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Liban : six personnes racontent leur quotidien face à la pénurie d’énergie

Publié le 05.11.2021| Mis à jour le 12.01.2022

Depuis quelques mois le Liban s’enfonce dans une crise économique sans précédents. Avec des coupures d’électricité quotidiennes de plusieurs heures par jour, et la pénurie d’essence, le quotidien de la population est bouleversé. Alors que nous accroissons notre soutien à nos partenaires sur place, nous avons voulu laisser la parole à plusieurs personnes pour témoigner de leurs difficultés quotidiennes. Plongée dans une société qui vit un véritable effondrement

Naïm, programmeur informatique 

Que ferons-nous pendant trois heures dans la pénombre ?

Les coupures d’électricité nous affectent plus que ce que vous pouvez imaginer.

Quand la coupure intervient, je suis contraint d’arrêter de travailler.

La batterie de mon ordinateur ne tient pas suffisamment pour me permettre de travailler sans électricité.

Quand nous passerons à l’heure d’hiver, il fera nuit à 16h00, heure à laquelle ca coupe systématiquement. Que ferons-nous pendant trois heures dans la pénombre ? Retour ligne automatique
Récemment, je me suis aperçu que les compagnies de paiement en ligne ont arrêté de travailler avec les entreprises libanaises.

J’ai travaillé pendant plusieurs semaines sur la construction d’un site internet marchand, et je ne peux pas le terminer.

Nisrine, fonctionnaire municipale

Les frigos se coupent plusieurs heures par jour

Les prix de la nourriture ont flambé.

Certains produits de base deviennent inaccessibles.

Certaines marques auxquelles nous étions habituées disparaissent et sont remplacés par des nouvelles que nous n’avions jamais vues avant, évidemment de moins bonne qualité.

Il faut aussi penser à acheter des produits qui se conservent malgré les coupures d’électricité parce que les frigos se coupent plusieurs heures par jour.

Pour la viande, en dehors du prix, je n’en achète presque plus. Je crains trop d’être malade. C’est quasiment sûr que la chaîne du froid n’a pas été respectée.

Nathalie – enseignante à l’université

Mon salaire vaut désormais 75$

Je dois envisager mes heures de travail en fonction des heures de lumière. Par exemple, je sais que j’ai trois heures devant moi pour faire une machine à laver, préparer à manger, effectuer mon travail personnel, repasser le linge, etc.

Comme je donne des cours en ligne, je suis en recherche continue d’un espace avec électricité et Internet. Cette recherche se fait à pied parce que l’essence coûte trop cher.

Et il faut faire la queue pendant des heures.

Mon salaire qui est en livres libanaises vaut désormais 75$.

Les relations familiales et affectives sont tendues. Les conversations entre amis commencent à s’unifier sur le thème de « quoi faire ». Les réseaux sociaux ne font que parler de la crise. Ici on ne vit pas, on survit.

Raphaël – directeur de centre social

Chaque jour tu apprends une nouvelle pénurie

La vie quotidienne depuis février 2019 est un vrai calvaire.

Pour un célibataire comme moi c’est un peu mieux que pour les couples avec enfants car mes dépenses peuvent être davantage orientées vers mes besoins personnels.Retour ligne automatique
Pour les familles, c’est pire, surtout si les enfants sont en bas âge en raison des pénuries de couches, lait, vaccins.

Pour moi, l’effet principal de la crise c’est le stress, la nervosité et la dépression.

Chaque jour tu te réveilles et tu apprends une nouvelle pénurie.

Mohammad – directeur d’une ONG

La crise est politique avant tout

Pour moi, la crise est systémique et permanente. Notre vie est un chaos, mais on s’adapte. Tout prend beaucoup plus de temps, mais il n’y a pas d’autres alternatives pour le moment. Les institutions publiques ne fonctionnent pas à cause du confessionalisme qui interfère dans toutes les sphères de la vie. La crise est politique avant tout : les élus à la tête du pays bloquent le bon fonctionnement de l’état pour assouvir leurs intérêts. La solution ne viendra pas du gouvernement, mais d’un nouveau mouvement inclusif non confessionnel porté par la jeunesse.

Depuis 2019, le pays s’enlise dans une situation chaotique aggravée récemment par la levée des subventions étatiques entrainant une flambée des prix et de graves pénuries d’essence, d’électricité, de médicaments, et de certains produits alimentaires. Las de devoir s’adapter à l’impensable, certains libanais font la queue pendant des heures devant la Sureté générale pour obtenir leurs passeports. Le nombre de demande a augmenté de 50% en 2021 selon l’administration. Les départs sont massifs. A l’intérieur du pays, les inégalités économiques s’intensifient. Plus de la moitié de la population a basculé dans la pauvreté selon la Banque Mondiale. La classe moyenne disparait petit à petit.

À lire aussi : A Beyrouth, se reconstruire malgré tout

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