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Fiche 1 Les enjeux de l’accompagnement de jeunes dans le cadre d’un voyage solidaire

Publié le 22.10.2013| Mis à jour le 14.01.2022

L’accompagnement est au cœur de toute démarche d’éducation populaire. Étymologiquement, le compagnon est celui qui partage la même ration de pain. Accompagner, c’est cheminer avec. Il ne s’agit donc pas d’apporter un savoir, de guider, mais d’« aider une personne à cheminer, à se construire, à atteindre ses buts »[[Martine BEAUVAIS, Vers une éthique de l’accompagnement, www.inrp.fr/biennale/7biennale/Contrib/longue/7088.pdf]]. En solo ou en groupe, par l’intermédiaire d’une institution, d’une association ou en « autonome », majeur ou pas encore ; les cas sont nombreux et divers, ce qui rend toute « recette » unique d’accompagnement impossible. Avant d’aborder quelques repères, précisons les enjeux.

1. Au cœur du projet, le jeune et son devenir

Pour le CCFD-Terre Solidaire, ces projets revêtent surtout une dimension d’éducation au développement. En résumé, par une rencontre concrète de certaines réalités, s’opère une prise de conscience sur les inégalités Nord-Sud et les injustices qui peut occasionner des changements d’attitudes, tant sur place qu’au retour en France. De la théorie à la pratique… C’est déjà pour favoriser ce cheminement que ce guide vous est proposé. Mais au-delà, c’est bien du développement, de l’épanouissement de chacun de ces jeunes dont il s’agit.
Affirmer que « les voyages forment la jeunesse » c’est aller un peu vite. Si « L’auberge espagnole »[[L’auberge espagnole, Cédric KLAPISCH, 2002]] ou « Carnet de voyage »[[Carnet de voyage, Walter SALLES, 2004.]] illustrent des expériences transformatrices, tant de voyages « scolaires » ou de séjours « touristiques » sont là pour nous prouver que cela peut ne rien changer. Si le déplacement n’est que kilométrique ou avec une unique finalité d’apport technique (« nous partons pour creuser un puits »), sans réelle envie de rencontre de l’autre, en particulier dans son altérité, peu de déplacements « intérieurs » sont à espérer.
Écoutons maintenant Nicolas Bouvier : « On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait »[[Nicolas BOUVIER, L’usage du monde, Petite Bibliothèque Payot, 2001, p. 12.]]. Nous sommes ici dans une posture de rencontre, d’ouverture. Elles peuvent m’enthousiasmer, favoriser un décentrage constructif par rapport à mes références, mes habitudes, mes croyances, mes savoirs. Elles peuvent aussi m’effrayer, m’amener à me recroqueviller sur moi-même, réveiller des « vieux démons » enfouis dans mon histoire.
On parle souvent de « voyage initiatique », voire de « rite personnel de passage »[[Amina YALA, Volontaires en ONG : l’aventure ambiguë. Paris, Éditions Charles
Léopold Mayer, 2005, p. 190.]]. Cette confrontation à une autre réalité peut nous fait revenir différent, portant un regard et des attitudes modifiés sur notre monde, notre environnement quotidien. Évoquons aussi l’idée d’« expérience sociale »[[François DUBET, Sociologie de l’expérience, Paris, Seuil, 1994.]]. En quelques mots, chacun de nous, est être de relations sociales et développe une réflexion éthique personnelle et des stratégies plus ou moins conscientes pour favoriser son insertion et sa « réussite ». Ces projets nous permettent d’amplifier, parfois fortement en un si court laps de temps, ces trois dimensions. Portant un regard plus personnel, construit autour d’un vécu, sur le monde et soi-même, nous pouvons être plus « acteur » dans la société.
On le voit, les impacts sur chacun des voyageurs peuvent être considérables, d’autant plus que vous vous adressez le plus souvent à des jeunes en pleine construction. Comment alors concevoir la posture d’accompagnant ?
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2. Avant tout, le dialogue

Dans le cas de ces projets de « voyages solidaires », il s’agit avant tout d’aider le jeune à faire des choix qui peuvent orienter sa vie. « Aider l’autre à se construire, implique, a minima, de l’aider à conscientiser ce qu’il fait et ce qu’il projette, et à s’en distancier » [[ibid note 1]]. ; il ne s’agit en rien d’éloigner le jeune de son projet, mais par la distanciation, lui permettre de se l’approprier par une démarche de verbalisation et de réflexion critique[[Ce travail peut l’amener à remettre en question son projet ou à le modifier,par exemple en ne souhaitant plus « partir » mais en s’engageant dans une structure d’accueil de migrants.]].
Il y a là un risque pour l’accompagnant : en pensant (à tort ou à raison) détenir une expertise sur un sujet (par exemple les enjeux de la solidarité internationale ou le concept de partenariat), non pas accompagner mais simplement dispenser un savoir qui ne tient pas compte de la réalité, du contexte du jeune. L’accompagnement implique de partir d’où il en est et de cheminer en respectant des étapes intermédiaires, dans une relation caractérisée par le dialogue [[« La définition du verbe accompagner confirme cette organisation du sens, se joindre à quelqu’un (dimension relationnelle) pour aller où il va (dimension temporelle et opérationnelle), en même temps que lui : à son rythme, à sa mesure, à sa portée. Tel est le principe de base : l’action se règle à partir de l’autre, de ce qu’il est, de là où il en est. », Maela PAUL, Autour du mot accompagnement, Recherche et formation n° 62, 2009, http://ife.ens-lyon.fr/ publications/edition-electronique/recherche-et-formation/RR062-8.pdf .]].
Ainsi, par exemple, des motivations exprimées peuvent sembler inadéquates, des représentations de populations locales empreintes de préjugés. Il ne s’agit pas de faire « rêver » le jeune, mais de chercher à savoir où il en est sur le sujet abordé pour imaginer l’étape à franchir ensemble. Surgit une difficulté supplémentaire dont il faudra tenir compte en présence d’un groupe : chacun de ses membres n’en est pas nécessairement à la même étape !
L’accompagnement est un partage dans lequel le jeune exprime à la fois ses questionnements, ses doutes, ses convictions. L’accompagnant, dans ce dialogue, est là pour à la fois permettre au jeune d’exprimer sa liberté, son autonomie, tout en favorisant une dynamique réflexive en apportant ses propres doutes, questionnements, connaissances et convictions, mais aussi en permettant au jeune d’avoir accès à d’autres sources d’informations : témoignages, rencontres, lectures, documentaires ou films…
Il doit à la fois tenir compte de la durée du projet et la prise en compte de chacun-e dans un contexte souvent de départ en groupe.


