Portrait de Walid, fondateur de Buzuruna-Juzuruna. © Sidonie Hadoux / CCFD-Terre Solidaire © Sidonie Hadoux / CCFD-Terre Solidaire
L’histoire de Walid, fondateur de la ferme-école Buzuruna-Juzuruna au Liban
Walid est un agriculteur syrien, réfugié au Liban depuis 2011. En 2014, il rencontre Zoé et Ferdinand, deux français, en voyage au pays du cèdre. De cette rencontre naîtra Buzuruna Juzuruna (« Nos graines sont nos racines »), une ferme-école située à Saadnayel, dans la Bekaa, soutenu par le CCFD-Terre Solidaire.
Ce matin-là, Walid est en plein chantier de sélection des blés, avec une petite équipe de bénévoles. Le terrain où ils opèrent se trouvent à quelques centaines de mètres du potager principal, sur un terrain devenu jardin collectif et familial.
Nous l’attendons à l’ombre de la maison en terre qu’il a construit en 2019 pour abriter la bibliothèque des semences, la fierté de l’association.
« Walid c’est le meilleur », plaisante Zoé, assise devant son ordinateur, en plein travail administratif.
La ferme est une réussite : les commandes de graines ont augmenté de plus de 75% depuis l’année dernière nous explique Zoé, elle aussi à l’origine du projet. Serge, le président de l’association, nous rejoint pour assurer la traduction. Il ne manque plus que l’intéressé.
Et il arrive. De grands yeux bleus perçants et malicieux, une carrure de travailleur, les épaules larges et les mains encore terreuses. Walid sourit généreusement en s’installant à côté de Serge.
Walid est né dans la campagne d’Alep, en Syrie, dans un village d’agriculteurs de 5000 âmes nommé Houweir El Aïss. Ses parents sont paysans, et Walid travaille avec eux et ses 12 frères et sœurs.
Ses parents sont maraîchers, et Walid grandit au milieu des champs de betteraves, de blé, de coton, ainsi que des poules, des vaches, des chèvres, des abeilles, des chevaux et de leur âne.
En Syrie, l’agriculture est conventionnelle depuis les années 1950. « Une agriculture commerciale et non humaine », déplore le paysan. Les agriculteurs ne sont pas riches, et les semences sont imposées par l’État depuis les années 1970 entraînant la disparition de variétés locales, plus adaptées pourtant à la région.
Pour autant, la famille de Walid fait des semences depuis toujours : « C’est une question de transmission de culture, explique l’agriculteur, il ne faut pas les perdre car la diversité des variétés permet la résilience. « Et la qualité ! Walid donne l’exemple de son grand-père décédé à l’âge de 100 ans « avec toutes ses dents » ! Il rit, le regard amusé et fier de son exemple.
En 2011, la guerre civile éclate dans son pays. Il quitte son village pour rejoindre le Liban. Il enchaîne tout d’abord les travaux manuels dans diverses villes du pays, avant de trouver un emploi d’ouvrier agricole dans une ferme à Taanayel, dans la Bekaa.
C’est là qu’il rencontre Zoé et Ferdinand, deux français arrivés au Liban en vélo. Ferdinand est ingénieur agronome, et leurs pratiques se complètent. Ensemble, ils échangent leurs savoirs, puis les deux français rentrent en France. Walid garde contact avec eux.
Naissance de Buzuruna-Juzuruna
En 2016, Zoé et Ferdinand reviennent au Liban, et retrouve Walid à la ferme et d’autres amis.
En 2016, la première maison des semences est mise sur pieds. La même année, ils organisent la fête des graines. C’est durant cette rencontre que le nom de l’association est trouvée « Buzuruna Juruzuna » qui signifie « nos graines sont nos racines ».
Walid doit finalement quitter son travail à la ferme de Taanayel en raison d’un accident. Les copains récupèrent un terrain à Saadnayel, et décident d’y implanter leur projet de ferme-école en agro-écologie.
« Au début les gens nous prenaient pour des fous, même les agronomes se demandaient ce que l’on faisait avec autant de variétés, se rappelle Walid, « j’ai commencé à me demander dans quoi je m’étais embarqué ». Il rit avec Serge et Zoé.
Mais le pari a marché. Aujourd’hui Walid s’épanouit au sein de ce qu’il a contribué à créer. Il s’occupe du jardin, du compost, des bêtes. Il donne aussi des cours sur les semences lorsque l’association organise des sessions de formation.
« Il est le savoir-faire du groupe » renchérit Serge, « celui qui sait tout faire ». Son rêve ? Continuer de transmettre ce patrimoine agricole aux stagiaires comme à ses propres enfants : Ahmed, Arij, Sham et Alaa et le cinquième que sa femme Fodda porte avec amour dans son ventre.
« L’agriculture est la base de tout, c’est le lien entre le passé et le futur », explique-t-il. Et bien sûr, quand la guerre sera terminée, Walid rêve d’exporter le projet dans son village, et accueillir ses amis enfin chez lui.
Sidonie Hadoux
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