L’entreprise dans la mondialisation : que dit l’Eglise ?

Publié le 01.04.2015

« Est entreprise toute activité qui a pour but de produire des biens et des services destinés à être vendus sur des marchés en vue de générer des profits ». L’entreprise n’aurait, selon cette définition de l’Insee, qu’un seul objectif : générer des profits. Les chrétiens ne sauraient s’en satisfaire (*).
L’Église ne condamne pas en soi le profit, pertinent « comme indicateur du bon fonctionnement de l’entreprise » (Centesimus annus, CA 35). Mais elle juge dangereuse la quête du « plus grand profit » à tout prix. Elle voit de façon très positive l’acte d’entreprendre, expression de « la liberté de la personne dans le domaine économique », tout en rappelant qu’il revient à l’homme de « faire un usage responsable » de cette liberté (CA 32). Dans l’enseignement social catholique, l’entreprise est une « société de personnes » plus qu’une « société de capital » (CA 43), avant tout « au service des personnes » et du bien commun. Comment est-elle appelée à y contribuer ?


Par son activité, si les biens et services produits correspondent à une activité socialement utile.
Par l’emploi créé, si les conditions de travail sont « décentes ». Pour Jean-Paul II, « Les chefs d’entreprise doivent (…) fonder leur démarche (…) sur le respect des personnes et leur besoin inaliénable d’avoir un travail et de vivre des fruits de leur activité professionnelle ».
Par la place réservée à l’homme, « l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale » (Gaudium et spes, GS 63). L’employé n’est pas une simple force de travail évaluée à l’aune de la performance, mais d’abord une personne appelée à développer sa créativité, ses compétences, ses relations.
Par une « répartition juste et responsable du travail » et des richesses. « Un écart trop important entre les salaires est injuste, il déprécie un certain nombre d’emplois indispensables et il creuse des disparités sociales dommageables pour tous . »
Par sa gouvernance, démocratique ou non : l’entreprise étant formée « [d’]êtres libres et autonomes, créés à l’image de Dieu (…), il faut promouvoir, selon des modalités à déterminer au mieux, la participation active de tous à la gestion des entreprises » (GS 68).
Par sa contribution au financement de l’État, auquel il revient « de veiller à la préservation du bien commun » (Evangelii Gaudium, EG 56) et par le respect des lois qui régulent la société, protègent les personnes et l’environnement.
Par les responsabilités,
enfin, qu’elle « doit assumer vis-à-vis de toutes les parties prenantes qui contribuent à la vie de l’entreprise : les travailleurs, les clients, les fournisseurs des divers éléments de la production, les communautés humaines qui en dépendent » (Caritas in veritate, CV 40).

Sans nier les apports de la mondialisation, l’Église met en garde contre certains risques quand les entreprises se déploient à l’international. Elle craint « que l’entreprise soit presque exclusivement soumise à celui qui investit en elle » au détriment de « toutes les parties prenantes qui contribuent à la vie de l’entreprise » (CV 40). « La fameuse délocalisation peut atténuer chez l’entrepreneur le sens de ses responsabilités vis-à-vis des parties prenantes, au profit des actionnaires qui ne sont pas liés à un lieu spécifique. » Or « il n’est pas licite de délocaliser uniquement pour jouir de faveurs particulières ou, pire, pour exploiter la société locale sans lui apporter une véritable contribution » (CV 40). Investir « un certain capital à l’étranger [peut] être bénéfique », mais « en tenant compte de la façon dont ce capital a été constitué et des préjudices causés aux personnes là où ce capital a été produit. ». « Investir revêt toujours une signification morale » (CV 40).

Quant au rôle de garant du bien commun dévolu à l’État, il se voit malmené, tant par l’influence exercée directement – de façon licite ou non – par des multinationales, que par le fonctionnement même de l’économie mondiale. Pour Benoît XVI, « Le marché a encouragé des formes nouvelles de compétition entre les États dans le but d’attirer les centres de production des entreprises étrangères, à travers (…) une fiscalité avantageuse et la dérégulation du monde du travail. Ces processus ont entraîné l’affaiblissement des réseaux de protection sociale, faisant peser de graves menaces sur les droits fondamentaux de l’homme et sur la solidarité » (CV 25). François dénonce ces « idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés et la spéculation financière » : « Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d’accroître les bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense » (EG 56).

Questions pour un partage :
• Dans les entreprises que je connais, l’être humain est-il au cœur du projet ?
• De quoi parle le pape François quand il épingle « ces idéologies qui défendent l’autonomie absolue des marchés » ?

(*) Cf. Cécile Renouard, « L’entreprise capitaliste », sur www.discours-social-catholique.fr

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