L’insécurité alimentaire s’accroît

Publié le 14.06.2012

Les règles du commerce international, sous l’égide de l’OMC ne garantissent plus l’alimentation pas chère pour tous. Aujourd’hui des Etats comme la Lybie, les Etats des émirats arabes, la Chine ont ainsi mis en place des fonds dits souverains pour acquérir massivement des terres arables pour garantir leur approvisionnement. On parle même de géopolitique des terres arables.

Acheter des biens de consommation plutôt que d’investir dans l’agriculture

Nombre de pays ont eu comme stratégie d’acheter des biens de consommation plutôt que d’investir dans l’agriculture, ayant accès à bas prix à l’alimentation, grâce aux subventions du Nord et aux règles iniques de l’OMC, des accords bilatéraux ou multilatéraux toujours édictées au détriment des agricultures locales. La dernière crise alimentaire a éclaté non pas due au manque de production mais à un jeu purement spéculatif sur les marchés de matières premières agricoles, pour « compenser » la crise du crédit immobilier ; d’autres facteurs comme le réchauffement climatique, les agro carburants… ont accentué le phénomène. Les prix des produits de base (riz, blé, sucre) ont alors augmenté fortement et brutalement, touchant les plus pauvres surtout dans les centres urbains, d’où les émeutes de la faim de 2007/2008. Cette crise alimentaire a obligé de nombreux pays à repenser leur stratégie alimentaire. En effet, leur stabilité politique a été menacée et leurs factures d’importations alimentaires ont explosé.

La Chine aurait acquis 2,8 millions d’ha en République Démocratique du Congo pour créer la plus grande plantation du monde de palmiers à huile, ,la Corée du Sud, 690.000 ha au Soudan pour produire du blé, les Émirats Arabes Unis plus de 400.000 ha toujours au Soudan dans le même but, les 100.000 ha que le Président malien Amadou Toumani Touré a octroyé à la Lybie dans le delta intérieur du Niger pour produire des céréales destinées à son pays,à chaque fois aux dépens des paysannes et paysans.

Les émeutes de la faim qui, en 2007/2008, ont secoué de nombreux pays du sud – notamment le Burkina Faso – ont (re)mis la question de la production de denrées alimentaires et de l’accès aux terres agricoles au cœur de l’actualité.


Conséquence directe de la crise alimentaire 2007-2008

Le phénomène d’accaparement des terres dans les pays du Sud, illustré par le cas médiatique de Madagascar ayant projeté de louer prés de la moitié de ses terres agricoles à l’entreprise coréenne Daewoo, est une conséquence directe de la crise alimentaire 2007-2008. En effet, la hausse brutale ainsi que la volatilité record des cours mondiaux ont effrayé les pays structurellement importateurs et disposant de réserves de devises (pays du Golfe, tigres asiatiques, Chine,…) qui avaient jusque-là recours au marché mondial pour s’approvisionner. Face aux prévisions d’une hausse des prix durable, et en l’absence de politiques et d’outils internationaux de régulation des marchés mondiaux, ces pays font aujourd’hui le choix de diversifier leur approvisionnement en ayant recours à l’achat de terre à l’étranger et à leur mise en culture pour leurs propres besoins. Ce phénomène est appelé à continuer et s’étendre dans les prochaines années, souvent au détriment des populations rurales locales. Le CCFD-Terre Solidaire soutient ses partenaires engagés sur le terrain dans la défense des agricultures familiales et vivrières face à l’extension des monocultures et de l’agrobusiness, mais aussi à travers des campagnes telles que « le soja contre la vie » (2006) ou « les agrocarburants, ça nourrit pas son monde » (2008). Il mène également un plaidoyer auprès des pouvoirs publics et européens ou auprès des institutions internationales en faveur d’une régulation mondiale des marchés.).

Parallèlement, la crise financière poussait les investisseurs à rechercher des placements dans des valeurs refuges – dont le foncier et les denrées alimentaires – tandis que la crise climatique et la flambée des prix du pétrole amenaient nombre d’états parmi les plus développés à encourager la production d’agrocarburants.

C’est ainsi que, ces dernières années, des états soucieux d’assurer la sécurité alimentaire de leur population, mais aussi des multinationales de l’agroalimentaire, des producteurs d’agrocarburants et des opérateurs économiques privés à la recherche de placements juteux, ont acquis d’immenses étendues de terres agricoles (45 millions d’hectares rien qu’en 2009, selon la Banque Mondiale), notamment en Afrique subsaharienne, mais aussi en Amérique latine et en Asie du Sud-est – modalité favorite des acquéreurs, la location de terre sur des baux s’étendant de 20 à 50 ans est particulièrement à l’honneur aux Philippines qui, toujours selon la BM « sont l’un des hot spot régionaux du leasing de terres ».
« Néocolonialisme agraire »

Ce « néocolonialisme agraire » (selon l’expression de Jacques Diouf, secrétaire général de la FAO) trouve, hélas, des relais locaux, tant chez les gouvernants des états cibles – qui voient (ou font semblant de voir) dans les investissements étrangers la potion magique qui mettra un tigre dans leur moteur – que chez des hommes d’affaires ou fonctionnaires locaux trop souvent disposés, en échange d’avantages sonnants et trébuchants, à jouer les intermédiaires – c’est le Bénin qui, à ce propos, nous servira d’exemple.

Pourtant, si dans les eaux glacées du calcul économique, la terre est une « commodity » comme les autres, pour des millions de femmes et d’hommes de notre planète c’est un espace vital dont seule la violence – parfois la plus extrême, comme en Colombie – peut réussir à les chasser.

Mais ces petits producteurs, pêcheurs artisanaux, communautés indigènes résistent. En témoignent, au Brésil, les 25 ans de luttes du Mouvement des Sans Terre ou les mobilisations contre la construction de barrages qui vont inonder des dizaines de milliers d’hectares de forêt amazonienne, et au Pérou, les conflits opposant des communautés indigènes aux multinationales pétrolières ou minières opérant sur leurs territoires.

Mieux, ces petits producteurs, pêcheurs artisanaux, communautés indigènes, non contents de tirer de la terre (et de l’eau) leurs moyens de subsistance, contribuent également à la préservation de l’environnement et produisent l’essentiel des aliments consommés dans le monde.

Leur combat est aussi le notre ! Proclament de nombreuses organisations internationales. Et, après Dakar et l’Appel contre l’accaparement des terres, voici que se prépare, en Inde, une immense Marche pour la justice, le droit à l’alimentation, à la terre, à l’eau, aux semences, aux forêts.

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