Liban : De nouveaux débouchés pour les produits du terroir
Depuis 2006, Fair Trade Lebanon, partenaire du CCFD-Terre Solidaire et de la Sidi (à travers des prêts financiers à faible taux d’intérêt), soutient les populations rurales les plus défavorisées en leur proposant de nouveaux débouchés via le commerce équitable.
En mai, l’association Fair Trade Lebanon (FTL) organisait un « brunch[[Petit déjeuner pris comme déjeuner.]] équitable ». Un événement culinaire et mondain comme les apprécient les Libanais, pour promouvoir les produits de ses coopératives adhérentes. Moment fort de la journée : un vaste buffet dans les « souks » de Beyrouth, qui n’ont du souk plus que le nom, au cœur d’un centre-ville ultramoderne rebâti après la guerre civile. Les membres de sept coopératives se sont relayés pour cuisiner : du kebbé (beignet frit à la viande, au boulgour et aux pignons de pin), du knefé (dessert au fromage et semoule), de la moutabbal (purée d’aubergines froide)…
Active derrière les fourneaux, Wafaa Jamal soigne les convives. Elle est l’une des vingt associées de la coopérative Nejmet el Souba, située près de Rachaya, dans la plaine de la Bekaa. Cuisinière depuis quatorze ans, elle explique ce qui a changé depuis sa collaboration avec Fair Trade Lebanon – pour qui les femmes sont des partenaires prioritaires. « Ils nous ont permis d’améliorer l’aspect et l’emballage de nos produits. Mais nous faisons toujours la cuisine des têtas, des grands-mères. »
Ces recettes ancestrales sont menacées par l’oubli, en raison de l’exode rural, dû notamment à la guerre civile (1975-1990). Mais FTL voit en elles un trésor capable d’alimenter un modèle économique viable. « Auparavant, on assurait nous-mêmes les livraisons à Beyrouth, poursuit Wafaa, et on ne gagnait chacune que cinquante dollars par an. Mon mari et mes frères se moquaient de nous mais en tant que femmes, on doit toujours travailler plus ! À présent, nous gagnons chacune 300 dollars par mois, grâce à FTL qui nous aide à exporter nos produits. » Un revenu conséquent, comparé au salaire moyen mensuel de 200 dollars des paysans libanais. Pour certains travailleurs, la coopérative représente 100 % de leurs revenus ; pour d’autres, elle offre un complément. Dans tous les cas, le versement de salaires justes est au cœur de la philosophie du commerce équitable.
Depuis sa création en 2006, FTL œuvre à changer la vie des populations rurales grâce au commerce équitable dans un pays où 60 % des paysans sont considérés comme pauvres.
14 coopératives et 650 bénéficiaires
L’association anime un réseau de quatorze coopératives et PME familiales qui regroupent 650 bénéficiaires. Elle dispense des formations qui aident les producteurs à atteindre les standards en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire correspondant aux normes du commerce équitable. Grâce à ces nouveaux débouchés et en limitant les prélèvements des intermédiaires, les producteurs reçoivent des revenus décents. FTL contribue ainsi à promouvoir un modèle économique viable et juste, différent de celui de la grande agro-industrie.
Fair Trade Lebanon vend les produits de coopératives membres à des distributeurs européens, nord-américains ou japonais. Parmi eux : Artisans du Monde ou Ethic Valley. Elle commercialise une cinquantaine de produits (épices, sirops, vins, condiments…) en misant sur le savoir-faire traditionnel.
Lina Aakab Bahmad est la présidente de la coopérative de Wadi el Taym, une région druze au sud-est du pays. Associée ponctuelle de FTL depuis deux ans, la structure a amélioré ses confitures aux citrouilles, à la datte ou à la tomate. « Nos cuisinières sont des femmes plutôt âgées qui ne sont pas allées à l’école. Elles ont reçu une formation pour rationaliser les dosages d’anciennes recettes qu’elles connaissent, et respecter les règles d’hygiène » qui permettent aux produits de répondre aux normes du commerce équitable.
Le marché équitable au Liban croît, mais il reste encore peu développé. Afin de lui donner davantage de visibilité, FTL aide des coopératives à faire certifier Fair Trade International (FTI) certains de leurs produits. Un vin et une huile d’olive sont déjà labellisés. Prochainement pourraient l’être des pois chiche et des lentilles. « Mais les standards internationaux de l’équitable ont été conçus pour les pays du Nord, prévient Benoît Berger, directeur des projets chez FTL. Ici, nous pouvons difficilement trouver certains des éléments qui entrent dans la composition de nos produits, comme le sucre, eux-mêmes certifiés équitables. »
Le marché équitable au Liban peut grandir, dit-on à FTI : « Notre partenaire Fair Trade Lebanon fait beaucoup pour la sensibilisation au commerce équitable dans le pays. Nous espérons qu’à l’avenir, plus de produits équitables seront disponibles au Liban. » En effet : « Aujourd’hui, on trouve de l’équitable étranger labellisé Fair Trade International dans les supermarchés libanais, mais pas de produits nationaux, regrette Chiraz Skhiri, responsable Moyen-Orient chez FTI. Outre l’exportation, il y a un marché local à développer. »
Avec la même idée en tête, l’enseigne de traiteur libanais Sofil a cuisiné durant le brunch du sfouf, un dessert à base de mélasse de caroube, confectionné avec des produits de l’association. Le restaurant La plage, tenu par Sofil, propose des menus spéciaux et dispose de l’huile d’olive FTL sur les tables. « Nous tenons à montrer que les produits équitables peuvent être utilisés dans la cuisine de tous les jours », explique Nahla Atié, la responsable du développement.
Le chiffre d’affaires de la société commerciale de Fair Trade Lebanon est d’environ 300 000 dollars par an, avec des résultats en dents de scie. « Il existe une tendance à la croissance, admet Benoît Berger. Mais il y a trois ans, on pensait que l’on en serait déjà plus loin aujourd’hui. Après un événement, les ventes augmentent, mais elles redescendent vite. » L’association a vendu 450 entrées à 30 dollars, pendant le buffet. Cela permet à l’événement d’atteindre l’équilibre financier ; avec 50 % de ventes supplémentaires que lors du premier brunch en 2012.
Nouvelle piste d’avenir prometteuse pour le commerce équitable libanais : le bio. La certification est achevée pour une coopérative qui y était déterminée depuis longtemps, et la démarche est en cours pour une autre. Mais le processus fait parfois peur aux cultivateurs car le bio demande une rigueur extrême et les fruits sont souvent moins beaux. « À la coopérative de transformation de roses et d’amandes de Fourzol, précise Benoît Berger, les femmes l’envisagent. Mais elles ne veulent pas se fâcher en abandonnant leurs fournisseurs habituels… qui sont souvent leurs maris ! »
Prochainement, FTL se tournera vers le Golfe en s’appuyant sur le prestige gastronomique du pays, notamment via la diaspora libanaise. Rappeler à chaque Libanais expatrié le goût délicieux des plats de sa région d’origine est un des objectifs de l’association. Elle envisage également, quand les temps seront propices à l’investissement, de proposer du tourisme équitable en organisant la visite des producteurs, pour les étrangers, les scolaires ou les randonneurs libanais.
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