L’Evêque de San Marcos dénonce depuis des années les impacts négatifs de l’activité minière

Publié le 10.04.2012| Mis à jour le 08.12.2021

« Il faut une cohérence entre les discours de la communauté internationale et les attitudes des grandes entreprises. » Evêque de San Marcos, au Guatemala, Monseigneur Alvaro Ramazzini dénonce depuis des années les impacts sociaux et environnementaux de l’activité minière. Il pointe également les contradictions entre les politiques de coopération au développement prônées par les grandes puissances économiques et les abus des multinationales.

Brésil, le 10 avril 2012 Quelle est la situation de l’activité minière au Guatemala et ses conséquences sur l’environnement et les populations ? Dans ce secteur d’activité, l’Etat considère depuis plusieurs années que les investissements des grandes compagnies multinationales est un point positif pour le pays. Et pour attirer les entreprises, tout est permis. Par exemple, les grandes entreprises sont exonérées d’impôts pendant les sept premières années de leur activité économique. Les paramètres requis pour les études d’impacts environnementaux sont par ailleurs extrêmement faibles. La preuve ? Des communautés entières vivent aujourd’hui dans des régions où les taux d’arsenic dans l’air et le sol sont très inquiétants. Sans parler de la pollution des nappes d’eau souterraines. Vous avez entrepris auprès des instances de l’Union Européenne une démarche de sensibilisation sur  les conséquences sociales et environnementales de l’exploitation minière dans votre pays.  Quels sont les résultats ? En fait, le projet que nous menons avec l’UE va bien au-delà du thème de l’industrie minière. Il est lié à la problématique de la terre en général et notamment de conflits liés à la terre. Cette démarche globale nous aide à travailler plus spécifiquement sur les conflits sociaux liés à l’industrie minière. Jusqu’à présent, les aides que nous avons reçues nous ont permises d’appuyer les communautés et leur assurer un accompagnement juridique. Elles ont également été destinées à appuyer le travail accompli dans le diocèse de San Marcos, dans lequel existe une commission essentiellement axée vers le thème de l’environnement. Ces aides européennes sont également précieuses pour travailler sur d’autres thèmes environnementaux comme l’usage massif de l’eau et la pollution liées aux monocultures de la banane et de la palme africaine qui se développent sur la côte. Vous avez participé fin mars comme témoin d’honneur à une réunion entre organisations rurales et indigènes, et le Président de la république. Quel est votre sentiment sur les réponses du gouvernement aux revendications paysannes en matière d’annulation des licences d’exploration et d’exploitation minières ? Sur le fond, c’est déjà un signal encourageant que le président ait pris le temps d’écouter ces organisations. En termes de résultats, je dirais que les organisations ont obtenu environ 40% de ce qu’elles espéraient. J’ai néanmoins des doutes quant à la réelle volonté de changement du gouvernement qui, je crois, va poursuivre cette politique d’appui aux industries extractives. Je suis aussi inquiet de savoir quelle va être la position du gouvernement sur le thème de la possession de la terre. C’est un point particulièrement délicat, notamment en ce qui concerne les communautés indigènes. Nous devrions en savoir un peu plus lors des prochaines réunions prévues entre le gouvernement et les organisations. Quelles sont les perspectives sur ces thèmes des impacts sociaux et environnementaux de l’activité minière ? Il faut continuer le dialogue et renforcer la résistance pacifique des communautés pour exiger des changements légaux, en particulier dans le domaine de l’industrie minière et sur le développement rural. Il est important que le gouvernement continue à avoir un dialogue concret et qu’il prenne réellement en compte les revendications des mouvements paysans et indigènes. Ils ont en effet été trop longtemps marginalisés. Mais pour qu’ils puissent occuper un espace réel, il faut des changements dans la loi, dans les programmes de développement et dans les politiques publiques. Quel peut et doit être le rôle de la communauté internationale et celui du CCFD-Terre Solidaire ? L’appui de la communauté internationale est très important pour continuer ce travail de reconnaissance des droits des communautés paysannes et indigènes. Ce pays ne pourra vivre en paix que s’il existe une profonde coopération dans les programmes de développement. Il est fondamental aussi que les entités comme le CCFD-Terre Solidaire continuent d’interpeller les gouvernements sur le type de coopération internationale au développement que ces derniers souhaitent promouvoir. Et ce, alors même que les grandes entreprises des pays qui forment cette communauté internationale profitent de la faiblesse de l’état guatémaltèque pour réaliser un maximum de profits. Les pays qui composent cette communauté internationale ne doivent donc pas seulement superviser les actions de leurs propres entreprises. Il doit y avoir une cohérence entre les discours de la communauté internationale et les attitudes des grandes entreprises. Jean Claude Gerez