Les populations afro-colombiennes de la région du Choco victimes d’une véritable guerre civile qui ensanglante le pays

Publié le 01.02.2009| Mis à jour le 08.12.2021

Cette région est située dans le Chocò, département au nord-ouest de la Colombie dans la zone dite du Pacifique qui est recouverte à 80 % par la forêt vierge. Le Chocò est le deuxième endroit au monde pour la richesse de sa biodiversité au mètre carré.


Malgré cette richesse exceptionnelle, il est isolé du reste du pays et délaissé par le gouvernement. Les communications internes sont très difficiles ; on accède à la zone du Bas Atrato par voie fluviale, après des heures de bateau, ou par une piste praticable à pieds mais située en zone inondable. Le Bas Atrato se trouve au nord du Chocò. Il s’agit d’une zone principalement forestière au climat tropical-chaud, humide et aux fortes précipitations, parmi les plus fortes au monde. Le Bas Atrato est connu pour ses marais, ses grandes étendues d’eau riches en poisson, son fleuve Atrato qui le traverse du nord au sud et irrigue toute la région par son très fort débit et ses très nombreux affluents.

Le conflit armé dans la zone
Dans le Bas Atrato, une violence multiple est exercée par les groupes de guérillas, les groupes paramilitaires, les trafiquants de drogue, les mafias, les bandes de délinquants, etc. Le conflit qui se livre en Colombie est un conflit des groupes armés pour le contrôle des territoires et pour le contrôle social des populations par une politique de la terreur. Dans le Bas Atrato, le contrôle de ces territoires est très souvent incertain car il n’est jamais total ; par conséquent, la situation du conflit dans la région évolue très vite d’une vallée fluviale à l’autre.

Les méga projets et la démobilisation paramilitaire, des occupations illégales des territoires collectifs
Les tensions s’intensifient encore avec les méga projets et le processus de démobilisation des paramilitaires. La problématique du palmier à huile est chaque jour plus préoccupante. En effet, lorsqu’elles reviennent, les communautés déplacées retrouvent fréquemment leurs terres occupées par les paramilitaires qui les utilisent en toute illégalité pour la culture intensive de la palme. Cette monoculture illustre parfaitement les violations constantes des droits humains et a, en outre, des conséquences économiques, sociales, culturelles et environnementales désastreuses sur la biodiversité de la région et l’ethno développement des communautés afro colombiennes, pour qui la relation à la terre est fondamentale.

Les habitants de cette région sont pourtant propriétaires de 980 000 hectares de terres (dont les titres de propriété ont été remis solennellement à Riosucio (le 21 mai 2001 par le Président Andres Pastrana, prédécesseur du Président Uribe) ; l’occupation des territoires collectifs se poursuit néanmoins, malgré son illégalité au regard de la loi 70 de 1993 qui fait de ces territoires la propriété exclusive des communautés noires et métisses. Ces territoires collectifs, gérés par le Conseil Communautaire, sont « inembargables, inaliénables e imprescriptibles » (« insaisissables, inaliénables, et imprescriptibles »).

De plus, dans le cadre de la loi « Justice et Paix », l’impunité est de mise pour nombre de paramilitaires démobilisés et les droits des victimes sont totalement niés. A cela s’ajoute le programme national PASO qui ne fait que légaliser les spoliations effectuées par les paramilitaires. En effet, ce programme octroie aux paramilitaires la majorité des terres qu’ils ont extorquées aux communautés par la violence, ceci dans le cadre de leur réinsertion dans la vie civile.

Présentation d’ASCOBA
En Colombie, les populations afro-colombiennes de la région du Choco sont depuis de longues années victimes d’une véritable guerre civile qui ensanglante le pays. Cette région est la plus pauvre de la Colombie mais dispose d’importantes ressources naturelles attisant les convoitises des acteurs armés. Ces violences au quotidien ont provoqué, depuis 1997, le déplacement de milliers de familles et la mort de centaines de paysans.

Dans ce contexte nait ASCOBA en 2003, historiquement issue de l’expérience des Communautés de Paix et de leurs principes de non violence et de résistance pacifique aux acteurs armés, les FARC, les groupes para militaires et l’armée régulière, vis à vis desquels elle joue un rôle d’interlocution. Cette organisation fédère 58 conseils communautaires et 7 coopératives de production et de crédit, organes représentatifs des communautés afro-colombiennes de la région, soit approximativement 15 000 personnes. La mission d’ASCOBA consiste à défendre la vie et les droits des membres des communautés sur leurs territoires. ASCOBA est organisée autour d’un directoire et de plusieurs comités chargés de la mise en œuvre et du suivi des objectifs de l’association. Parmi ces comités on peut mentionner le comité de jeunes, le comité de genre, le comité territoire et environnement etc.

ASCOBA agit pour soutenir le retour sur leurs territoires des communautés spoliées de leur terres et/ou déplacées par le conflit, forme des responsables au sein des diverses communautés capables d’apporter une assistance psychologique efficace aux victimes, populations menacées, renforce les mécanismes de solidarité  communautaire dans une stratégie de résistance civile pacifique. Elle forme les populations pour sensibiliser les membres des communautés aux manipulations des acteurs armés, crée des espaces de dialogue au sein des communautés afin de mieux analyser les besoins et mettre en œuvre les stratégies d’action qui s’imposent. ASCOBA agit par ailleurs dans la région afin de permettre aux communautés de s’organiser face à la menace que représente les projets (industriels et agro alimentaires, activités extractives) de développement économique régionaux, qui accroissent la menace sur les territoires collectifs des populations afro colombiennes et indigènes.

Le renforcement d’une organisation de base comme ASCOBA est vital pour la défense des droits des communautés, la promotion d’un développement ethnique et communautaire harmonieux et la revalorisation de l’identité culturelle des communautés vivant dans la région. Parmi les différents comités évoqués plus haut, se sont formés les Comités Ethnico-territorial et de Droits Humains, qui agissent par la formation de dirigeants communautaires.

Régulièrement, ASCOBA interpelle les autorités locales et nationales sur les difficultés rencontrées par les populations du Bas-Atrato et sur la nécessité d’y apporter des solutions urgentes. ASCOBA est devenu au fil des ans un acteur social incontournable dans la région et agit en partenariat localement avec d’autres organisations comme le CINEP, un autre partenaire du CCFD, qui réalise un important travail d’appui à l’association.

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