3. Accompagner dans la durée

Le « projet » ne peut évidemment se limiter à l’action (dans son sens matériel, « concret ») envisagée sur place (construire une école, monter une pièce de théâtre…). Il ne peut non plus se réduire au séjour en lui-même. Le « projet » a avant tout pour finalité le développement de chaque jeune, avec pour « support » une ou des activités en lien avec « le Sud », répondant à un certain nombre de critères éthiques définis par les différents partenaires concernés, démarche que ce guide peut vous aider à mener.
Pour ce qui est de la durée du projet, il est commun d’affirmer que ces « voyages solidaires » se préparent pendant un an et se poursuivent plusieurs mois après le retour. Donc, nous voilà parti pour environ 18 mois a minima !

QUELQUES ÉTAPES ESSENTIELLES EN TERMES D’ACCOMPAGNEMENT

1. En premier lieu viendra l’expression des motivations des principaux acteurs concernés. Si la verbalisation des attentes des jeunes est indispensable, ne pas oublier d’aborder explicitement celles des autres acteurs essentiels : partenaires « sur place », institution ou association dont feraient partie les jeunes, parents, financeurs… Croiser ces différents regards, c’est aussi entrer de manière concrète dans la pluralité, la complexité et ainsi nourrir le débat et approfondir et mûrir ses propres opinions.

2. Puis, définir un projet commun, parfois à partir d’attentes à la fois diverses et parfois contradictoires. Un conseil : entre ces deux étapes, prévoir des temps d’échanges et de partage entre membres du groupe, sur tous autres sujets, afin de développer la confiance réciproque et donc faciliter l’expression individuelle lors des débats sur le projet commun.

3. Impliquer, responsabiliser en veillant à une répartition des tâches et des rôles. Bien entendu, on tiendra compte des compétences de chacun afin de ne pas mettre la barre trop haut tout en permettant aux uns et aux autres de prendre une place à part entière. Un exemple auquel on ne pense pas souvent : maintenir une veille d’information sur l’actualité du pays d’accueil grâce à Internet et la diffuser aux autres membres du groupe.

4. Faire le point : en tant qu’accompagnant, faire un point régulier avec chacun puis collectivement sur l’avancement du projet de manière plus globale.

5. Si vous allez sur place avec le groupe, parvenir à rester attentif à chacun (réactions, replis, enthousiasmes, peurs…) malgré les contraintes logistiques, les imprévus en tout genre et ses propres ressentis face à tout ce qui se passe tant dans le groupe que dans l’immersion, dans un autre contexte : bonne chance !

6. Enfin, on n’oubliera pas l’étape du retour de séjour. L’expérience vécue « là-bas » est la plupart du temps extrêmement forte en émotions (en particulier à travers les relations nouées mais aussi les valeurs interpellées) et prises de conscience (« pauvreté », relations Nord-Sud, ses propres limites…). L’accompagnement, avec cette éthique du partage et de l’écoute, est alors primordial pour permettre la verbalisation du vécu et des ressentis afin de favoriser d’une part la prise de conscience de ce qui a été vécu et la mise en lien avec le parcours (passé et à venir) du jeune.

Enfin, de manière plus transversale, trois points d’attention :

  • Veiller à l’expression et à la prise en compte de chacun-e dans les temps
    collectifs.
  • En fonction des groupes, des jeunes, le maintien de la motivation dans la durée peut être une difficulté. Pour cela, être attentif à chacun-e : il peut y avoir démotivation par manque d’intérêt, par sensation de rejet par le groupe, par peur, par crainte, non exprimées ou prises en compte, etc.
  • Multiplier des modalités pédagogiques, les activités : faire le point sur l’avancement du projet, visionner ensemble un fi lm, prévoir une sortie commune, aller manger ensemble dans un restaurant proposant de la cuisine du pays d’accueil, en rencontrer des ressortissants, participer à la Semaine de la solidarité internationale, échanger avec un autre groupe engagé dans une démarche similaire…

L’accompagnement nécessite donc à la fois écoute et propositions pour élargir les horizons de la pensée de chacun. Le travail en réseau et l’échange entre adultes intervenant dans ces projets sont à privilégier. Mais le jeu en vaut la chandelle ; ces expériences sont « transformatrices d’identité, vers de nouvelles solidarités »[[Marc BULTEAU, Va, vis et deviens : en 2006, des jeunes adultes de Savoie
voyagent à l’étranger ; expérience sociale transformatrice d’identité, vers de
nouvelles solidarités. Téléchargeable gratuitement sur www.iteco.be/Vas-viset-deviens. Une « synthèse » par l’article « Voyages : de l’autre à soi, d’un soi transformé à une relation renouvelée à l’autre », disponible sur www.deroutes.com/AV5/bulteau5.htm]].

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