Les multinationales font des profits mais n’assument pas toutes leurs responsabilités

Publié le 27.01.2012

Les entreprises sont des acteurs incontournables du développement des territoires et des sociétés, c’est notamment le cas pour les PME-PMI. Créatrices d’emploi et génératrices de revenus fiscaux, ces dernières sont strictement encadrées et responsables juridiquement en cas de préjudices liés à leurs activités. Il n’en va pas toujours de même pour les multinationales dont certaines pratiques, en France et à l’étranger, peuvent avoir des incidences négatives. En effet, ces acteurs majeurs de la mondialisation semblent parfois s’affranchir d’un certain nombre de règles. Les populations des pays du Sud sont les premières concernées. Aujourd’hui, si la filiale d’une entreprise multinationale européenne, installée en dehors des frontières européennes, commet des violations des droits de l’homme ou provoque des dommages environnementaux irréversibles, la responsabilité de l’entreprise mère n’est pas engagée. Les multinationales, qui agissent dans plusieurs juridictions et multiplient filiales et sous-traitants, profitent d’un cadre juridique extrêmement flou. Aux yeux du droit, chaque entité composant le groupe est considérée comme autonome et n’ayant pas de lien juridique avec la maison-mère. Résultat : si un groupe multinational est économiquement cohérent (le profit de chaque filiale remonte à la maison-mère) les violations demeurent dans les pays d’implantation, où le groupe jouit souvent d’une impunité presque totale. Une impunité qui biaise le jeu commercial et nuit à la compétitivité des PME-PMI.


Ces multinationales n’ont pour le moment pas l’obligation de rendre des comptes aux autorités publiques de leur maison-mère pour les activités à l’étranger pouvant causer préjudice aux personnes ou à l’environnement. En raison de ce cloisonnage juridique entre les entités composant un groupe, les victimes de préjudices engendrés par une filiale dans un pays non européen ne peuvent pas saisir une cour française ou européenne. Cette impunité de sociétés pesant souvent plus lourd économiquement que les Etats dans lesquels elles opèrent est inacceptable.

CHIFFRES CLES

  • En 30 ans, le nombre de multinationales a été multiplié par 10. On compte aujourd’hui 70 000 multinationales qui possèdent 690 000 filiale[[Source : la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), chiffres 2010]] basées à l’étranger.
  • Selon le Ministère des Finances , en 2002, les entreprises françaises comptaient 2 637 filiales en Afrique.
  • Face aux États, le poids financier des multinationales est démesuré : le chiffre d’affaires cumulé des 50 premiers groupes européens représente en 2010 22 % du PIB de l’UE (3 500 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2009, 138 milliards de profit en 2009).[[Rapport Économie Déboussolée, CCFD-Terre Solidaire, Décembre 2010 ]]
  • En 2008 le chiffre d’affaires du groupe européen de distribution Metro s’élevait à 96 milliards de dollars, plus que le PIB du Maroc[[Le Journal du Net, Économie Magazine]]. En 2010, le groupe français Total a réalisé un chiffre d’affaires de 159,3 milliards d’euros, pour un résultat net de plus de 10 milliards d’euros. En comparaison, les recettes budgétaires de la République Démocratique du Congo sont de près de 4 milliards de dollars.

DES IMPACTS AU SUD 

«Ils utilisent l’eau des zones humides pour refroidir leur infrastructure. Et les rejets contiennent des matières dangereuses. Cette eau est rejetée, polluée, dans cet écosystème. […] Un autre impact de l’exploitation est la pollution de l’air […] Les gens ne peuvent plus respirer correctement, ils souffrent de maux de tête et de nausées, surtout près de la communauté […] où est située la raffinerie.»[[http://collectif-guatemala.chez-alice.fr/campagnes/rapport_perenco.pdf]]

Dirigeante d’une organisation de défense de l’environnement à propos des activités de la multinationale pétrolière française Perenco au Guatemala.

CONSTAT

Depuis 50 ans, la communauté internationale n’a pas cessé de légiférer pour faciliter et développer les échanges commerciaux mondiaux. En revanche, les mesures législatives visant à protéger les droits humains et l’environnement des impacts négatifs de la mondialisation économique restent quasi-inexistantes. Ce n’est qu’en juin 2011, que le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies adopte enfin « les Principes directeurs sur les droits de l’homme et les entreprises transnationales ». Ce texte instaure l’obligation pour les Etats de protéger les citoyens des éventuels abus des entreprises transnationales à l’égard des droits de l’homme. Il exige aussi des entreprises qu’elles veillent au respect de ces droits par la mise en place du principe de diligence raisonnable. Les Etats ont donc le devoir de conformer leur réglementation nationale à ce nouveau cadre proposé par les Nations unies. Instaurer la responsabilité juridique entre la maison-mère et ses filiales constitue donc une première étape incontournable pour que l’Etat remplisse son devoir de protection, et que les multinationales agissent de manière responsable.

La demande phare du CCFD-Terre Solidaire

Lever la séparation juridique entre la maison-mère et ses filiales en cas d’abus vis-à-vis des droits humains et de l’environnement. Cette mesure doit permettre que des sociétés entretenant des liens étroits au sein d’un même groupement, d’une même entreprise, ne restent pas des personnes juridiques distinctes.

Comment ? Pour ce faire, il faut instaurer un régime de responsabilité du fait d’autrui propre aux personnes morales contrôlantes ou dominantes. Par cette mesure, la France facilitera l’accès à la justice des victimes de multinationales françaises dans des pays non européens.

Nos autres demandes

  • Renforcer l’obligation de transparence des entreprises en matière d’impacts sociaux, environnementaux et de droits de l’Homme.
  • Obliger les entreprises bénéficiaires de subventions publiques à entreprendre des études d’impact sur l’environnement et les droits de l’homme en amont du financement de projet, notamment dans le cadre de projets financés par la COFACE (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur) et la branche financière de l’Agence Française de Développement, PROPARCO. Ainsi les fonds publics ne pourront être à l’origine de violations des droits de l’homme, des droits des travailleurs et de l’environnement.
  • Lever les obstacles procéduraux à l’accès à la justice pour les victimes de l’activité d’entreprises multinationales françaises hors d’Europe en inversant la charge de la preuve, et en introduisant dans le droit national la possibilité pour un ou plusieurs demandeurs d’intenter une action en justice au bénéfice d’un groupe de personnes (action de classe).

avec le CCFD - TERRE SOLIDAIRE

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