Responsabilité des entreprises, le plaidoyer à Bruxelles, une dynamique collective Informer, sensibiliser, convaincre, faire bouger les lignes politiques… Pour faire évoluer la législation en faveur des populations du Sud, il faut savoir saisir les opportunités politiques et partager les expertises. « Le rôle des groupes de pression d’ONG est important pour faire changer la politique de l’Union européenne. Et en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), la coalition ECCJ [regroupement européen de plateformes nationales travaillant sur le thème de la RSE, ndlr]* nous a permis d’être plus persuasifs dans notre action » assure Richard Howitt, député européen britannique et Rapporteur sur la RSE au Parlement européen. Pour être efficace, le plaidoyer européen doit être à l’affût des opportunités législatives. « Bientôt aura lieu la révision d’un règlement européen qui définit le cadre juridictionnel de l’action européenne, y compris celle des entreprises européennes hors de l’Europe » explique Antonio Manganella, chargé de plaidoyer RSE au CCFD-Terre Solidaire. Mais avant de pouvoir peser sur la modification d’un texte, il faut sensibiliser le législateur, lui-même noyé sous une masse de dossiers et textes de lois. « Notre ambition, à l’occasion de cette révision, est d’alerter 150 députés sur la question de l’accès à la justice pour les victimes des multinationales européennes » précise-t-il. Avec l’espoir, bien sûr, que bien informés, les députés s’engageront ! Ainsi, en cette fin de novembre 2011, à l’initiative de plusieurs associations – le CCFD-Terre Solidaire aux côtés d’Amnesty International et de Sherpa –, des députés européens et membres d’ONG, du Nord et du Sud, se retrouvent autour d’une table ronde au Parlement européen de Bruxelles. Objectif : que les propositions de la société civile y soient débattues. « Le travail inter-associatif et syndical est primordial, précise Antonio Manganella, car les impacts des multinationales touchent de nombreux domaines : environnement, droits humains, droits des travailleurs, corruption, investissements… Nous devons partager nos expertises. » De plus, face aux moyens colossaux de lobbying et de communication des grandes entreprises, et au soutien qu’elles reçoivent des États, la société civile doit se serrer les coudes. Ces rencontres sont aussi l’occasion pour ceux qui se battent sur le terrain d’entrer en contact direct avec les décideurs politiques du Nord. Ainsi témoigne Jean-Claude Katende, défenseur des droits de l’homme en République démocratique du Congo : « Cela nous permet d’exposer nous-mêmes les problèmes que posent les entreprises européennes dans nos pays. Beaucoup de politiques réfléchissent en termes de lois. Nous, nous raisonnons en terme de personnes, confrontées aux problèmes causés par les entreprises ». Autour de la table, l’écoute semble sincère. Mais cet après-midi-là, seuls quelques députés sont présents. François Hollande avait choisi ce même jour pour une visite éclair à Bruxelles… Ainsi vont les aléas du plaidoyer ! Violaine Plagnol FDM Avril 2012 * Le Forum Citoyen pour la RSE, plate-forme française coordonnée par le CCFD-Terre Solidaire, est membre de ECCJ. Au Pérou, les populations affrontent l’industrie extractive José De Echave, chercheur et ancien vice-ministre des Affaires environnementales « Le projet minier Conga (or et cuivre), qui représente un investissement de 4,8 milliards de dollars, se situe dans le département de Cajamarca au nord du Pérou, une zone très touchée par la pression des activités minières. Il consiste à assécher quatre lacs, en dessous desquels se trouve le minerai, et d’en transformer deux en dépôts de déchets miniers. Le rejet de ce projet par la population [craignant un impact sur les ressources en eau] est l’un des plus importants que l’on ait jamais rencontré dans le pays. Pour l’instant suspendu [suite à de violentes manifestations], les populations en demandent l’annulation. Le gouvernement, quant à lui, souhaite un arbitrage international. (…) La croissance économique [du Pérou], liée aujourd’hui à l’extraction des ressources naturelles, se poursuit. Les politiques extractives se justifient par la nécessité du financement des politiques sociales annoncées par le gouvernement. Sans une rente extractive suffisante, pas de politiques sociales. En conséquence, le gouvernement s’oriente vers une politique répressive des mouvements sociaux qui contesteront ces choix en les criminalisant. (…) Les résistances à ces politiques en Amérique latine démontrent la capacité des populations à dire non à ces choix. Les communautés locales sont fortement affectées par ces activités et ne reçoivent par ailleurs que peu de bénéfices. Un grand enjeu pour les mouvements sociaux du continent réside [maintenant] dans leur capacité à ne pas rester dans des postures de résistance mais de proposer des politiques alternatives. » Propos recueillis par Fabrice Penasse, chargé de mission Amérique latine au CCFD-Terre Solidaire, en décembre 2011. En partenariat avec Projet, la revue du Ceras . Lire la Déclaration des Evêques du Nord Ouest Argentin, le 1er mars 2012 (pdf)

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