Les intérêts privés font-ils le bien de tous ?

Publié le 01.04.2015

Il revient à l’État de garantir le bien commun, rappelle l’Église avec fermeté. Pourtant, l’objectif de « compétitivité » semble tenir lieu de politique à de nombreux dirigeants, au Nord comme au Sud. Mais jusqu’où ? Même l’aide au développement, censée répondre aux besoins des plus pauvres, est ouvertement conçue comme un outil de « diplomatie économique ». Comme s’il était acquis que les donneurs d’ordre étaient désormais les multinationales et que les États et leurs populations n’avaient plus pour seul projet que de les séduire. Fiscalité, droit du travail, protection sociale, écologie… Tout devient objet de marchandages.


Des défis nouveaux

L’émergence d’acteurs économiques transnationaux n’est pas nouvelle, mais leur poids est inédit. Par leur structuration, elles posent de redoutables questions économiques et juridiques. « Plus les chaînes s’allongent, plus elles échappent aux règles et aux contrôles habituels », notait l’historien Fernand Braudel [[ Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Arthaud, 1985, p. 53-59]]. . Or jamais les chaînes de valeur, entre un petit actionnaire et les sous-traitants d’une filiale à l’autre bout du monde, n’ont été si distendues. Le cardinal Bergoglio, futur pape, insistait sur la « dette sociale » contractée par l’investisseur envers la population du territoire où la richesse a été créée : « Celui qui place à l’étranger l’argent produit par une industrie de notre pays commet un péché » [[Jorge Bergoglio et Abraham Skorka, Sur la terre comme au ciel, Paris, Robert Laffont, 2013, p. 165. .]] Vers qui se retourner, quand les capitaux circulent librement, pour que cette dette soit honorée ?
En devenant plus puissantes que bien des États, les entreprises multinationales soulèvent aussi de lourdes questions politiques. Nos démocraties sont établies sur un double principe d’égalité (une personne, une voix) et de liberté (choix des dirigeants et des politiques). Or le pouvoir, financier, médiatique et d’employeur, confère aux grands groupes une voix qui compte plus. Certains territoires (les paradis fiscaux) allant jusqu’à leur confier le soin d’écrire des lois sur mesure. On est loin de l’objectif de peuples « artisans de leur destin » (Populorum progressio, PP 65).

Des modèles en question

Par leur ampleur, les investissements étrangers modèlent ainsi le paysage social, économique, politique et culturel des pays ciblés. Les attirer n’est pourtant pas la seule voie de développement possible. Ainsi, dans le domaine agricole, la ruée des investisseurs vers l’achat de terres (24 millions d’hectares en Côte d’Ivoire, 3 millions en Éthiopie…) véhicule « une vision de l’agriculture caractérisée par une industrialisation croissante qui [reproduit] le modèle dominant des pays riches [[Olivier De Schutter, ancien rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation.]] ». Pourtant, l’agriculture productiviste et la « révolution verte » prônées depuis plusieurs décennies montrent leurs limites (moindres besoins de main-d’œuvre, dégradation de la fertilité des sols, érosion de la biodiversité…). D’autres méthodes, comme l’agroécologie, répondent mieux aux besoins des populations locales et aux impératifs environnementaux. Valorisant le potentiel des écosystèmes à partir de connaissances et de savoir-faire locaux, elles s’inscrivent dans la vie économique et sociale du territoire (circuits courts, marchés locaux), géré comme un bien commun.
L’emprise de la finance sur nos modèles de développement n’est pas non plus une fatalité. Tout un secteur a laissé croire qu’il continuait de servir l’économie réelle, alors qu’il se servait lui-même. « Le développement économique s’avère factice et nuisible, s’il s’en remet aux “prodiges” de la finance pour soutenir une croissance artificielle » (CV 68). Résultat : les transactions financières représentent plus de dix fois les échanges de biens et services ; celles sur les marchés de matières premières sont déconnectées des besoins physiques ; des robots deviennent l’instrument dominant de création des ordres en bourse ; les banques ont atteint une taille telle qu’elles savent pouvoir compter sur le soutien des autorités publiques en cas de prise de risque excessive. Pour les remettre au service des citoyens, il est urgent de diminuer la taille et l’interconnexion des banques, de séparer leurs activités commerciales et de marché, de réguler drastiquement les marchés.

Questions pour un partage :
• Comme consommateur ou comme épargnant, puis-je avoir une influence sur le type d’économie pratiquée ?
• Comme salarié, comme citoyen, de quels leviers je dispose, concrètement, pour remettre l’Homme au cœur de l’économie ?

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