie), prennent courageusement la parole pour dénoncer le scandale et pousser l’État congolais, la communauté internationale et les multinationales qui tirent profit de ces ressources à agir pour changer les choses. Ils assistent les communautés au niveau local et mènent un plaidoyer national pour plus de transparence dans la gestion des ressources naturelles afin qu’elles soient réellement mises au service des populations congolaises.
Avec elle, d’autres organisations de la société civile congolaise (associations de défense des droits de l’homme, de défense de l’environnement, de développement), plaident aujourd’hui en particulier pour l’établissement et l’application d’une loi-cadre sur les hydrocarbures, et pour la transparence du secteur au niveau fiscal afin que les revenus de la manne pétrolière cessent d’échapper à la RDC. Ces organisations appellent à une vraie réflexion sur le modèle de développement afin que celui-ci ne repose plus uniquement sur l’exploitation effrénée de ressources naturelles non renouvelables mais sur une approche durable et équilibrée du développement.
Le cas de l’exploitation pétrolière à Muanda ne doit pas interroger uniquement le Congo, il doit aussi nous interpeller ici en France. Car la Perenco Rep appartient à un groupe indépendant franco-britannique, Perenco, implanté à Paris, Londres et aux Bahamas, qui est devenu en quelques années un acteur majeur du secteur dans le monde. De ce fait, le cas de Muanda et de la Perenco Rep, illustre la nécessité de mettre en place une responsabilité « société mère/filiales » et de voir s’exercer la responsabilité de l’État d’origine de la société mère (dans ce cas, la France, mais aussi le Royaume Uni, où Perenco a son siège technique).
En France, le CCFD-Terre Solidaire mène un plaidoyer auprès des décideurs politiques et économiques afin de renforcer le cadre juridique encadrant l’activité des multinationales françaises. Dans ce cadre, il coordonne le Forum citoyen pour la RSE et est membre de la Plateforme d’action globale pour la RSE mise en place en juillet 2013 par le gouvernement. Cette étude du cas Perenco en RDC vise à illustrer la nécessité de faire évoluer le droit en France.
Etats, entreprise : à chacun sa responsabilité
Ce rapport montre comment des décennies d’exploitation pétrolière à Muanda, loin d’apporter des bénéfices aux populations de la région en améliorant leurs conditions de vie, ont conduit à des pollutions et dommages environnementaux au point que les droits des populations ont été bafoués : leur droit à l’alimentation, de même que leur accès à l’eau et aux ressources, leur droit à jouir d’un environnement sain et salubre, leur droit à un partage équitable des richesses via les ressources fiscales, ainsi que les droits des travailleurs…
Une illustration, parmi tant d’autres, hélas, des conséquences de l’obsolescence du droit national et international pour encadrer les activités des entreprises multinationales.
La conjonction d’un Etat faible en RDC, de l’absence de responsabilité juridique de l’entreprise multinationale à l’égard de ses impacts et du fait qu’aujourd’hui les Etats d’origine de cette multinationale ne mettent rien en place pour assumer eux aussi leurs responsabilités : tout cela rend impossible l’accès, pour les communautés affectées, à la justice ou à des compensations adéquates.
La situation à Muanda est complexe. Si la responsabilité de Perenco et du gouvernement ne sont plus à démontrer, d’autres acteurs sont impliqués dans la destruction de l’environnement. Les communautés elles-mêmes peuvent être à l’origine d’actes de vandalisme ou d’accidents, par exemple en coupant le bois du parc des mangroves. La présence de jeunes militaires que l’armée abandonne à leur sort sans nourriture à disposition, ne peut qu’empirer la situation d’insécurité qui caractérise la zone. Enfin, la localisation géographique de Muanda, entre l’enclave de Kabinda et l’Angola fait de la zone le récipiendaire de plusieurs pollutions.
Si tous ces éléments doivent être pris en compte pour comprendre la situation, ils ne devraient pas être utilisés par la compagnie ni par les Etats concernés, afin de diluer leurs propres responsabilités.
avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE
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